Pour la plus part des passionnés d’aviation les grands noms de l’hélicoptère aux États-Unis sont Bell, Hughes Kaman, McDonnell-Douglas/MD Helicopters, ou encore Sikorsky. Ces cinq constructeurs ont su durablement marquer leur époque par leurs productions, pour certains depuis la Seconde Guerre mondiale. Pour autant aucun d’entre eux ne peut s’ennorgueillir d’avoir développé le tout premier hélicoptère officiellement essayé par les militaires américains. Cet honneur revient à une machine aux forts faux airs allemands : le Platt-LePage XR-1.
Quand en 1936 le monde découvre les avancées allemandes dans le domaine des hélicoptères suite au premier vol du Focke-Wulf Fw 61 le cas de cet appareil intéresse particulièrement un jeune ingénieur : Havilland H. Platt. Cet Américain cherche depuis longtemps à améliorer les travaux du Français Paul Cornu, considéré comme l’inventeur de ce type d’aéronef.
Quelques mois plus tard Havilland H. Platt s’associe avec l’ingénieur britannique Wynn L. LePage spécialisé dans le développement des autogires afin de fonder leur propre entreprise visant à développer un hélicoptère s’inspirant du Fw 61 allemand. Les deux hommes travaillent alors d’arrâche-pieds à leur futur prototype.
Platt et LePage sont alors amis avec un homme politique, membre du Congrès américain, le député Frank Dorsey. Celui-ci siège à deux commissions rattachées à l’US Department of War. Les ingénieurs, sûr de leurs travaux, l’incitent à adopter une loi favorisant le développement d’hélicoptères pour les militaires. Une enveloppe de deux millions de dollars US, une fortune en cette année 1938, y est même allouée.
Dorsey va plus loin encore en faisant publier par l’US Army Air Corps un cahier des charges visant à la conception du premier hélicoptère militaire américain. Nous sommes alors le 25 août 1939. Ce qui aurait dû être historique passe alors complètement inaperçu. De l’autre côté de l’Atlantique l’Europe est au bord de la guerre ! Les journaux et la radio ne parlent que de cela aux États-Unis.
Peu importe pour la société Platt-LePage qui a enfin l’occasion de montrer de quoi elle est capable. Elle avance sur le programme son PL-3, un avion rappelant fortement le Focke-Wulf Fw 61 mais en plus grande taille. Les constructeurs Kellet et Vought-Sikorsky sont également sur les rangs. Le forcing de Frank Dorsey va pourtant fonctionner à plein régime afin de faire gagner le PL-3 alors même que le 14 septembre 1939 le Vought-Sikorsky VS-300 est devenu le premier véritable hélicoptère américain à voler. Mais il n’est encore qu’une machine civile.
Dorsey réussit à convaincre les militaires que l’appareil de ses amis aura de meilleurs débouchés pour eux. Le Platt-LePage XR-1 est né.
Le 10 juillet 1940 leur entreprise se voit alloué une très confortable enveloppe de 500 000 dollars US afin de développer leur futur hélicoptère XR-1. Par comparaison la même année l’US Army Air Corps n’offre que 350 000 dollars US pour le développement du bombardier moyen Martin Model 179, futur B-26 Marauder. Comme quoi en temps de paix les priorités ne sont pas les mêmes pour tout le monde.
Bien que d’inspiration allemande le Platt-LePage XR-1 est alors un hélicoptère 100% américain. La défiance envers les nazis est grandissante aux États-Unis et les deux ingénieurs l’ont bien compris. Leur hélicoptère doit donc beaucoup au Fw 61 mais devra surtout s’en distinguer au maximum.
C’est pourquoi il est décidé qu’il sera biplace en tandem disposant d’un poste de pilotage fermé, d’un train d’atterrissage tricycle fixe, et d’un assemblage en tubes d’aciers recouverts de tissus. La partie avant du XR-1 est délibérément largement vitrée afin d’offrir un champ de vision le plus large possible aux militaires américains. La propulsion est assurée par un Pratt & Whitney R-985-AN-1 Wasp Junior à neuf cylindres en étoile entraînant les deux rotors côte à côte et développant 450 chevaux. Il s’agit d’un moteur économique et bien connu de l’US Army Air Corps pour équiper des avions aussi différents que le Grumman OA-9 de recherches et sauvetages en mer, le Howard UC-70 de liaisons, ou encore le North American BT-14 d’entraînement. Platt-LePage l’estime donc élémentaire pour le XR-1.
Le 12 mai 1941, alors que l’Amérique est encore neutre, le Platt-LePage XR-1 réalise son premier décollage. Il est cependant encore entravé au sol par une longe d’une centaine de mètres. L’hélicoptère doit finalement attendre quarante-deux jour pour voler librement. Le 23 juin il vole enfin ! L’US Army Air Corps vient d’entrer dans le club, alors très restreint, des aviations militaires à faire confiance aux hélicoptères.
Les essais en vol n’ont pourtant rien d’une partie de plaisir pour le capitaine Lou Leavitt. Ce pilote d’essais, formé sur autogire Kellet KD-1, reconnait rapidement que le XR-1 est inapte aux opérations militaires. Il est instable lors des phases de décollages et vibre de partout en vol. Le système de contrôle automatique du pas collectif a alors tendance à provoquer une inversion des commandes en particulier dans les virages obligeant Leavitt à sans cesse revoir sa manière de piloter. Une solution est trouvé au début de l’année 1942 par un jeune et brillant ingénieur de 23 ans : Frank Piasecki. Il redessine l’hélicoptère et notamment sa transmission et son poste de pilotage. Un second prototype est assemblé. Désormais désigné XR-1A la machine est sensiblement moins pénible à piloter. Pour autant il n’est plus question de l’employer en opérations.
D’autant qu’en ce début d’année 1942 l’Amérique est en guerre, à la fois contre le Japon dans le Pacifique, et contre l’Allemagne hitlérienne et l’Italie fasciste en Europe et en Afrique du nord. Les programmes d’hélicoptères continuent pourtant, le Platt-LePage XR-1 n’y fait pas exception. La jeune US Army Air Force envisage alors cette machine pour du sauvetage de pilotes tombés derrière les lignes ennemies ou encore pour des missions de liaisons d’état-major. Malheureusement pour les deux ingénieurs c’est Igor Sikorsky qui enlève le marché avec son révolutionnaire XR-4 bientôt construit en série.
Le sort du XR-1 est scellé : il ne servira jamais ! Il est alors uniquement employé pour soutenir des essais en vol, notamment des sous-systèmes d’atterrissages et de décollages des hélicoptères. Le 21 juin 1946 après seulement cent vingt-six heures de vol les deux hélicoptères sont interdits de vol. Le XR-1 original est cédé au National Air & Space Museum tandis que le XR-1A est affecté à l’US Army Air Force Museum, futur actuel US Air Force Museum. Ainsi se termine la courte carrière non opérationnelle du premier hélicoptère militaire américain.
Si Havilland H. Platt et Wynn L. LePage sont ensuite retournés dans un relatif anonymat il en fut tout autrement de Frank Piasecki qui avec sa société éponyme marqua lui très durablement l’histoire aéronautique mondiale. N’empêche que les deux ingénieurs avaient réalisé le premier hélicoptère militaire américain. Et même si celui-ci fut un cuisant échec il n’en demeure pas moins un échec historique !
En savoir plus sur avionslegendaires.net
Subscribe to get the latest posts sent to your email.