Parmi les avions de transport tactique contemporains on retrouve de plus en plus dans les arsenaux aériens des avions civils régionaux. Destinés généralement à l’accueil de vingt-cinq à cinquante passagers suivant leur taille ces aéronefs représentent généralement un pis-aller acceptable pour de nombreuses forces aériennes n’ayant pas forcément les moyens d’investir dans des avions militaires sans cesse plus onéreux. Il s’agit généralement aussi d’avions adaptés aux missions de liaisons et de communication. L’un des exemples les plus criant est un bimoteur conçu dans les années 1980 en Suède et qui trouva un bien meilleur débouché sur les marchés civils que militaires : le Saab 340.
À la fin des années 1970 l’avionneur Saab chercha à concevoir un avion commercial destiné au marché régional. Conscient qu’alors il concernait principalement l’Amérique du nord le constructeur suédois décida de prospecter pour trouver un partenaire aux États-Unis ou bien au Canada. Il faut dire que son expérience en matière d’avions civils était quasiment nulle, sa dernière réalisation dans le domaine étant un échec construit à seulement dix-huit exemplaires de série : le Saab 90 Scandia. Ce contemporain des Convair CV-240, Martin 2-0-2 ou encore Vickers Viking ne réussit jamais à trouver son marché et plongea Saab dans le doute.
Après plusieurs hésitations un accord fut signé en juin 1979 avec l’avionneur Fairchild. Il tournait autour de l’étude préliminaire d’un avion de 30-35 places sous le nom de code de Project 3000. Pour le constructeur américain il s’agissait de pouvoir surfer sur le succès de ses bimoteurs de transport léger Merlin et Metroliner tout en proposant un avion plus confortable.
Les travaux furent menés par une équipe américano-suédoise installée dans un bureau d’études à Farmingdale près de New York. Et en janvier 1980 le constructeur suédois put enfin annoncer la conception d’un nouvel avion désigné Saab-Fairchild SF-340.
Des différents commencèrent pourtant à poindre dès l’été 1980 quant à savoir où seraient produits les avions : aux États-Unis ou bien en Suède. Dans le même temps Fairchild voulait proposer de développer une version exclusivement militaire destinée à être fournie aux forces américaines autant qu’aux pays membres de l’OTAN. Saab de son côté ne croyait pas en un tel avion. Et finalement ce second constructeur eut gain de cause : le SF-340 ne serait qu’un avion civil.
Après l’étude de plusieurs motoristes autant américains qu’européen c’est General Electric et son turbopropulseur CT7 de 1630 chevaux qui furent retenus. L’hélice quadripale en métal serait fourni par Dowty tandis que l’avionique sera conçu par Collins. Dans le même temps deux premiers contrats furent signés avec les compagnies suisses Crossair et américaines Comair pour respectivement vingt-quatre et seize avions.
En octobre 1982 le prototype du Saab-Fairchild SF-340 fut officiellement présenté à 600 invités triés sur le volet, dont le roi Charles XVI Gustave. Sous l’immatriculation civile provisoire SE-ISF l’avion réalisa quelques tours de pistes sans jamais quitter le plancher des vaches. Finalement son premier vol intervint le 25 janvier 1983 entre les mains des pilotes d’essais Per Pellebergs et Erik Sjöberg. Il fallut attendre la fin du printemps 1984 pour qu’enfin l’avion soit certifié aux États-Unis et dans les pays d’Europe occidentale. Il pouvait dès lors débuter sa carrière commerciale.
À cette époque le programme était porté à 76% par Saab et à 24% par Fairchild, le premier assurant l’usinage des avions. En fait l’avionneur américain ne produisait que les voilures, l’empennage, et les nacelles des turbopropulseurs. Tout le reste relevait de Saab ainsi que donc l’assemblage final. Ce qui irritait les dirigeants américains qui auraient apprécié que les machines destinées au marché local soient produites dans leurs usines, ce que refusait catégoriquement Saab.
Dans le même temps Fairchild vivait de mauvais moment après son échec auprès de l’US Air Force dans la proposition d’un nouvel avion d’entraînement à réaction : le T-46 Eaglet. Et de ce fait en octobre 1985 Fairchild annonça publique se retirer du programme SF-340. Il devenait ainsi de facto 100% suédois.
Il fallut revoir les cadences de production afin d’amortir le surplus de travail au niveau des éléments jusque là produits par Fairchild. De trente-sept exemplaires à l’année la production envisagée fut passée à trente. En septembre 1987 après la livraison du centième avion de série sa désignation officielle changea. Désormais on devait l’appeler Saab 340A tandis qu’une nouvelle version désignée Saab 340B allait voir le jour autour des turbopropulseurs General Electric CT7B de 1750 chevaux. La vitesse de croisière jusque là limité à 500 km/h passa à 525km/h.
En parallèle Saab décida de développer des sous-versions spécifiques à son avion. C’est ainsi que naquirent les Saab 340B QC (pour Quick Change) pouvant être modifié rapidement en avions de transport de fret, les Saab 340B Combi capable d’accueillir dix-neuf passagers et 1500 kilos de fret, et le Saab 340B VIP conçu pour accueillir entre douze et dix-huit passagers dans un aménagement luxueux. Ironie du sort cette dernière version avait été un temps proposé par Fairchild mais refusé.
La carrière militaire du Saab 340 débuta en 1990 quand la Flygvapnet décida d’acquérir quatre avions en deux séries. Il s’agissait de deux machines de transport de hautes personnalités porteurs des désignations suédoises Tp-100A et deux avions de transport de personnels sous celle de Tp-100B. L’un des deux Tp-100A était notamment destiné au soutien officiel de la famille royale. Si on en croit la presse suédoise le roi Charles XVI Gustave a toujours été très attaché à cet avion. Fin 2019 seuls deux avions demeuraient encore en dotation, un de chaque version. Les autres avaient été revendus à des opérateurs privés.
En Suède le Saab 340 a également donné naissance à une version profondément modifiée, type AWACS, connu comme S-100 Argus.
En outre six autres exemplaires volent dans des forces aériennes : deux en Argentine pour des missions de transport de personnels et quatre en Thaïlande où ils remplissent des missions d’évacuation sanitaire et de transport de fret léger. Entre 2003 et 2015 l’aviation émiratie a disposé de deux Saab 340B qu’elle a ensuite remplacé par des Viking Air Twin Otter 400 plus modernes et surtout plus adaptés à ses besoins.
Mais l’utilisateur le plus étonnant de l’avion suédois est sans nul doute la garde-côtière japonaise.
En effet la Kaijō Hoan-chō aligne actuellement quatre Saab 340B qu’elle utilise comme avions de reconnaissance côtière et de recherches-sauvetages à longue distance. Dotés d’un radôme ventral et d’aménagement intérieurs adaptés ces avions assurent des missions de jour comme de nuit le long du littoral japonais. Dans leur célèbre livrée bleue et blanche ils assurent leurs missions aux côtés des Bombardier Dash 8-300 canadiens et des Dassault Aviation Falcon 900MSA français. Au sein de la garde côtière japonaise les avions suédois sont connus pour leur robustesse et leur facilité d’entretien.
Construit à un peu plus de 450 exemplaires de série entre 1983 et 1999 le Saab 340 demeure aujourd’hui encore le plus grand succès civil de son constructeur. Si son utilisation militaire ou parapublique demeure marginale il n’en reste pas moins que cet avion est une plateforme largement appréciée de ses utilisateurs étatiques. De nombreux exemplaires volent encore de nos jours un peu partout dans le monde.
Le Saab 340 a donné naissance à une version agrandie et modernisée désignée Saab 2000.
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