L’entre-deux-guerres vit de nombreux pays européens s’essayer à la construction aéronautique, parfois avec réussite et d’autres fois en accumulant les échecs. La Tchécoslovaquie se classe dans la première catégorie avec des avionneurs depuis entrés dans la légende des airs comme Aero ou Let. Contrairement à ces deux avionneurs la société ČKD-Praga, ou simplement Praga, n’existe aujourd’hui plus. Pourtant elle sut développer d’excellent avions, principalement d’entraînement. Sa première véritable réussite fut d’ailleurs un biplan école : l’E-39.
Débauchés début 1930 de chez Avia pour qui ils avaient conçu le remarquable chasseur BH-21 les ingénieurs tchécoslovaques Pavel Beneš et Miroslav Hajn furent immédiatement mis au travail par les responsables de la ČKD-Praga. On leur demanda de dessiner et ensuite de développer un nouveau biplan d’entraînement élémentaire pouvant assurer également des missions de liaisons aériennes. Il devait être animé par un moteur en étoile de facture locale, construit par Walter. Jusque là le cahier des charges était simple. Il fut complexifié par l’avionneur lui-même. En effet ce dernier demanda aux deux ingénieurs de concevoir aussi une version civile à moteur en ligne, également Walter.
Le nouvel avion reçut la désignation de Praga E-39. Soucieux d’innover sur bien des points Beneš et Hajn s’inspirèrent de leurs travaux sur le monoplan Avia BH-9 et sur divers biplans. Ils choisirent d’ailleurs cette seconde architecture afin de concevoir l’E-39. Celui avait la particularité d’être d’envergure légèrement inégale mais inversée. C’est à dire que le plan supérieur de voilure était très sensiblement moins grand que le plus inférieur. Cela devait permettre de rendre l’avion plus stable lors des phases d’atterrissages et de décollages, les plus complexes pour les apprentis pilotes. Soucieux du confort de ceux-ci ils pensèrent également à un petit radiateur distribuant de la chaleur dans les deux postes de pilotages à l’air libre. Par ailleurs le train d’atterrissage classique fixe avait été renforcé afin de permettre les opérations depuis des terrains en herbe.
Si le premier prototype vola en juin 1931 avec un moteur à neuf cylindres en étoile Walter NZ 120 de… 120 chevaux les volontés du constructeur d’une version civile axée autour d’un moteur en ligne furent respectées. Un deuxième prototype fut réalisé autour d’un Walter Minor 6-I à six cylindres en ligne d’une puissance de 110 chevaux. Les deux biplans ne se comportaient pas exactement de la même manière. Là où le prototype militaire n’avait pas de gros défauts et volait de manière agréable son pendant civil était dramatique à faire tenir en l’air. À deux reprises lors des vols d’essais il faillit s’écraser. Pavel Beneš et Miroslav Hajn proposèrent alors à ČKD-Praga d’abandonner l’option civile. Ils essuyèrent en refus définitif. L’E-39 serait donc produits en deux versions principales.
Au sein des forces aériennes tchécoslovaques le Praga E-39 était connu comme BH-39, reprenant en cela les initiales de leurs concepteurs. Un système qui s’appliquait déjà chez Avia. L’avion fut employé par les militaires avec deux motorisations principales : les Walter NZ 120 de 120 chevaux et Gemma de 150 chevaux. Ce dernier adoptait la même architecture. En outre neuf avions furent produits spécifiquement pour les missions de liaisons, sans double commande, autour d’un moteur britannique Armstrong Siddeley Genet Major à sept cylindres en étoile construit sous licence locale là encore par Walter.
En 1935 la force aérienne tchécoslovaque possédait sa pleine dotation en E-39, à savoir 130 avions d’entraînement basique et neuf de liaisons. Avion d’entraînement plaisant beaucoup aux élèves et pardonnant aisément les erreurs de pilotage le BH-39 comme l’appelait les militaires ne connut que très peu d’accidents. Aussi quand en 1939 la Tchécoslovaquie tomba aux mains de l’Allemagne nazie la plus part de ces biplan volait encore.
L’aviation allemande en saisit une quarantaine qu’elle expédia dans deux écoles de pilotage. Les pilotes de la Luftwaffe apprécièrent rapidement la rusticité et la robustesse de l’E-39. Pavel Beneš étant de confession juive les autorités nazies choisirent de ne conserver que la désignation constructeur et non celle rappelant son concepteur. Les E-39 allemands reçurent des marquages adaptés et furent employés jusqu’en 1943 année au cours de laquelle faute de pièces détachées ils furent envoyés à la ferraille.
Le corps franc tchèque, allié des nazis, utilisa quelques Praga E-39 pour des missions de reconnaissance diurne et de liaisons au-dessus de l’Union Soviétique. La plus part fut abattue par la DCA. En outre des exemplaires furent livrés par les Allemands à la Hongrie qui l’employa comme avion d’entraînement de base jusqu’en 1944. Elle s’en sépara pour la même raison que la Luftwaffe. Quelques exemplaires réussirent à survivre à la Seconde Guerre mondiale et furent repris en compte en 1945 par l’aviation tchécoslovaque refondée et désormais placée sous l’autorité de l’URSS. Les Praga E-39 volèrent ainsi jusqu’en 1949 avant d’être eux aussi promis à la casse.
Et les exemplaires civils dans tout ça ? Seuls sept furent produits entre 1932 et 1936, quatre pour le marché local, deux pour celui de la Hongrie, et un dernier qui fut employé comme avion de démonstration et de liaisons par l’avionneur. Le Praga E-39 civil était tellement mauvais qu’en 1939 plus aucun ne volait.
Première réussite de l’avionneur le Praga E-39 demeure aussi un des avions tchécoslovaques les mieux employés par la Luftwaffe durant la Seconde Guerre mondiale. Il reste cependant moins connu que le chasseur Avia B.534 qui vola également sous les couleurs nazies. Il ne reste de nos jours plus aucun E-39.
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