Dans l’histoire de l’aviation le nom de Piper a toujours été lié à des avions légers particulièrement adaptés à leurs marchés. Bien entendu pour tous le monde, du passionné d’aviation au néophyte ce nom rappelle avant tout les monomoteurs légers à aile haute type Cub mais cela reste réducteur. En effet ce constructeur a su également développés d’autres types d’avions légers et notamment une très belle famille de bimoteurs de tourismes et d’affaire ayant connu une carrière militaire discrète mais complète : le PA-31 Navajo.
Au début des années 1960 l’avionneur américain Piper chercha à développer un avion capable de remplacer son bimoteur à succès PA-23 Aztec. Il s’agissait notamment de contrer la montée en puissance de Beechcraft et Cessna avec leurs nouveaux avions respectifs Model 65 Queen Air et Model 310. La réponse devait donc apporter un avion au moins équivalent au premier d’entre-eux et si possible supérieur.
Comme à leur habitude les ingénieurs de Piper firent le choix d’un moteur à pistons en lieu et place du turbopropulseur, alors même que celui-ci avait le vent en poupe.
Connu un temps comme PA-30 Twin Comanche il fut finalement présenté sous la désignation de PA-31 Navajo. L’avion se présentait sous la forme d’un bimoteur de construction intégralement métallique. Il possédait une aile basse cantilever et un train d’atterrissage rétractable en vol. Conçu pour un seul pilote il pouvait accueillir entre six et sept passagers ainsi que 75kg de fret léger dans une soute à bagages à l’arrière de l’avion. Sa propulsion était assurée par deux moteurs Lycoming TIO-540-A de 314 chevaux actionnant chacun une hélice tripale en métal. C’est dans cette configuration que le prototype réalisa son premier vol le 30 septembre 1964.
L’avion fut certifié par les autorités civiles américaines en mars 1967. Pourtant à cette époque Piper avait essuyé un cuisant revers avec son PA-31 Navajo : l’US Air Force l’avait refusé, lui préférant l’avion proposé par Beechcraft. L’U-21 Ute venait de doucher les espoirs de Piper qui jamais ne réussirait à vendre aux forces américaines son bimoteur.
Dans le même temps l’avion connaissait un succès grandissant sur le marché civil. Il se vendait des dizaines de Navajo par mois aussi bien en Amérique du nord qu’en Europe occidentale. L’avion était un succès incontestable.
Mais l’échec de Piper contre Beechcraft laissa une empreinte indélébile, renforcée après l’annonce de la commande des King Air 90 devenus C-12 Huron dans l’arsenal américain. Pour tenter d’y répondre Piper lança le PA-31T Cheyenne, un Navajo doté de deux turbopropulseurs Pratt & Whitney Canada PT6-28 d’une puissance unitaire de 628 chevaux, soit pile le double des moteurs d’origines. Moyennant quelques améliorations aérodynamiques afin d’accroitre les performances de l’avion, comme des réservoirs de carburants aux extrémités de voilure ou encore un nez redessiné le Cheyenne vola pour la première fois le 29 août 1969. Sa carrière commerciale commença cinq ans plus tard.
Si les États-Unis ont boudé l’avion il connut cependant une riche carrière militaire, bien qu’assez discrète. Des Piper PA-31 Navajo ont porté (ou portent encore de nos jours) les cocardes et livrées militaires argentine, bahameennes, bangladaises, brésiliennes, britanniques, colombiennes, costariciennes, croates, dominicaines, finlandaises, françaises, guatémaltèques, honduriennes, kényanes, mauritaniennes, mexicaines, nigérianes, panaméennes, péruviennes, suédoises, syriennes, et trinidiennes.
Il faut cependant souligner qu’un PA-31T Cheyenne a appartenu à l’US Army sans pour autant recevoir de désignation officielle dans la nomenclature américaine. Il a été utilisé entre 1990 et 2013 comme avion de liaisons et de soutien aux opérations clandestines depuis Simmons AAF en Caroline du nord. Conservant une livrée civile mais porteurs de codes tactiques militaires cet avion aurait été aperçu à plusieurs reprises dans des missions anti-narcotiques, notamment dans l’arc caribéen. Il n’a pas été acheté mais récupéré par les militaires américains au titre du programme CEAP (pour Confiscated/Excessed Aircraft Program) initié entre les douanes américaines et le Pentagone. On ignore l’origine de cet avion. Après son retrait du service il a été stocké à Davis-Monthan AFB.
Les trois avions achetés par la Royal Air Force pour le compte du Royal Aircraft Establishment sont beaucoup moins secrets. Peints en livrés tricolores ils ont été achetés au début des années 1980 afin de remplacer les quatre De Havilland Devon C Mk-2 utilisés jusque là en soutien aux essais en vol. Ils ont participé à plusieurs séries d’essais et en 2001 ces PA-31 Navajo ont été repris par la société privée QinetiQ tout en demeurant sous la cocarde britannique. À l’été 2019 deux de ces trois avions volaient encore mais leur remplacement était prévu pour la fin de l’année au profit de Beechcraft Super King Air 350 plus récents.
De tous ces pays c’est la France qui en fit voler le plus. Fin 1971 une quinzaine d’avions en attente de livraison chez Piper sont inondés dans leur hangar suite à de fortes pluies. Les ventes sont annulées et l’avionneur cherchent à les revendre moyennant un reconditionnement en profondeur. Douze exemplaires sont achetés par la Marine Nationale.
Ils entrent en service en février 1973 au sein de l’Escadrille 3S sur la base d’aviation navale de Hyères-Palivestre dans le Var. Ils y remplacent le monomoteur Broussard.
Des exemplaires vont également aux Escadrilles 3S, 10S, 11S, et 56S.
Au sein de la première de ces quatre c’est évidemment le CEPA (pour centre d’expérimentations pratiques et de réception de l’aéronautique navale) qui utilise ces bimoteurs comme avions de convoyage et de soutien aux essais en vol.
Avions discrets les Piper PA-31 Navajo de la Marine Nationale ont servi durant toutes les années 1980 et la première moitié de la décennie suivante. Ils étaient visibles sur la majorité des bases de l’OTAN en Europe assurant des missions de liaison au profit des amiraux français. L’un d’entre-eux était fréquemment utilisé pour le transport du chef d’état-major de la marine. Fin septembre 1994 ils ont quitté le service au profit de l’Embraer Emb-121 Xingu de facture brésilienne.
Même s’il n’a jamais eu droit aux unes des magazines d’aviation militaire le Piper PA-31 Navajo demeure aujourd’hui encore un des grands bimoteurs de transport léger des cinquante dernières années. Des machines ont été construites sous licence par Embraer au Brésil sous la désignation Emb-820C pour le marché local. Au total Piper a construit plus de 4750 exemplaires de son PA-31, y compris les versions à turbopropulseurs.
Quelques exemplaires sont aujourd’hui préservés dans des musées un peu partout dans le monde.
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