En matière de défense la Chine a longtemps préféré faire appel à la quantité plutôt qu’à une recherche de qualité, et ce quelque soit le domaine de défense, que ce soit dans l’équipement de ses fantassins, dans ses divisions blindées, dans sa marine de guerre, ou encore dans son aviation militaire. Dans ce dernier cas, les forces chinoises ont souvent eu recours à des appareils acquis auprès de l’Union Soviétique et copiés par la suite par l’industrie nationale. Toutefois, il existe quelques machines à part, issues de programmes spécifiques tels que le Shenyang J-8, qui s’il a bien des origines russes, celles-ci concernent un ancien prototype refusé en son temps par les VVS.
Au début des années 1960, Pékin ne disposait que de quelques vieux monoréacteurs pour assurer sa défense aérienne et mener ses missions de harcèlement aérien au-dessus du territoire taïwanais de l’île de Formose. Il devenait urgent de faire face à cette situation, et la Chine fit appel une fois de plus au « grand frère » soviétique afin que celui-ci lui fournisse un avion de combat efficace, surtout depuis l’apparition sur l’archipel nippons de nouveaux chasseurs américains. Le cahier des charges chinois était très simple, puisque l’avion désiré ne devait être exclusivement qu’un intercepteur, à même de décoller rapidement et d’attaquer son adversaire le plus aisément possible, que ce soit au-dessus du territoire chinois, ou en phase de survol maritime. L’avion devait donc être biréacteur.
En 1964 l’avionneur soviétique Mikoyan-Gurevitch livra à la Chine son prototype de chasseur de protection frontalière Ye-152, un avion refusé par l’état-major soviétique mais finalement très proche des attentes chinoises. Les ingénieurs de l’avionneur Shenyang se mirent rapidement au travail et étudièrent une possibilité de moderniser et d’adapter l’avion aux besoins du pays. En 1967 l’avion fut retourné à Moscou, et les études allaient bon train en Chine. Le programme reçut la désignation locale de J-8. Mais entre 1960 et 1967 les besoins de la Chine avaient changé puisque l’avion n’était plus le seul appareil de combat moderne produit dans le pays. L’avionneur Changhe construisait de son côté le chasseur-bombardier J-7. Les J-7 et J-8 partageaient un ancêtre commun, puisque le Ye-152 était lui même issu du prototype du MiG-21. Le premier prototype du J-8 fut assemblé début 1969.
Il se présentait sous la forme d’un biréacteur à aile basse delta disposant d’un canon interne GSh-23 de 23mm de calibre d’origine soviétique, et apte au tir de missiles air-air de conception indigène. L’avion était en outre monoplace, avec un siège éjéctable de construction locale. Ses deux réacteurs, des Tumansky R-11 soviétiques, étaient construits sous licence par Wopen. Les deux entrées d’air rectangulaires collés le long du fuselage faisaient du J-8 un chasseur relativement élégant pour l’époque. Il effectua son premier devant un parterre d’officiels chinois en juillet 1969.
L’OTAN estima en premier lieu, à tort, qu’il ne s’agissait que d’une version supplémentaire du MiG-21 et lui attribua la désignation de Fishbed-D. Malgré des qualités de vols interressantes, le programme subit un important retard, notamment pour des raisons politiques, et il fallut attendre dix ans pour voir le début de la construction en série de l’avion. Entre tempsl’avion s’était vu adjoindre un nouveau radar, des capacités limités d’attaque au sol grâce à l’emport de bombes lisses et de paniers à roquettes, et un train d’atterrissage renforcé. Le nouvel avion fut désigné J-8-I et entra en service en 1981. À cette époque les Occidentaux durent se rendre à l’évidence et constater leur erreur. Ils décidèrent que l’avion était une machine nouvelle et le désignèrent par le nom de code de Finback.
Plus de 400 exemplaires ont été assemblés entre 1981 et 2000, principalement pour des missions d’interception et de supériorité aérienne, les principales menaces pour la Chine étant à cette époque l’US Navy et la Republic Of China Air Force (ROCAF, autrement dit l’aviation taïwanaise) dotées chacunes de chasseurs performants. Toutefois dans les années 80 les Finback représentaient un danger potentiel pour les Lockheed F-104 et les Northrop F-5 taïwanais. Avec l’arrivée à Formose au milieu des années 90 de chasseurs plus modernes comme les Lockheed-Martin F-16C/D et surtout les Dassault Mirage 2000-5 il devint évident que les J-8 étaient appelés à devenir obsolètes. C’est ainsi que la Chine lança son J-8M (M pour Modernise, modernisé en anglais) capable de tirer des missiles de nouvelle génération comme le PL-9 ou encore le redoutable PL-12, une arme proche des AIM-120 AMRAAM américains. En outre le J-8M disposait d’un radar à longue distance. Cette version est entrée en service en 1997.
Avec l’apparition en Corée du Sud de chasseurs comme le F-15K et le risque de voir des chasseurs de cinquième génération un jour en dotation dans la région, la Chine décida de moderniser sa défense et retira tous ses J-7 de cette mission, ne laissant pourtant pas seuls les Finback. En effet l’aviation chinoise dispose depuis le début du XXIème siècle d’un nouvel avion de combat air-air, le Sukhoi Su-27 russe. Si ce dernier n’est pas destiné au remplacement du J-8 il en est tout autrement du J-10, un avion de la même catégorie que le Rafale français. Ce dernier est entré en service en 2006, et depuis les chaines d’assemblage du Finback ont été stoppées.
Le Shenyang J-8 a défrayé la chronique, et est à l’origine d’un des plus lourds incidents diplomatiques est-ouest de l’après guerre froide. En effet le 1er avril 2001 une patrouille de deux J-8 chinois a intercepté en limite de l’espace aérien international un avion de reconnaissance Lockheed EP-3E Aries de l’US Navy. Lors des phases d’identification, il semble que l’aile d’un des chasseurs a percuté celle du biturbopropulseur américain. Si le pilote de ce dernier a réussi à reprendre les commandes de son avion, il en est tout autrement du biréacteur chinois, qui est partie en vrille obligeant le pilote à s’éjecter. Le corps de ce dernier n’a jamais été retrouvé, l’incident ayant eu lieu au-dessus de la Mer de Chine méridionale. Des tirs de semonce auraient eu lieu de la part de l’autre J-8 et l’avion américain a été conduit jusqu’à une base chinoise où l’équipage est resté prisonnier durant onze jours. Cette affaire fut très médiatisée.
Malgré l’entrée en service de chasseurs plus récents, il semble bien que le J-8 Finback ai encore de beaux jours devant lui dans l’aviation chinoise. En tout état de cause ce chasseur demeure l’un des principaux intercepteurs en service dans ce pays, et certainement un des avions développés et construits localement les plus aboutis. Malgré l’interêt de pays comme l’Albanie, la Birmanie, l’Iran ou encore le Pakistan, le Finback n’a jamais été exporté. Il a été construit en environ douze versions différentes, toutes monoplaces, à hauteur de 350 exemplaires. Une des versions les plus surprenantes est un drone issu de l’avion de combat et utilisé comme cible volante pour l’entrainement de la DCA chinoise.Le Finback n’est pas ravitaillable en vol.
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