Pour beaucoup les avions trimoteurs sont l’un des symboles de l’émergence de l’aviation commerciale de l’entre-deux-guerres au travers de machines comme le Ford 5-AT américain et bien entendu le Junkers Ju 52/3 allemand. Une architecture particulière qui permit à une époque où les moteurs n’étaient pas réputés forcément très fiables et puissants de disposer d’un rayon d’action correct. Voir apparaitre de tels avions après la Seconde Guerre mondiale a donc quelque chose d’assez décalé. C’est pourtant le spectacle que nous donna l’avionneur Northrop et son avion de transport militaire YC-125 Raider.
Pour lui tout commença au lendemain immédiat de la Seconde Guerre mondiale quand le constructeur américain chercha à développer un avion de ligne destiné au remplacement progressif du Douglas DC-3 d’avant guerre. Les ingénieurs de Northrop étaient convaincus que la solution passait par le développement d’avions à décollages et atterrissages courts permettant ainsi d’opérer depuis des terrains assez sommaires.
Le futur avion visait donc clairement le marché émergent des vols court-courriers et régionaux.
Un prototype fut assemblé sous la désignation de N-23 Pioneer. Il se présentait sous la forme d’un monoplan à aile haute de construction mixte contreplaqué et métal. Sa propulsion était assurée par trois moteurs en étoile Pratt & Whitney R-1340 Wasp d’une puissance unitaire de 600 chevaux. La voilure avait été dessinée de manière à permettre, grâce à ses volets ajustables, de décoller et d’atterrir sur des distances bien plus courtes que la majorité des autres avions de son époque.
Le prototype réalisa son premier vol le 21 décembre 1946.
Quelques temps plus tard un rapprochement fut réalisé avec l’avionneur canadien Canadair en vue d’une production sous licence du Northrop N-23 Pioneer sous la désignation de CL-3. L’une des principales caractéristiques concernait la motorisation. Les R-1340 Wasp laissant la place à des Wright R-1820-19 Cyclone de 675 chevaux jugés plus adaptés aux rigueurs de l’hiver nord-américain.
Pourtant l’arrivée sur le marché civil d’un grand nombre de Douglas C-47 Skytrain démilitarisés allait totalement redessiner le paysage aéronautique américain. Désormais les compagnies aériennes n’avaient plus besoins d’un avion de nouvelle génération forcément plus coûteux quand elles pouvaient disposer d’autant d’avions-cargos aussi aisés à transformer en avions de ligne. Et cet état de fait exista également au Canada ou en Europe. Au grand dam de Northrop et de son N-23 Pioneer ou encore de Canadair et de sa version CL-3.
En cette fin des années 1940 le programme d’avion trimoteur à décollages et atterrissages verticaux semblait bel et bien promis à la poussière et l’oubli. Mais c’était compter sans la toute jeune US Air Force. Celle-ci recherchait en effet un avion de transport léger ayant des capacités ADAC accrues.
Et les dirigeants de Northrop ne mirent pas longtemps à comprendre qu’ils avaient là une opportunité de relancer la carrière de leur avion de ligne avorté.
Reprenant pour eux l’idée de Canadair les ingénieurs échangèrent les moteurs Pratt & Whitney d’origine par des Wright R-1820-99 Cyclone de 1200 chevaux chacun. Désormais l’avion gagnait en puissance mais surtout en distance franchissable.
Alors que les autres avionneurs en étaient encore à présenter aux militaires des plans et dessins d’artistes Northrop proposa son prototype N-32 Raider.
Un premier exemplaire fut commandé sous la désignation YC-125A. Et les essais en vol furent très rapidement particulièrement réussis. Le premier vol de l’avion militaire ayant lieu en août 1949. Moyennant quelques ajustement, entre autre un renforcement du train d’atterrissage l’avion fut commandé en deux série : YC-125A de transport léger traditionnel avec une capacité pour treize passagers ou 1450kg de fret léger et YC-125B de soutien aux opérations polaires ayant une capacité de transport équivalente mais également adapté à l’évacuation sanitaire de quatre à dix personnes suivant la configuration retenue.
Les deux versions furent commandés à respectivement douze et dix exemplaires, ce qui avec le premier avion essayé s’éleva à 23 YC-125 Raider acquis par l’US Air Force. Ils entrèrent tous en service durant le premier semestre 1950.
À l’usage le Northrop YC-125B Raider démontra ses besoins en fusées d’appoint JATO, lui donnant encore plus de puissance pour les phases de décollage depuis la banquise. Les YC-125A de leur côté furent principalement utilisés aux États-Unis pour des vols intérieurs entre les bases aériennes américaines.
En fait très rapidement les pilotes et équipages se rendirent compte que l’avion était totalement sous-motorisé. S’il disposait bien de capacités ADAC assez inédites jusque là l’avion était par ailleurs lent, peu manœuvrable, et disposait d’un rayon d’action qui se réduisait comme peau de chagrin au fur et à mesure que sa charge marchande grandissait.
À tel point même qu’au cours de l’année 1953 les treize YC-125A furent tout bonnement arrêtés de vol car jugés trop onéreux à l’usage, surtout pour des sauts de puces entre bases. En outre, même à une époque où l’on ne regardait pas à la dépense à ce niveau là le Raider était considéré comme particulièrement gourmand en carburant. Ils furent réaffectés comme plastrons statiques pour la formation des élèves-mécaniciens de l’US Air Force.
Le cas des Northrop YC-125B était sensiblement différent. Certes ce trimoteur avait les mêmes défauts mais sa charge d’avion de recherches-sauvetages en mer et de soutien aux opérations polaires était telle que l’US Air Force se devait de lui trouver un successeur immédiat avant de s’en séparer. Un pis aller fut trouver sous la forme du Cessna LC-126 bien plus léger et disposant d’un rayon d’action aussi faible. Mais beaucoup plus maniable.
Finalement le dernier YC-125B quitta le service actif à la mi-1955.
La totalité des vingt-trois Northrop YC-125 Raider fut alors stockée et déclarée surplus militaire. Ainsi se terminait la courte carrière militaire d’un des plus surprenants avions à décollages et atterrissages courts de l’histoire aéronautique. Quelques exemplaires furent ensuite rachetés par des compagnies aériennes de seconde zone, principalement aux États-Unis et en Amérique Latine.
De nos jours plus aucun n’est en état de vol.
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