Durant l’entre-deux-guerres le Royaume Uni fit reposer, à l’instar de nombreux autres pays européens, sa surveillance côtière sur une importante flotte d’hydravions à coques. Majoritairement ces appareils possédaient la même architecture : ils étaient biplans et bimoteurs. Rares furent les transgressions à cette règle tacite. Pourtant l’avionneur Short envisagea dans les années 30 une alternative au travers d’un très original monoplan, mais malheureusement sans que cela ne soit concrétisé par une quelconque commande en série. L’appareil en question demeura au stade de prototype mais servit néanmoins quelques temps dans la Royal Air Force en tant qu’hydravion de servitude, il s’agissait du Short Knuckleduster.
Au printemps 1931, l’Air Ministry émit la Specification 24/31 relative à un hydravion de reconnaissance et de patrouille côtière. Trois constructeurs britannique y répondirent : Saunders-Roe, Short, et Supermarine. Si le premier et le troisième apportaient chacun les esquisses d’un biplan, il en fut tout autrement de Short qui proposait un original monoplan. Loin des canons esthétiques de l’époque en la matière le nouvel appareil, désigné S.18 dans la nomenclature du constructeur, présentait une architecture pour le moins surprenante. Un prototype de chacun des trois appareils fut commandé par l’Air Ministry.
Le Short S.18 fut assez rapidement assemblé, puisque son prototype sortit des ateliers en septembre 1933. Il se présentait sous la forme d’un hydravion à coque monoplan à aile haute bimoteur. La particularité extérieure de l’avion résidait sa voilure type « aile de mouette » avec des moteurs fixés sur l’extrados. Chaque moteur était surmonté d’un imposant radiateur à eau. Pour le reste le S.18 faisait appel à une construction entièrement métallique, utilisant notamment de l’inox pour une partie de ses pièces. Pour le reste l’appareil disposait d’un empennage double dérive assez classique à l’époque sur ce type de machines, de deux flotteurs additionnels sous voilure, et d’un cockpit surélevé. Trois postes de tirs (en position avant, centrale, et arrière) étaient prévus pour disposer chacun d’une mitrailleuse mobile Lewis de calibre 7.7mm montée sur affût annulaire. C’est dans cette configuration que le premier vol eut lieu le 30 novembre 1933.
Celui-ci ne se passa pas particulièrement bien, obligeant le pilote d’essais à un amerrissage d’urgence. Un des deux autres membres d’équipage fut légèrement blessé. Le problème rencontré était dû à des turbulences au niveau de l’empennage. Le Short S.18 fut modifié, et put reprendre ses essais en vol quinze jours plus tard.
En février 1934, l’hydravion fut livrée au centre d’essais de Felixstowe, dépendant directement du Marine Aircraft Experimental Establishment qui testait tous les hydravions militaires britanniques. C’est là qu’on lui attribua le nom de baptème de Knuckleduster. Là encore les essais se passèrent mal, en septembre de la même année l’appareil fut heurté par un vol de goélands. Un des radiateurs fut endommagé tout comme une partie du cockpit. Il fut immobilisé jusqu’en février 1935.
Deux mois plus tard, après une intensive campagne d’essais, le Short Knuckleduster fut officiellement remis au Squadron 209 de la Royal Air Force pour les essais comparatifs avec ses concurrents, le Saunders-Roe London et le Supermarine Stranraer. Malgré des performances très légèrement en faveur du bimoteur de Short, ce sont les deux autres appareils qui furent sélectionnés. Plus traditionnels, ils étaient de ce fait plus dans la norme d’une RAF encore très timide vis à vis des monoplans.
Cependant, cet échec ne sonna pas définitivement le glas du Knuckleduster. Il fut conservé par le Squadron 209 comme appareil de servitude et de sauvetage en mer. Désarmé, il réalisait des missions de soutien logistique et de récupération des équipages en difficultés en mer. A cette occasion il participa aux tests en mer du Short Sunderland, assurant la sécurité de l’équipage d’essais.
Fin 1938, le Knuckleduster fut cédé à l’Air Technical School de Cosford dans le nord-ouest de l’Angleterre. Cette école de la RAF était destinée à former les futurs mécaniciens appelés à travailler sur hydravions à coque. Il y demeura jusqu’en 1942, année au cours de laquelle il fut envoyé à la ferraille. Ainsi se terminait la discrète carrière d’un hydravion pour le moins original.
Loin d’être un appareil raté, malgré les quelques accidents que connut sa phase d’essais, le Short S.18 Knuckleduster représente bien cette période où malgré un conservatisme avéré des décideurs militaires quelques tentatives d’originalités eurent lieu. Il est intéressant de voir qu’une trentaine d’année après Short, c’est l’avionneur soviétique Beriev qui s’intéressa à l’aile de mouette sur un hydravion à coque, ce qui donna naissance au Be-12 Chaïka. Aujourd’hui tombé dans un oubli relatif le Knuckleduster reste tout de même un appareil qui mérite que l’on s’arrête un peu sur lui.
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