Si dans l’inconscient collectif le biplan de chasse reste étroitement lié à la Première Guerre Mondiale il ne faut pas oublier que ces appareils volèrent durant toute l’entre-deux-guerres et même pendant les trois premières années de la Seconde Guerre mondiale. En effet des appareils de ce type portèrent des camouflages de combat face à des monoplans, le plus souvent, bien plus modernes qu’eux. Que ce soit au Royaume Uni ou en Union Soviétique, les deux pays qui utilisèrent les chasseurs biplans les plus évolués du conflit, ces appareils furent particulièrement appréciés de leurs pilotes et ce malgré leurs défauts existants. C’est en URSS qu’on rencontra certainement l’un des meilleurs, voire le meilleur, chasseurs de ce type : le Polikarpov I-153 Tchaïka.
C’est en observant les pilotes républicains espagnols qui volèrent sur I-15 que les responsables de Polikarpov eurent l’idée d’améliorer leur concept de petit chasseur biplan moderne. En effet ce dernier appareil, bien que très efficace, était largement surclassé par les monoplans allemands et italiens de l’époque. Afin d’améliorer ce concept Nikolaï Polikarpov chargea l’un de ses meilleurs ingénieurs Alexsey Chtcherbakov de développer un avion totalement nouveau capable d’être produit en grande série pour des coûts réduits et de tenir tête aux meilleurs monoplans de l’époque.
Chtcherbakov utilisa pour cela l’usine d’état GAZ-1 et le bureau d’étude qui y était rattaché afin de se lancer dans le développement de ce nouvel avion, désigné I-153.
Celui ci se présentait sous la forme d’un monoplace biplan monomoteur. Construit en bois entoilé et métal le I-153 disposait d’un armement tournant autour de quatre mitrailleuses ShKAS de 7.62mm tirant au travers du pas de l’hélice. Six roquettes air-sol RS-82 pouvaient également être montés sous le plan inférieur de voilure. La propulsion de l’avion était assurée par un moteur en étoile Shvetsov M-62 de 1 000 chevaux, une copie soviétique du Wright Cyclone américain, entraînant une hélice en métal. Le I-153 possédait un train d’atterrissage tricycle escamotable qui pouvait le cas échéant laisser la place à des skis, particulièrement adaptés au rude hiver russe. Le pilote prenait place dans un petit cockpit ouvert mais disposait de plaques légères permettant un blindage réduit.
Le Polikarpov I-153 réalisa son premier vol au tout début de l’année 1939 et les premiers exemplaires de série sortirent d’usine en mai de la même année. Il fut baptisé Tchaïka.
Lorsque l’URSS envahit la Pologne, aux côtés des armées du Troisième Reich, en septembre 1939 l’Aviation du Front possédait déjà plus de 400 de ces chasseurs. Bien que très supérieurs aux meilleurs avions polonais les Polikarpov I-153 ne rencontrèrent jamais aucun de ces appareils, ceux ci ayant déjà été descendus par la Luftwaffe.
Dans les premiers mois de la Seconde Guerre mondiale la production alla bon train, si bien qu’en juin 1941 lorsque Hitler décida de se retourner contre son ancien allié Staline l’aviation militaire de ce dernier possédait plus de 1 500 chasseurs I-153 Tchaïka. Bien que sensiblement inférieurs aux Messerschmitt Bf 109E que la Luftwaffe leur opposa les biplans Polikarpov firent bonnes figures. En fait ils perdirent nombres de combat du fait de la supériorité numérique des chasseurs allemands et non pour cause technologique. Certes le petit chasseur soviétique était plus lent que son homologue monoplan allemand mais il était souvent bien plus maniable et avait la particularité de pouvoir réaliser des virages particulièrement serrés.
La production de série se déroula jusqu’à la fin de l’année 1942 et les Polikarpov I-153 restèrent en première ligne en URSS jusque fin 1943. À cette époque les responsables soviétiques estimèrent que ce petit biplan commençait à être obsolète face aux progrès des industriels allemands. C’est la raison pour laquelle les I-153 furent envoyés à l’est, près de la frontière chinoise, où ils n’avaient rien à craindre. En effet l’URSS n’était alors pas encore en guerre contre le Japon.
Outre l’URSS des I-153 portèrent les couleurs de l’aviation chinoise. En effet une centaine de ces chasseurs furent livrés à la résistance chinoise qui s’opposait alors aux forces impériales nippones. Les I-153 apportèrent un regain de confiance à des pilotes bien malmenés par les escadrilles de Mitsubishi et Nakajima en tous genres. Bien que jugés inférieurs à des chasseurs comme le Ki-43 Oscar ou le Ki-61 Tony les I-153 chinois réalisèrent quelques jolis coups contre les bombardiers japonais. Ces avions restèrent en service jusqu’à la fin du conflit.
La Finlande, alliée des nazis, utilisa quant à elle un lot de vingt-deux Polikarpov I-153 qui lui furent donnés par les autorités allemandes. Il s’agissait d’avions saisis en état de vol en Russie et convoyés par la suite. La Finlande les utilisa aux côtés de ses I-15 Bis. On rapporte que certains de ces avions affrontèrent des I-153 frappés de l’étoile rouge.
Par ailleurs Polikarpov réalisa plusieurs sous versions de son biplan comme par exemple le I-153BS doté de quatre mitrailleuses BS de 12.7mm de calibre en lieu et place des armes habituellement emportées. Environ 500 de ces appareils furent assemblés. Une série d’avions fut également produite comme I-153P disposant non plus de quatre mitrailleuses mais de deux canons ShKAS de 20mm de calibre. Ceux ci s’avérant particulièrement fragiles face au rigoureux froid hivernal la production ne dépassa pas la cinquantaine d’exemplaires. Polikarpov utilisa également le I-153 comme banc d’essai volant pour des tests de propulsion à réaction, de vol à très haute altitude, voire même d’essais de sièges éjectables. En 1942 l’avionneur tenta de concevoir une version améliorée, désignée I-190 et, possédant un moteur M-88V développant 1 100 chevaux et permettant d’atteindre près de 500km/h. Toutefois celui demeura sans suite après que le prototype se soit écrasé lors d’un vol d’essais.
La production totale du I-153 s’éleva à 3 347 exemplaires, prototypes et avions d’essais compris.
Dans l’histoire aéronautique le Polikarpov I-153 se place parmi les meilleurs chasseurs de la Seconde Guerre mondiale, aux côtés de l’autre grand biplan de chasse, le Gloster Gladiator avec lequel les pilotes de la Royal Air Force défendaient Malte. Le I-153 peut être considéré comme une sorte d’hybride entre le biplan I-15 et le monoplan I-16, tous deux conçus par Polikarpov.
Aujourd’hui plusieurs Polikarpov I-153 Tchaïka sont visibles dans les musées du monde entier, et notamment dans le Hall 39/45 du Musée de l’Air et de l’Espace au Bourget en banlieue parisienne où l’un de ces petits biplans est exposé aux côtés d’autres «vedettes» de la Seconde Guerre mondiale comme le Dewoitine D.520 ou le Republic P-47 Thunderbolt.
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