Contrairement à une idée reçue encore largement répandue les drones ne sont pas apparus durant la dernière décennie du 20e siècle. Déjà présent durant la Seconde Guerre mondiale à l’image du biplan britannique AS.30 Queen Wasp ils se sont passablement développés durant la guerre froide. En France par exemple c’est la SFECMAS qui lança le plus vaste programme de ce genre qui d’ailleurs fut repris en même temps qu’elle par Nord Aviation. Cela donna naissance au premier drone utilisé à grande échelle en Europe : la cible volante CT.20 et sa version de reconnaissance tactique R.20.
Quand en 1952 la Société Française d’Études et de Constructions de Matériels Aéronautiques Spéciaux (ou SFECMAS) reprit les actifs de l’Arsenal de l’Aéronautique elle récupéra notamment son bureau d’étude dédié aux drones-cibles. Cette technologie balbutiante était alors dans l’air du temps au sein des forces de l’OTAN. Et feue l’entreprise française travaillait à cette époque sur un concept appelé Arsenal T.5/510 relatif à un drone cible à réaction dont l’architecture générale n’était pas sans rappeler le Ryan KDA-1 Firebee américain qui venait d’arriver sur le marché. Il s’agissait de prévoir un remplaçant à l’Arsenal Ars 5501 conçu lui aussi comme drone cible mais à partir de cellules de missiles allemands V1 récupérés comme dommages de guerre.
Les dirigeants de la SFECMAS considérèrent que le programme T.5/510 méritait d’être poursuivi mais tout en affinant l’esthétique de leur engin. En fait cette entreprise publique française craignait d’être accusée d’avoir copié sans autorisation le drone américain.
Alors que l’Arsenal de l’Aéronautique avait décidé de faire en sorte que son T.5/510 soit largué depuis un avion porteur, type Douglas A-26 Invader ou même Dassault MD.315 Flamant la SFECMAS de son côté rejeta cette idée. L’époque était au lancement par catapultage hydraulique. Ses ingénieurs travaillèrent alors avec le constructeur automobile Berliet afin qu’un camion lanceur soit développé, ainsi qu’une version remorque de lancement. Il devait alors s’agir d’une rampe permettant de faire décoller le drone qui ensuite se propulserait à la seule force de son réacteur.
Quand en 1954 les actifs de la SFECMAS furent transféré à la Société Nationale de Construction Aéronautique du Nord le programme du T.5/510 prit la désignation de CT.20. Il s’agissait pour Nord Aviation de marquer de son empreinte le nouveau marché.
L’année suivante un premier vol fut enregistré depuis une rampe de lancement montée sur un camion Berliet TLM15. Quelques ajustements furent encore nécessaires, notamment au niveau du système de guidage et enfin en 1957 les premiers CT.20 firent leur apparition dans l’Armée de Terre puis en plus petite quantité dans l’Armée de l’Air.
Extérieurement l’avion sans pilote Nord CT.20 se présente sous la forme d’un jet monoplan à aile médiane en flèche de construction entièrement métallique. Sa propulsion était assurée par un turboréacteur Turboméca Marboré II d’une poussée de 400 kilos. Il disposait d’un empennage papillon à la base duquel était rangé le parachute de freinage. La pilotage à distance de l’engin se réalisait par liaison radio depuis le sol.
Tous les drones CT.20 étaient peint intégralement en orange.
Dans les forces françaises les Nord CT.20 servaient aussi bien à la mise au point de missiles sol-air et air-air, qu’à l’entraînement des servants de DCA, ou encore à la formation au tir des pilotes de chasse français. L’Armée de l’Air était d’ailleurs en 1960 la seule force aérienne de l’OTAN, en dehors de l’US Air Force, à disposer de drones-cibles de construction nationale.
Le CT.20 était tellement efficace qu’il fut exporté. Des exemplaires furent vendus à l’Égypte, l’Italie, et la Suède. Cette dernière en dériva même, avec l’accord de Nord Aviation, une version missile anti-navire. Une soixantaine de Rb08 construits par Saab équipa les navires de guerre de la marine suédoise ainsi que des batteries de défense côtière.
Il est à signaler que l’OTAN également fit l’acquisition de CT.20 en 1971 afin de les déployer sur divers sites en Méditerranée. Ils assuraient la formation des servants de missiles sol-air MIM-23 Hawk.
En 1963 Nord Aviation fit voler dans le plus grand secret une version dérivée destinée à la reconnaissance tactique. Désignée R.20 celle-ci devait pouvoir permettre à haute et moyenne altitude de prendre des images jusqu’à 200 kilomètres carrés. Pour cela le fuselage fut rallongé et en plus du turboréacteur Marboré IID de 400kg de poussée deux petits moteurs fusées furent installés en bout de voilure afin de faciliter le décollage.
Le drone emportait trois caméras Oméra de 114mm et un système de reconnaissance infrarouge Cyclope permettant la reconnaissance nocturne.
Les premiers exemplaires entrèrent en service dans l’Armée de Terre début 1968 et furent déployés en Allemagne de l’Ouest. Le dernier des soixante-deux Nord R.20 fut livré en septembre 1976. Ces engins furent principalement employés pour des missions de surveillance le long du Rideau de Fer et du corridor de Berlin. Pour autant plusieurs vols d’espionnage aéroporté furent réalisé au-dessus du territoire est-allemand, et notamment de bases militaires soviétiques.
Bien que très efficace les drones de reconnaissance R.20 ne restèrent pas longtemps en service. En 1984 il n’en restait plus aucun en service ils avaient commencé à être remplacés trois ans plus tôt par des Canadair CL-89 jugés plus modernes.
En 1982 les drones cibles Nord CT.20 ont de leur côté cédé la place à des Aérospatiale C.22 bien plus évolués. Le constructeur Aérospatiale cependant fabriqua le CT.20 jusqu’en 1984, principalement pour les contrats d’exportation. Au début des années 2000 les derniers engins-cibles avaient quitté le service, à l’époque en Égypte.
Aujourd’hui quelques Nord CT.20 sont préservés dans des musées aéronautiques tel Aéroscopia à Toulouse . C’est un juste retour pour celui qui demeure une des plus belles réussites française en la matière. Il est à signaler que la technique de la rampe fut reprise plusieurs années plus tard par le Sagem Sperwer lui aussi de conception hexagonale.
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