Durant près de trente ans une catégorie bien particulière de chasseurs à réaction vola au sein des différentes forces aériennes et aéronavales dans le monde, les chasseurs dits tout-temps. Il s’agissait généralement d’avions sur lesquels un radar avait été monté, permettant le vol de nuit, mais aussi par mauvaise météo. Il fallut en fait attendre la fin des années 70 et l’avènement des radars véritablement modernes pour voir disparaître ces avions. Généralement biplaces, ils volèrent aussi bien dans les forces du Pacte de Varsovie qu’au sein des aviations de l’OTAN. Le premier véritable chasseur de ce type fut le North American F-86D Sabre Dog.
En fait dès l’entrée en service opérationnel du F-86A Sabre, les ingénieurs de North American comprirent que le seul véritable défaut de cet avion résidait dans son incapacité à remplir ses missions de défense aérienne et d’interception par mauvais temps. L’idée germa alors dans leurs têtes de développer une version dotée d’un radar. Leur choix se porta alors sur l’AN/APG-36 développé par Westinghouse. Le projet fut officiellement présenté aux responsables de l’US Air Force en janvier 1949. L’avion reçut alors la désignation YF-95.
Si extérieurement il était très proche du Sabre, le YF-95 se révélait en fait un appareil assez nouveau. L’apport du radar obligea à redessiner en profondeur l’avion, et en premier lieu son nez destiné à recevoir l’équipement en question. L’empennage fut lui aussi revu et corrigé. Il en fut de même de l’armement. Les mitrailleuses de 12.7mm d’origine furent remplacés par un panier ventral destiné à recevoir 24 roquettes air-air de 70mm. Le réacteur fut lui aussi modifié, de manière à apporter la puissance nécessaire aux interceptions de bombardiers soviétiques, grâce à la post-combustion. Le YF-95 ressemblait plus à un nouvel avion, qu’à une version du F-86. Pourtant il fut pris en charge par l’aviation américaine sous la désignation de F-86D. Son patronyme fut changé en Sabre Dog.
Ayant volé pour la première fois sous la forme de prototype le 22 décembre 1949, il n’entra en service opérationnel qu’en janvier 1952. En effet North American avait du retardé le programme du fait d’une demande de l’OTAN visant à fournir le Sabre Dog aux pays membres de l’alliance. Cette version export fut désignée F-86K. Par rapport au F-86D celle ci avait abandonné le panier ventral de roquettes pour de classiques canons de calibre 20mm montées au nombre de quatre sous le cockpit. En outre ces avions étaient aptes au tirs des premiers missiles air-air américains. Environ les deux tiers des F-86K furent construits sous licence en Italie par Fiat. Les F-86K possédaient un radar AN/APG-37 légèrement plus puissants que celui des F-86D.
Par la suite environ 400 F-86D furent transformés en F-86G, dotés du même AN/APG-37 mais conservant le panier à roquettes. La production se termina avec le F-86L, destiné aussi bien aux Américains qu’à leurs alliés, et très proches des F-86K, mais dotés d’une avionique modernisée. Certains F-86L conservaient néanmoins les roquettes de 70mm. La production totale du Sabre Dog s’éleva à 2850 exemplaires, prototypes et exemplaires de présérie inclus.
Le principal utilisateur de l’avion fut bien entendu l’US Air Force qui fit voler ses F-86D lors de la Guerre de Corée, notamment en remplacement des North American F-82G. Plusieurs d’entre eux furent engagés contre des MiG-15, et en février 1953 deux Sabre Dog devinrent les premiers chasseurs à réaction à abattre un autre chasseur à réaction, en l’occurrence un Fagot, de nuit, uniquement grâce au radar, sans vision directe. La chasse tout-temps était devenue une réalité palpable. Par la suite les Sabre Dog furent rapatriés aux USA et servirent à la défense aérienne du territoire notamment au sein des unités de l’Air National Guard. Finalement le dernier exemplaire fut retiré du service en 1963, laissant définitivement la place aux Convair F-106A.
Mais le Sabre Dog marqua profondément la chasse au sein des forces de l’OTAN. Ainsi des exemplaires volèrent sous les cocardes allemandes, coréennes (du sud), danoises, françaises, grecques, hollandaises, honduriennes, italiennes, japonaises, norvégiennes, philippines, taïwanaises, thaïlandaises, turques, venezuliennes, et même yougoslaves.
Dans l’Armée de l’Air, ce sont 62 Fiat F-86K qui furent utilisés par les EC1/13, 2/13, et 3/13, durant seulement un an et demi entre 1956 et 1957. Ces avions furent notamment employés en Algérie dans des missions de défense aérienne contre les avions espions déployés par les Soviétiques, et pour contrer les avions-cargos ravitaillant en armes la résistance du FLN. Au sein de la Luftwaffe, ce sont 88 F-86K qui servirent durant onze mois en 1957/1958 au sein de la JG-74 pour des missions de défense aérienne.
Il est à remarquer que la Yougoslavie du maréchal Tito était un état marxiste allié de l’URSS mais faisant massivement appel au matériel américain. En effet Belgrade et Washington-DC entretenaient d’excellentes relations diplomatiques, même si les Américains savaient pertinamment qu’une partie des aéronefs livrés à ce pays, se retrouvait tôt ou tard dans les centres d’essais soviétiques. Ainsi ce sont 130 F-86D ex-USAF qui furent utilisés par la Yougoslavie entre 1962 et 1974. A cette époque ce chasseur n’était plus secret du tout, et les Américains pouvaient bien courir le risque d’en voir tomber quelques uns entre les mains des ingénieurs russes.
Au final le Sabre Dog est souvent considéré comme un excellent chasseur de transition, mais force est de constater qu’il représente une part importante de l’histoire aéronautique américaine de la Guerre Froide. Aujourd’hui un exemplaire est préservé dans le hall de la cocarde du Musée de l’Air et de l’Espace du Bourget.
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