Le lien qui existe entre le monde maritime et les avions sans pilote est bien plus fort qu’on ne pourrait le croire de prime abord. Ainsi dès l’immédiat après guerre des drones-cibles Northrop KD2R-5 étaient fréquemment embarqués à bord de destroyers de l’US Navy afin de servir à l’entraînement des artilleurs. Plus tard ce fut le tour des célèbres BQM-74 Chukar oranges du même constructeur. Ils firent les belles heures du drone cible naval. Aussi quand l’avènement des avions de reconnaissance et d’attaque sans pilote arriva il devint évident qu’un tel engin embarqué sur porte-avions serait idéal. Et dans ce genre d’expérimentations c’est un démonstrateur technologique que l’US Navy fit de grands pas : le Northrop Grumman X-47B.
Après l’échec du programme J-UCAS en 2006 l’US Navy et Northrop Grumman se retrouvaient sans la possibilité d’approfondir le travail réalisé sur le X-47A. Aussi ils décidèrent de lancer ensemble le programme UCAS-D, pour Unmanned Combat Air System-Demonstrator. Il s’agissait de travailler sur un nouveau drone expérimental furtif mais bien plus poussé et totalement tourné vers l’utilisation à bord d’un porte-avions.
L’avion sans pilote qui découlait du programme UCAS-D fut désigné Northrop Grumman X-47B. Il est à signaler que le patronyme Pegasus fut abandonné afin de ne pas créer de confusion avec le X-47A. Mais surtout désormais les ingénieurs américains avaient redessiné le fuselage et la voilure de leur engin. Et comme pour son prédécesseurs la filiation avec le bombardier stratégique Northrop B-2A Spirit ne faisait aucun doute.
La motorisation fut elle-aussi revue et corrigée au profit d’un réacteur Pratt & Whitney F100-220U, un dérivé sans post-combustion de celui équipant les chasseurs General Dynamics F-16C/D Fighting Falcon et McDonnell-Douglas F-15E Strike Eagle. À l’instar du X-47A le X-47B disposait d’une entrée d’air noyée dans le fuselage afin de réduire la signature radar du drone. Mais l’une des grandes nouveautés structurelles de l’aéronef était ses ailes repliables, facilitant ainsi ses déplacement et son stockage dans les hangars des porte-avions.
C’est pourtant bien d’une base de l’US Air Force que ce drone réalisa son premier vol. Le 4 février 2011 depuis Edwards AFB l’avion sans pilote décolla dans le plus grand secret. Le plus étonnant c’est qu’il avait commencé ses premiers essais de roulage plus de deux auparavant, en décembre 2008, depuis les ultra-secrètes installations de l’Air Force Plant 42 à Palmdale dans le sud de la Californie. Mais une série d’imprévues autant financiers que politiques retarda ce premier vol, on pensa même un temps vers l’été 2010 que l’US Navy allait abandonner le programme UCAS-D. L’avenir lui prouva qu’elle avait eu raison de s’entêter et de le poursuivre.
En juillet 2012 le drone expérimental fut transporté par avion, à bord d’un Lockheed C-5B Galaxy, jusqu’au centre d’essais de l’US Navy sis à NAS Patuxent River sur la côte est américaine. En parallèle une équipe civile de Northrop Grumman et de la DARPA fut envoyée à bord du porte-avions USS Harry S. Truman qui croisait alors en Atlantique nord. Ce bâtiment fut choisi pour accueillir les essais d’appontage du Northrop Grumman X-47B.
Plusieurs vols d’acclimatations furent réalisés, notamment au-dessus de la baie de Chesapeake.
Emmailloté afin d’éviter les regards indiscrets le drone est hissé à bord du porte-avions en novembre 2012. Il se trouve désormais en mer. À la différence du X-47A il n’est pas question de réaliser quelques rares touch-and-go mais bien de faire évoluer le X-47B comme un drone embarqué.
Entre le 7 et le 9 décembre 2012 en Atlantique nord les équipes de l’avionneur et de l’US Navy lancèrent les travaux statiques sur le prototype du X-47B. Le pont d’envol de l’USS Harry S. Truman était exceptionnellement vide, la majorité des avions embarqués n’ayant pas rejoint le bord. Le drone répondait bien aux risques de corrosion créés par les embruns. Le navire retourna au port et débarqua sa précieuse cargaison.
En parallèle les deux prototypes, désignés AV1 et AV2, réalisaient des catapultages et des appontages simulés depuis une piste spécialement adapté à NAS Patuxent River.
Le 6 mai 2013 ce fut le retour vers la mer, mais cette fois à bord de l’USS George Bush.
Et cette fois les équipes de l’US Navy et de Northrop Grumman testait un nouveau système permettant à un pilote de manœuvrer le drone depuis le pont d’envol avec un simple joystick fixé sur son avant-bras. Un système qui se montra bien plus efficace que le traditionnel shelter utilisé jusque là sur le X-47A ou encore à terre. Le militaire américain pouvait garder le drone à l’œil tout en le faisant rouler, un vrai plus. Le 10 mai 2013 des essais de fixation sur la catapulte furent entrepris mais les conditions météos trop dégradés interdisaient l’envol du drone. Et quatre jours plus tard le 14 mai enfin le X-47B entra dans l’histoire aéronautique en devenant le premier drone à être catapulté et à apponter depuis un porte-avions, à l’image d’un classique avion de combat. Il réalisa plusieurs passes à basse altitude au-dessus du porte-avions et de son équipage. Cette campagne d’essais se poursuivit jusqu’au 22 mai.
Le programme UCAS-D démontrait toute sa réussite.
Quelques semaines plus tard le Président des États-Unis Barack Obama dépêcha à bord de l’USS George Bush son secrétaire à la marine Ray Mabus. Et devant l’officiel, accompagné de plusieurs amiraux, un Northrop Grumman X-47B apponta. Il avait rejoint le bord, et donc l’Atlantique nord depuis sa base de NAS Patuxent River. Dans la foulée Mabus annonça que des crédits seraient débloqués afin de donner une succession opérationnelle à ce drone.
L’année 2014 fut marquée par une nouvelle donne : les essais du X-47B dans un environnement beaucoup plus réaliste. À bord de l’USS Theodore Roosevelt le drone opérait désormais aux côtés de chasseurs Boeing F/A-18E/F Super Hornet de l’escadron de chasse VFA-106.
En avril 2015 le Northrop Grumman X-47B entrait de nouveau dans l’histoire. Il devint le premier drone ravitaillé en vol dans les même conditions qu’un jet de combat. C’est un ravitailleur en vol civil Boeing 707-320C appartenant à la société Omega Tanker et porteur de l’immatriculation civile américain N707MQ qui assura cette grande première au-dessus de la baie de Chesapeake. L’espace aérien avait évidemment été totalement dégagé et des avions de chasse protégeaient la zone. Un avion léger Beechcraft UC-12B Huron de l’US Navy assurait la couverture technique et photographique de l’évènement.
Quelques jours plus tard, en mai 2015 l’US Navy mettait fin au programme UCAS-D.
Le Northrop Grumman X-47B est sans nul doute un des drones les plus importants de l’histoire aéronautique, bien plus que son prédécesseur X-47A. Il semble qu’il ait beaucoup influencé le très mystérieux Northrop Grumman RQ-180 de reconnaissance stratégique dont l’entrée en service au sein de l’US Air Force et sans doute de la CIA est acté depuis quelques temps maintenant. À sa différence le X-47B est lui bien connu et entré dans l’Histoire.
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