Avionneur parmi les plus célèbres d’Europe occidentale, en grande partie grâce à ses remarquables avions d’entraînement, Pilatus a su faire rayonner la Suisse dans le monde entier. Né à l’aube de la Seconde Guerre mondiale il a eu du mal à émerger malgré la fameuse neutralité de son pays. Pourtant dès le départ ses ingénieurs et designers firent preuve d’une audace et d’une originalité assez forte en matière de conception pure. Leur première réalisation ayant atteint le stade du vol inaugural ne dépassa cependant pas celui du prototype. Il s’agissait du très étonnant avion léger de transport SB-2 Pelikan.
En 1940, à peine quelques mois après sa fondation le constructeur suisse lança le programme SB, pour Schweizer Bergflugzeug. Il s’agissait alors dans son esprit de développer deux modèles d’avions de transport adaptés aux opérations alpines. Les ingénieurs suisses avaient alors commencé à étudier le concept dit ADAC, pour Aviation à Décollages et Atterrissages Courts. Deux sous-programmes sous la forme d’un avion différent furent officialisés en même temps : le bimoteur SB-1 et le monomoteur SB-2.
Tous deux étaient radicalement différents l’un vis-à-vis de l’autre.
Pour des raisons purement pratiques c’est un bureau d’étude rattaché au très prestigieux Eidgenössische Technische Hochschule zurichois qui fut sélectionné pour développer les SB-1 et SB-2.
Le souci numéro 1 alors pour l’ETH autant que pour Pilatus réside dans le fait qu’aucun motoriste digne de ce nom n’a d’usine en Suisse. L’effondrement de la France lui interdit le recours à Gnome et Rhône aussi des attaches sont alors prises avec Argus en Allemagne pour le bimoteur et Pratt & Whitney aux États-Unis pour le monomoteur.
Finalement très rapidement le programme SB-1 est abandonné la Suisse préférant ne pas trop acquérir de matériels auprès des instances nazies.
Les designers et ingénieurs de l’Eidgenössische Technische Hochschule se décident donc à travailler sur le Pilatus SB-2. Et les premières ébauches tranchent radicalement avec tout ce qui existe alors, tant par l’allure générale de l’avion que par les choix technologiques.
De construction mixte avec un fuselage métallique en alliages légers et une voilure en bois et contreplaqué l’avion possède un moteur à neuf cylindres en étoile Pratt & Whitney R-985 Wasp Junior doté d’un capotage et entraînant une hélice bipale en métal. Jusque là rien d’extraordinaire si ce n’est son train d’atterrissage tricycle à une époque où ils sont majoritairement classiques. Même son empennage double dérive passe presque inaperçu face à la voilure haute à haubans. Celle-ci surprend bien plus, et pour cause. Elle présente une architecture en flèche inversée !
En fait l’aile en flèche inversée n’en est en cette première moitié des années 1940 qu’à ses balbutiements. Deux ingénieurs font alors offices de précurseurs en la matière : Stanisław Rużyczka de Rosenwerth chez PWS en Pologne et Viktor Nikolayevich Belyayev dans son propre bureau d’étude en URSS. L’ingénieur suisse Hans Belart, véritable père du Pilatus SB-2 s’inscrit en fait dans la succession des travaux du premier car lui aussi pense alors que les ailes en flèche inversée sont avant tout réservés aux avions à aile haute.
Les affres de la Seconde Guerre mondiale impactent énormément les travaux des équipes de l’ETH et de Pilatus. En effet outre-Atlantique Pratt & Whitney privilégie son R-985 Wasp Junior aux aéronefs militaires américains comme le Lockheed C-40 Electra Junior de transport léger ou le Vultee BT-13 Valiant d’entraînement basique. Surtout à cette époque Pilatus ne jouit d’aucune réputation, c’est un avionneur quasi inconnu.
Aussi il faut attendre le début de l’année 1944 pour que le précieux moteur arrive en Suisse et soit installé sur le prototype du SB-2. À la même époque l’avion est baptisé Pelikan.
Le premier vol de l’avion le 30 mai 1944 marque aussi le véritable démarrage industriel de l’avionneur. Ses réalisations sont alors une réalité. Mais au milieu du fracas des bombes qui ravagent l’Europe ce vol inaugural passe totalement inaperçu. Alliés et forces de l’Axe ont autre chose en tête que les travaux de Hans Belart et de ses équipes.
Et pourtant dès le début le Pilatus SB-2 Pelikan présente des qualités intrinsèques surprenantes. Étudié pour pouvoir décoller depuis les pentes alpines et ensuite revenir s’y poser l’avion réussi des tests jusqu’à des inclinaisons de 35 degrés, un record pour l’époque. Sa faible vitesse de croisière, à peine 200 kilomètres heures, est compensée par une vitesse ascensionnelle de 5,7 mètres par seconde. Avec quatre passagers le prototype peut décoller sur seulement 366 mètres jusqu’à une inclinaison de 14 degrés et se poser sur seulement 220 mètres avec la même pente.
Malheureusement pour lui les remarquables capacités du SB-2 Pelikan ne lui permirent pas de trouver preneur. Même les Troupes d’Aviation Suisse ne lui firent pas confiance, préférant faire appel au Fieseler Fi 156 Storch allemand. Il faut dire qu’à la différence de l’avion de Pilatus celui-ci avait largement fait ses preuves. Les potentiels clients civils n’eurent également aucun intérêt pour lui. L’échec fut tel que le SB-5, destiné initialement à devenir la version de série du SB-2 sera avorté avant même la construction d’un exemplaire de présérie. Hans Belart et ses équipes en restèrent là des avions à flèches inversés préferant revenir à des machines plus conventionnelles comme le Pilatus P-2 d’entraînement.
Avion fondamentalement novateur l’ADAC Pilatus SB-2 Pelikan marqua les début d’un constructeur aujourd’hui entré dans la légende des airs. Malheureusement ce prototype n’est pas parvenu jusqu’à nous, s’étant écrasé en juin 1948 lors d’une représentation publique. Par la suite l’architecture de l’aile à flèche inversée fut reprise par trois autres avions expérimentaux demeurés dans l’histoire aéronautique : le Junkers Ju 287 allemand et beaucoup plus près de nous les Grumman X-29 américain et Sukhoi Su-47 Berkut russe.
Il est à noter que certaines publications bibliographiques et/ou web présentent le patronyme de l’avion dans sa version francisée Pélican. Les écrits de l’époque en Suisse parlent pourtant du Pelikan d’où notre choix de le conserver dans une optique de rigueur historique.
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