On a longtemps pensé que l’industrie aéronautique italienne était mineure durant l’ère fasciste et notamment au moment de la Seconde Guerre mondiale. C’est bien entendu totalement erroné. Simplement l’outil industriel dans ce pays n’était pas forcément à la hauteur des travaux des ingénieurs. La preuve en est que dans pratiquement tous les domaines, l’Italie réalisait des recherches similaires aux autres pays européens ou encore aux États-Unis. Des ingénieurs italiens se sont intéressés au développement des moteurs à réaction, des hélicoptères, ou encore du vol à haute altitude. Dans ce dernier cas l’un des avions qui fit le plus avancer les données connues est un petit bimoteur d’allure assez quelconque : le Piaggio P.111.
Début 1938 les généraux de la Regia Aeronautica étaient bien conscients de leur retard en matière de bombardiers rapides à haute altitude. Ils savaient, grâce à leurs espions, que les Britanniques et les Français travaillaient sur des programmes similaires et refusaient de s’inféoder à leur allié nazi. En fait les Allemands eux-même n’étaient pas particulièrement enclins à fournir un avion aussi sensible à leur allié italien.
C’est la raison pour laquelle ils chargèrent plusieurs avionneurs de leur proposer des avants-projets dans ce sens.
À l’automne de la même année c’est Piaggio qui fut sélectionné avec son programme désigné P.111 d’un avion triplace. L’intérêt de cet industriel résidait notamment dans le fait qu’il était tout à la fois avionneur et motoriste, et pouvait donc faire travailler ses équipes dans une symbiose quasi parfaite.
En fait depuis plusieurs mois la branche motorisation de Piaggio travaillait sur un propulseur à dix-huit cylindres en étoile, refroidi par air, capable de voler en haute altitude. Pour le reste l’avant projet du bombardier P.111 était des plus classiques : trois membres d’équipage prenant place dans un cockpit pressurisé, une charge de bombes de 1200kg en soute, et… aucun armement défensif. Les ingénieurs italiens tablaient sur la haute altitude pour prémunir leur avion de la chasse ennemie.
L’entrée en guerre de l’Italie fasciste en 1940 aux côtés de l’Allemagne, d’abord contre la France puis contre le Royaume-Uni ralentit considérablement le programme du Piaggio P.111. En fait la Regia Aeronautica ne voyait plus forcément l’utilité d’un bombardier moyen à haute altitude. Le bimoteur faillit finir à la casse avant même d’avoir voler.
Pourtant à la même époque Piaggio travaillait sur le développement d’un bombardier lourd capable de rivaliser avec ce qui se faisait alors aux États-Unis et au Royaume-Uni. L’idée fut d’y adjoindre un cockpit pressurisé, permettant ainsi au futur avion de voler haut sans risquer de dommages aux membres d’équipage. De prototype de bombardier rapide le Piaggio P.111 se mua peu à peu en banc d’essais volant pour la haute altitude.
Après des modifications en profondeur, qui virent notamment la disparition de la soute à bombes, c’est dans ce cadre là que son premier vol intervint le 9 avril 1941. Pourtant le Piaggio P.111 conservait un équipage de trois personnes : pilote, copilote, et ingénieur d’essais. Ce dernier prenait la place initialement pensée pour le navigateur-officier armement. Dès ce vol inaugural les deux moteurs P.XII-RC100 permirent à l’avion de grimper à 9000 mètres d’altitude sans aucune difficulté.
En fait les travaux qui eurent lieu à la suite concernèrent aussi bien la motorisation que l’avionique. L’avion en lui-même était devenu secondaire. Le Piaggio P.111 était effectivement un banc d’essais pur et simple. Les enseignements tirés des cent-dix vols d’essais de son exploitation permirent aux équipementiers italiens de peaufiner leurs connaissances. Mais surtout le bimoteur permit de valider bien des concepts qui se retrouvèrent ensuite sur le bombardier lourd P.108 du même constructeur.
Finalement son programme fut stoppé net en janvier 1943. La Regia Aeronautica n’avait plus les moyens de subventionner un tel avion, d’autant que les Alliés bombardaient de plus en plus le pays. Il fut un temps envisager par les Allemands de récupérer le P.111 et de le mettre à disposition de la Luftwaffe mais cela n’aboutit jamais. Ce banc d’essais fut envoyé à la ferraille au début du printemps 1943.
S’il est loin d’être le plus célèbre avion expérimental de la Seconde Guerre mondiale le Piaggio P.111 n’est pourtant pas un appareil à prendre à la légère. Les informations collectées au cours de ses vols permirent des avancées technologiques pour l’industrie italienne dans bien des domaines, et pas uniquement ceux auxquels on pourrait s’attendre de prime abord. Ainsi dans les années 1960 un célèbre horloger transalpin donna le nom de P.111 à une de ses montres de plongée, les études réalisées dans le cockpit du bimoteur ayant permis d’affiner le travail sur la pression.
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