C’est fin 1936 que l’Air Ministry émit la Specification R.1/36 relative à un hydravion à coque bimoteur de patrouille maritime et de lutte anti-sous-marine. L’époque était alors aux risques grandissant d’un affrontement armé entre l’Allemagne d’Adolf Hitler et une coalition européenne s’appuyant sur la France et le Royaume-Uni. L’aide apportée par les nazis aux Espagnols franquistes ne laissait rien présager de bon pour l’avenir dans cette partie du monde. Le Coastal Command, créé quelques semaines avant la rédaction de cette Specification, avait un besoin croissant en hydravions pour défendre le sud de l’Angleterre et du Pays de Galles contre d’éventuelles incursions de la Kriegsmarine, la marine de guerre allemande.
Deux constructeurs se portèrent sur les rangs de ce programme, Saro (contraction de Saunder-Roe) et Supermarine. Si le premier proposait un étonnant monoplans très moderne dans son allure, le second de son côté apportait les plans d’un biplan plus classique. Et c’est finalement l’hydravion de Saro qui fut choisi. Il portait la désignation de S.36 dans la nomenclature du constructeur.
Son architecture générale semblait fortement influencée par les hydravions commerciaux quadrimoteurs de la société Short, mais aussi par le S.26 Sunderland de patrouille maritime alors en cours de développement. Le Saro S.36 fut commandé à hauteur d’un prototype et de deux appareils de présérie.
Extérieurement, il se présentait donc sous la forme d’un hydravion à coque bimoteur de construction mixte bois-contreplaqué et métal. Sa propulsion était assurée par deux moteurs en étoile Bristol Hercules Mk-II d’une puissance unitaire de 1375 chevaux, entraînant chacun une hélice métallique tripale. Son armement se composait de sept mitrailleuses mobiles de calibres 7.7mm. La première était dans le nez de l’appareil, deux autres dans une tourelle dorsale, et enfin une tourelle de queue portait les quatre dernières. Une charge de bombes de 907 kilogrammes pouvait également être emportée. Le prototype réalisa son premier vol en novembre 1938.
Rapidement les essais en vol, menés sur celui-ci ainsi que sur le premier appareil de présérie, démontrèrent de grosses carences notamment lors des phases de déjaugeages où l’hydravion avait une curieuse tendance à se remplir d’eau par les jointures de coque. En outre, le S.36 présentait une instabilité chronique en vol et une très forte traînée, en partie due aux deux flotteurs installés en bouts d’aile. Malgré quelques modifications réalisées par les équipes de Saro ces défauts persistèrent sur le second appareil de présérie. Finalement les essais en vol se terminèrent en septembre 1939, quelques jours seulement après que le Royaume-Uni ne soit entré en guerre contre les nazis.
En théorie, le Saro S.36 aurait dû être refusé par la Royal Air Force mais les besoins du Coastal Command en matière d’hydravions étaient tels qu’il fut néanmoins commandé en petite série, au nombre de dix-huit exemplaires. Il y reçut la désignation officielle de Lerwick Mk-I. Les premières machines de série, arrivèrent en unité en septembre 1940. Elles furent prises en charge par le Squadron 209 basé à Oban sur la côte ouest de l’Écosse. Ils y remplacèrent les derniers Short Singapore Mk-III encore en service dans cette unité.
Quelques semaines seulement après son arrivée en service opérationnel un premier appareil fut perdu. Cela se passa le 6 décembre 1940, lorsque ce Lerwick coula dans le port d’Oban pour des raisons inconnues. Si la piste du sabotage fut un temps avancé elle ne fut jamais confirmé. D’autant que la réputation désastreuse de l’appareil ne jouait pas en sa faveur. Trois mois plus tard, c’est un accident plus grave qui se passa. Le 12 février 1941 un autre Lerwick subit une avarie lourde, à l’amerrissage cette fois-ci. L’appareil qui rentrait d’une mission de routine se cabra pour une raison inconnue, juste après touché l’eau. Il dessala littéralement, brisant ses ailes au passage. Quatre des six membres d’équipage périrent noyés dans l’accident.
Finalement, le dernier exemplaire de série fut accepté au service par le Squadron 209 début mai 1941. Le hasard voulu que cette unité soit rééquipée quelques jours plus tard, début juin, avec des Consolidated Catalina en provenance des USA. Les trois Lerwick les plus récents furent livrés au Squadron 240 basé sur l’île de Man, tandis que sept autres allèrent au 4th Operationnal Training Unit, une unité d’instruction sur hydravions à coque basée à Invergordon dans le nord-est de l’Écosse. Cependant les ennuis continuèrent, si bien que la flotte complète de Lerwick fut interdite de vol en novembre 1941, à peine plus d’un an après leur acceptation au service opérationnel.
Appareil totalement raté, le Saro S.36 Lerwick fut le seul hydravion à coque bimoteur opérationnel dans la RAF. Bien qu’initialement commandé par le Canada, il ne servit jamais dans ce pays. Sur 21 appareils, prototype et machines de préséries compris, dix furent perdus en service ou à l’hydrobase causant la mort de plus de quarante membres d’équipage.
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