Contrairement à une idée reçue l’industrie aéronautique civile française était florissante durant les années d’entre-deux-guerres. De nombreux programmes furent lancés afin de satisfaire les besoins grandissants en avions de ligne. Pour autant la France se voyait tiraillée entre ses besoins européens et métropolitain d’un côté et ses nécessités coloniales de l’autre. Cette dualité donna naissance au fameux scandale des trimoteurs coloniaux de février 1930. Pour autant cela ne calma pas le ministère de l’Air pas plus que les avionneurs qui surent encore largement se planter dans leurs développements. Un des exemples les plus frappants fut un quadrimoteur totalement inadapté : le Potez 661 et sa version dérivée Potez 662.
En décembre 1935 l’avionneur Potez décida de lancer la conception d’un avion de ligne quadrimoteur destiné au transport de dix à douze passagers sur une distance de 1000 kilomètres. L’avion devait aussi bien réaliser des vols intérieurs métropolitains que des vols européens ou encore coloniaux. Les premières ébauches démontraient l’influence esthétique du Douglas DC-2 américain, mais ici en version à quatre moteurs en ligne Renault.
Le nouvel avion reçut la désignation de Potez 661.
En février 1936 la régie Air Afrique annonça qu’elle acceptait d’acquérir trois avions de série lorsque celui-ci serait produit en série. Quelques mois plus tard la politique de nationalisation voulue par le Front Populaire conduisit la société Potez à intégrer la Société Nationale de Construction Aéronautique du Nord, ou SNCAN. Malgré des réticences de la part des décideurs politiques de cette nouvelle structure qui pensaient le Potez 661 dépassé et totalement inutile le projet fut mené à bien. À la fin de l’été 1937 le prototype était assemblé.
Extérieurement le Potez 661 se présentait sous la forme d’un quadrimoteur à aile basse de construction métallique. Doté d’un empennage double dérive et d’un train d’atterrissage classique escamotable l’avion présentait des lignes assez fluides. Ses quatre moteurs étaient des Renault Bengali 6 à six cylindres en ligne d’une puissance unitaire de 220 chevaux entraînant chacun une hélice bipale en bois et métal. Outre les trois membres d’équipage dans le poste de pilotage le Potez 661 était prévu pour l’accueil de douze passagers.
C’est le 18 novembre 1937 que sous l’immatriculation provisoire française F-AQJB l’avion réalisa son premier vol.
Très rapidement les essais en vol démontrèrent des qualités de vol très mauvaises. Totalement sous-motorisé l’avion était incapable de voler à plus de 300 kilomètres heures en croisière alors que le cahier des charges prévoyait une vitesse de 350 kilomètres heures. En outre sa vitesse ascensionnelle était catastrophique et ne lui permettait pas de décoller correctement à pleine charge. Finalement en janvier 1938 le programme fut abandonné, en grande partie par les dirigeants de la SNCAN.
Pourtant Henry Potez croyait dur comme fer en son programme. Il réussit à convaincre la Société Nationale de Construction Aéronautique du Nord de développer une version plus puissamment motorisée.
Ainsi naquit le Potez 662 dont la principale différence était la dépose des quatre Renault Bengali 6 au profit de Gnome & Rhône 14M Mars à quatorze cylindres en étoile d’une puissance unitaire de 680 chevaux. Chaque moteur entrainait une hélice tripale en métal. Le premier vol de ce faux nouvel avion eut lieu le 26 juillet 1938 sous l’immatriculation civile F-ARAY.
Si les essais en vol démontrèrent de nettes améliorations par rapport au Potez 661 ce Potez 662 n’attira pas du tout les compagnies aériennes françaises. Air France le testa en octobre 1938 mais sans succès car l’appareil était beaucoup trop inconfortable, bruyant, et finalement inadapté à ses besoins.
Ce prototype fut donc abandonné en juillet 1939 et stocké par la SNCAN.
Son aventure aurait pu en rester là si la Seconde Guerre mondiale n’avait pas éclaté. Le Potez 662 fut réquisitionné par l’Armée de l’Air en octobre 1939 et affecté à une unité de soutien d’état-major. S’il conservait son immatriculation civile d’origine il gagna une livrée camouflée et des marquages de nationalité française. Il vola ainsi durant tous les mois de la Drôle de Guerre et de la bataille de France. Abandonné sur l’aérodrome de Bordeaux il fut récupéré après l’armistice de 1940 par les forces aériennes françaises de Vichy. Début 1941 le général Charles Huntziger, ministre de la guerre du maréchal Pétain, en fit son avion personnel.
C’est à son bord que l’officier collaborationniste trouva la mort le 12 novembre 1941 dans un crash. L’origine de l’accident semble liée au givrage. L’aventure technologique du quadrimoteur de Potez venait de brutalement se terminer.
Aujourd’hui encore on peut aisément se demander pourquoi après le calamiteux échec du Potez 661 il a été décidé de lancer ce Potez 662. Quoiqu’il en soit l’avion est représentatif d’une génération de machines conçues autours de moteurs trop faibles.
Il ne reste aujourd’hui plus rien de ces deux avions n’ayant jamais dépassés le stade expérimental.
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