Dans les dernières années de la Guerre Froide, l’aviation ouest-allemande recherchait de nouveaux moyens offensifs pour riposter aux risques d’attaques des forces du Pacte de Varsovie. Parmi les missions figure la lutte antiradar, la seule forme armée de guerre électronique. Pour remplir ce genre de mission la RFA se dota d’un avion très performant qui demeure de nos jours l’une des meilleures plateformes de lutte antiradar : le Panavia Tornado ECR.
Début 1985, l’état-major de la Luftwaffe fit savoir qu’il recherchait un moyen aérien de lutte antiradar de nouvelle génération. En effet, à cette époque, les aviateurs allemands disposaient de quelques Lockheed F-104 Starfighter transformés à la hâte en Italie pour permettre l’emport d’un missile américain AGM-45 Shrike sous l’aile droite. Les Starfighter étant principalement des avions de défense aérienne et d’interception, et surtout pas des avions aptes au vol à très basse altitude, donc totalement inapte à la lutte antiradar. C’est la raison pour laquelle la Luftwaffe demanda au consortium Panavia de développer une version de contre-mesure électronique et de lutte antiradar de son chasseur multirôle Tornado.
Bien que le parlement ouest-allemand soit notablement hostile au programme, le consortium Panavia décida de modifier un Tornado IDS, la version d’interdiction et d’attaque au sol de l’avion. L’Aeronautica Militare Italiana semblait elle aussi intéresser par le programme. L’avionneur décida de baptiser son nouvel avion sous la désignation de Tornado ECR, pour Electronic Combat and Reconnaissance. En mai 1986, le parlement de Bonn donna officiellement son aval au programme. Des équipementiers allemands, américains, et français furent également contactés pour fournir le futur avions en matériel de guerre électronique.
Le prototype fut finalement prêt en février 1988. Il se présentait sous la forme classique d’un Tornado biplace, sur lequel l’armement interne avait été ôté et remplacé par un système de conduite de tir pour les missiles antiradar AGM-88 Harm. L’avion disposait aussi d’un brouilleur d’émission radar STD-1553, d’une chaîne de calculs numériques MI-L, et de divers systèmes de guerre électroniques fournis par des équipementiers aussi différents que Texas Instruments, Thomson-CSF ou encore Bosch Electronics.
Un radar de suivit de terrain, un désignateur laser, et une chaîne de communication UHF/VHF furent également ajoutés à l’avion. Les Tornado ECR ont reçu également un nouveau réacteur adapté au vol à basse altitude, le Turbo Union RB-199 Mk-105. Celui ci effectua son premier vol à l’été 1988.
La Luftwaffe reçut le premier de ces 35 avions en janvier 1990. Ils furent localement désignés Tornado EKA et rejoignirent les unités de combat JBG-32 et JBG-38, des groupes d’attaques déjà dotés de Tornado IDS. Pour former ses pilotes et officiers spécialistes des systèmes électroniques, la Luftwaffe décida de transférer deux Alpha Jet et un Hansa Jet de formation à la guerre électronique au sein de la JBG-38.
Au lendemain de la réunification des deux Allemagnes, une troisième unité de Tornado ECR fut créée, la JBG-37 qui reprenait les traditions de la JBG-41.
Le premier engagement des Tornado ECR allemands date de 1995, quand cinq avions de ce type furent prépositionnés en Italie afin d’apporter un soutien aux forces de l’ONU dans le cadre du maintien de la paix en ex-Yougoslavie. Toutefois les avions de lutte antiradar de la Luftwaffe furent cantonnés à des vols d’entrainement et de soutien à la guerre électronique. Aucun missile AGM-88 ne fut tiré.
Il fallut attendre 1999 et les opérations de l’OTAN au Kosovo contre la République Fédérale de Yougoslavie pour que les Tornado ECR de la Luftwaffe tirent leurs premiers missiles contre des radars ennemis. Il s’agissait d’ailleurs des premiers missiles tirés par l’Allemagne en opération de guerre depuis 1945 ! Les Tornado ECR allemands furent particulièrement engagés contre les batteries de missiles anti aériens SA-6, SA-11, et SA-15 d’origine soviétique. Pas moins de quatorze missiles AGM-88 furent tirés lors de cette guerre par les Allemands. Par la suite six Tornado ECR participèrent aux opérations en Afghanistan, mais furent cantonnés à des missions de reconnaissance et d’écoute, le pays ne disposant quasiment d’aucun radar ni missiles anti-aérien.
Depuis 1997, l’Italie dispose également de quinze Tornado ECR, dont quelques-uns uns furent engagés en Irak en 2003, mais ils sont armés de missiles antiradars Alarm d’origine britannique.
La Royal Air Force et la Saudi Arab Air Force, les deux autres utilisateurs de Tornado, n’achetèrent pas eux de Tornado ECR. Les avions de la Luftwaffe, et dans une moindre mesure ceux de l’Aeronautica Militare Italiana, forment l’ossature de la lutte antiradar européenne. En effet, ils permettent à l’Union Européenne de disposer de leurs propres avions antiradar et évitent le recours aux Grumman EA-6B Prowler de l’US Navy et de l’US Marines Corps. Cinquante Tornado ECR ont été produits.
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