La majorité des néophytes mais aussi une partie non négligeable des passionnés d’aviation pensent encore très souvent que durant la Seconde Guerre mondiale seuls les avions d’entraînement monoplans existaient dans les forces aériennes et aéronavales majeures. Il est évident que c’est faux. Et c’est notamment particulièrement visible dans les forces américaines où les biplans servirent souvent à la formation initiale. Un des plus célèbres avions de ce type eut même la particularité d’être conçu comme machine de formation terrestre aussi bien que navale sous la forme d’un hydravion à flotteurs : le Naval Aircraft Factory N3N Canary.
Les origines de cet avion remontent à l’année 1934 et à la demande de l’US Navy pour un nouveau biplan d’entraînement initial destiné à remplacer les Consolidated NY-2 Huskie, sans toutefois toucher aux versions ultérieures. Comme il le faisait parfois l’état-major de l’aéronavale américaine ne fit pas appel à plusieurs constructeur mais à son propre bureau d’étude, le Naval Aircraft Factory. Les ingénieurs de l’aéronavale américaine durent donc développer un tel avion avec comme spécificité qu’il puisse être adapté également à la formation des futurs pilotes d’hydravion.
Le résultat ne se fit pas attendre et une première ébauche fut présentée aux amiraux américains au début de l’année 1935 sous la forme du Naval Aircraft Factory XN3N. De facture très académique avec sa voilure en biplan à ailes décalées et son fuselage usiné en contreplaqué et métal le nouvel avion était en outre assez simple de construction. Propulsé par un moteur en étoile Wright J5 de 220 chevaux actionnant une hélice bipale en bois et métal il possédait un train d’atterrissage classique fixe doté d’une roulette de queue. L’instructeur et son élève prenaient place dans un cockpit biplace en tandem à l’air libre. Destiné à la formation initiale le N3N n’était pas prévu pour emporter le moindre armement.
Avant même son vol inaugural, survenu en août 1935, il fut commandé à hauteur de 179 exemplaires de série.
Les premier Naval Aircraft Factory N3N-1 entrèrent en service en janvier 1936. Il furent baptisé Canary, en partie en raison de la livrée haute visibilité jaune dont ils étaient affublés. Mais très rapidement ils reçurent le sobriquet de «Yellow Peril» ou Péril Jaune dans la langue de Molière. Et ce en grande partie de la part des élèves-pilotes d’hydravions qui redoutaient les entraînements à l’amerrissage sur un seul flotteur central, malgré la présence des deux flotteurs additionnels. En fait la mauvaise image de marque de ce monomoteur fut largement surestimée, l’US Navy ne perdant au final que très peu de N3N-1 en missions.
Les deux derniers exemplaires de série furent prélevés des stocks et remotorisés, l’un avec un Wright R-760-96 et l’autre avec un R-760-2 d’une puissance respective de 243 et de 238 chevaux. Ces deux machines furent désignées XN3N-2 et XN3N-3. C’est finalement ce second modèle qui fut commandé en série début 1938.
Ce sont au total huit cent seize Naval Aircraft Factory N3N-3 qui fut construit entre 1938 et 1941. Et une majorité le fut comme hydravions. À la différence des N3N-1 ceux-ci étaient quasiment intégralement construits en métal. Aucun chiffre vérifiable n’existe car plusieurs avions terrestres ont par la suite vu leur train d’atterrissage déposé au profit du fameux flotteur central et des deux flotteurs additionnels sous le plan inférieur de voilure.
Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclata pour les États-Unis, après l’attaque nippone contre Pearl Harbor, le N3N Canary était encore le principal hydravion d’entraînement initial mais aussi le principal avion de formation de base de l’aéronavale. Et ça n’était pas près de changer.
Des milliers de jeunes pilotes américains furent formés sur cette machines, notamment ceux destinés ensuite à voler sur les hydravions à flotteurs des types Curtiss SC Seahawk et SO3C Seamew, mais également Grumman J2F Duck ou Vought OS2U Kingfisher. Ce qui paraît finalement assez logique.
Particularité les quelques pilotes affectés au F4F-3S, la version à deux flotteurs du chasseur Grumman F4F Wildcat devaient eux retournés à l’école de pilotage et apprendre sur Naval Aircraft Factory N3N-3 les techniques du déjaugeage et de l’amerrissage. Ce qui était loin d’être une sinécure pour des pilotes de chasse embarquée. Fort heureusement pour eux le programme fut rapidement annulé… mais après leur formation. Ils purent ainsi retourner sur de vrais chasseurs, avec un train d’atterrissage et une crosse d’appontage.
L’US Navy ne fut pas le seul utilisateur de l’avion. Quatre exemplaires terrestres furent fournis à l’US Coast Guard qui les utilisa durant toute la guerre pour la formation basique de ses futurs pilotes autant que pour des missions de liaisons et de communication.
Au titre de loi de prêt-bail quatre N3N-3 furent également livrés à des alliés des États-Unis, deux au Chili et deux au Paraguay. Il s’agissait là aussi d’avions et non d’hydravions.
Lorsque la Seconde Guerre mondiale prit fin en août 1945 le taux de Naval Aircraft Factory N3N Canary encore en état de vol frôlait les 85%, soit bien plus que la majorité des autres avions d’entraînement initiale de l’aéronavale comme les Boeing-Stearman N2S ou encore les Ryan NR-1. Mieux encore le Péril Jaune se paya le luxe de demeurer en service jusqu’au début des années 1960. Sept exemplaires, cinq terrestres et deux hydravions, furent utilisés comme machines de servitude et de sélection aéronautique par l’US Naval Academy d’Annapolis dans le Maryland.
Ils quittèrent finalement le service en octobre 1961. Il s’agissait des derniers biplans encore en service dans les forces du Pentagone. Si les hydravions ne furent pas remplacés les avions eux eurent pour successeur le Beechcraft T-34B Mentor.
Après guerre plusieurs dizaines de Naval Aircraft Factory N3N Canary terrestres furent rachetés par des pilotes privés et utilisés comme avions de travail agricole. Ils purent ainsi épandre des insecticides sur les cultures américaines de 1945 au début des années 1980 et l’apparition d’avion réellement conçus pour ce rôle.
En ce premier quart de 21ème siècle plusieurs exemplaires de l’avion, généralement aux couleurs de l’US Navy dans la célèbre livrée jaune, sont présents lors de rassemblements d’avions de collection.
Acteur mal connu de l’histoire aéronavale le Naval Aircraft Factory N3N Canary fut pourtant l’un des principaux biplans d’entraînement américains et le plus important hydravion de formation dans les forces alliées. On considère aujourd’hui que plus de 13 600 pilotes alliés lui doivent l’apprentissage de l’art du vol. Pas mal pour un frêle biplan jaune.
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