Se lancer dans le développement d’un avion à réaction est souvent un plongeon dans le grand bain pour la majorité des avionneurs. Et c’est encore plus prégnant si l’industriel en question est mondialement réputé pour la qualité de ses avions à moteurs à pistons voire à turbopropulseurs. Le constructeur suisse Pilatus est de ceux-ci et le fut quand il présenta son programme Super Versatile Jet devant déboucher sur un jet d’affaire biréacteur de nouvelle génération. Les travaux de design et d’ingénierie débouchèrent sur la mise au point du très réussi Pilatus PC-24.
Depuis le début des années 1960 et l’échec commercial du programme de chasseur-bombardier FFA P-16 l’industrie aéronautique suisse boudait les avions à réaction. Pourtant au tournant des années 2010 le constructeur Pilatus est sur une période de faste. Son monomoteur à turbopropulseur PC-12 dédié aux vols d’affaire et de transport léger culmine tout en haut des ventes sur son segment. Pilatus a le vent en poupe.
C’est pour ses dirigeant le moment où jamais de se lancer dans le développement d’un jet d’affaire biréacteur.
L’idée assez génial des designers et ingénieurs suisses est de ne pas surfer sur la mode des VLJ, les Very Light Jet. En effet à cette époque en dehors de Cessna et Embraer, avec respectivement leurs Citation Mustang et EMB 500 Phenom 100, ces petits avions à réaction peinent à trouver des débouchés commerciaux. Surtout ils entraînent souvent leurs avionneurs vers la faillite.
Dans le même sens Pilatus n’envisage nullement à cette époque d’aller jouer dans la cours des grands face à aux Bombardier Global, Dassault Aviation Falcon 7X, et Gulfstream Aerospace G550. Ces avions sont hors de portée, tant technologiquement que commercialement. L’avionneur suisse décide de jouer la carte de la prudence et de préparer un avion milieu de gamme.
Milieu de gamme dans l’aviation d’affaire du 21e siècle ne rime pas avec médiocrité, et ça Pilatus l’a bien compris. Son programme Super Versatile Jet doit permettre de lancer sur le marché un avion ultramoderne capable de faire de l’ombre à l’Embraer EMB 505 Phenom 300 et même aux Bombardier Learjet 45 et Learjet 60 alors bien ancrés. Pour cela l’avionneur suisse use des mêmes recettes que pour ses avions d’entraînement militaire : la qualité technologique avant tout.
Le futur Super Versatile Jet doit pouvoir se différencier et il va le faire en adoptant une habitude propre à son avionneur : des machines capables d’opérer sur tous les types de terrain. Les tarmacs en dur sont évidemment la cible numéro 1 mais également les pistes peu préparées. Pour animer son avion Pilatus fait appel à une valeur sûre : le turbofan Williams FJ44 d’origine américaine, dans sa version -4A.
En mai 2013 au salon EBACE de Genève spécialisé dans l’aviation d’affaire l’avionneur révèle l’existence de l’avion. Il est désigné Pilatus PC-24. Trois prototypes sont alors annoncés en développement. Le premier d’entre eux, désigné P01, réalise sa première sortie au roulage le 1er août 2014 pour la fête nationale suisse. Le premier vol doit alors avoir lieu peu avant Noël de la même année. Finalement il faudra attendre le 11 mai 2015 pour qu’enfin le PC-24 P01 s’arrache enfin du plancher des vaches.
La période des tests peut enfin débuter, et très vite l’avion se révèle agréable à piloter. Avec le prototype P02 le monde découvre l’avionique du biréacteur et son aménagement pour huit passagers ou deux malades et trois soignants en configuration d’évacuation sanitaire. Dès le départ l’avion a été conçu dans ce sens.
Après un peu plus de 2200 heures d’essais les aviations civiles américaines et européennes remettent le 7 décembre 2017 à Pilatus le précieux sésame : la certification de type du PC-24. Sa carrière commerciale peut débuter.
Et celle-ci aura lieu en février 2018 avec un avion privé appartenant à la compagnie aérienne américaine PlaneSense spécialisée dans les charters d’affaire. L’année suivante les «médecins volants» australiens du Royal Flying Doctor Service font l’acquisition de quatre exemplaires pour les missions sanitaires rapides. Le Pilatus PC-24 devient leur premier jet d’affaire en propre. Entre 2006 et 2014 le RFDS avait loué deux Beechcraft Hawker 800, sans jamais sauter le pas et les acquérir. Le PC-24 vole ainsi aux côté de leurs Beechcraft Super King 200 et de leurs Pilatus PC-12 sanitaires turbopropulsés.
Le premier client militaire de l’avion est assez logiquement les Forces Aériennes Suisses qui réceptionne en 2019 son premier, et seul, Pilatus PC-24. Codé T-786 l’avion est dédié avant tout au transport d’état-major mais également aux évacuations sanitaires. Son rayon d’action lui permet de rejoindre la majorité des pays de l’Union Européenne ou encore l’Afrique sub-saharienne.
Le premier client export dans le domaine de la défense fut la Botswana Defence Force Air Wing. Ce petit élément aérien africain a fait le choix du jet suisse pour les déplacements courts-moyens courriers de ses dirigeants. Le Botswana était déjà client de Pilatus puisque ses élèves pilotes volent sur PC-7 Turbo Trainer.
Le deuxième client export de l’avion a reçu sa première machine en 2021, elle doit en recevoir une de plus en 2022. Il s’agit de la Qatar Emiri Air Force. Et ô surprise dans cette force aérienne du Golfe le Pilatus PC-24 n’assure pas des missions de transport d’état-major ou d’évacuation sanitaire mais d’entraînement avancé. À la manière des Dassault Falcon 10 MER de la Marine Nationale et des Embraer Phenom T Mk-1 de la Royal Air Force les PC-24 qataris assurent la formation des futurs équipages de multi-moteurs à réaction. Il s’agit de les préparer ensuite au passage sur Airbus DS A330 MRTT de ravitaillement en vol et de soutien logistique et sur Boeing C-17A Globemaster III de transport stratégique.
Comme le Botswana avant lui le Qatar était aussi déjà client des avions d’entraînement de Pilatus, opérant depuis peu sur les ultramodernes PC-21.
Avion en plein essor le Pilatus PC-24 représente une belle transformation d’essai pour l’avionneur suisse. Non seulement il semble avoir trouvé sa clientèle sur le marché civil mais en plus il pourrait tirer son épingle du jeu auprès des militaires. En outre l’abandon par l’avionneur canadien Bombardier des Learjet 70/75 lui laisse le champ libre auprès de nombreux clients.
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