À la différence de l’ex-Allemagne nazie, elle aussi défaite militairement et industriellement au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le Japon ne put compter que sur lui-même pour relever son industrie aéronautique. Sans puissant voisin bienveillant à ses côtés, comme la France vis à vis de l’Allemagne, le Japon devait donc tout faire tout seul, c’est aussi la raison pour laquelle il fallut attendre le milieu des années 1970 pour qu’un avion de combat supersonique y voit le jour : le Mitsubishi F-1.
C’est alors que l’avionneur Mitsubishi développait l’avion d’entraînement avancé T-2 que germa l’idée d’une version de combat destinée à la chasse et à l’attaque au sol. Initialement ce programme prit la désignation de SF-X.
À la fin de l’année 1968 celui-ci était clairement dans les starting-blocks. En fait il était directement lié au développement du Mitsubishi T-2. Quand ce dernier ralentissait, le programme SF-X stagnait, quand il accélérait il était relancé. Mais surtout le programme SF-X eut des coûts de développement bien moindre que l’avion d’entraînement. Heureusement car il fut lancé par l’avionneur sur fonds propres.
Les ingénieurs de Mitsubishi n’eurent jamais vraiment à décider de quel armement allait être doté le SF-X, il reprendrait celui du T-2. En fait le SF-X était un T-2 monoplace. Si bien que la première désignation officielle de l’avion fut FS-T2 (FS pour Fighter Strike, c’est à dire chasseur d’attaque) rappelant ainsi la parenté entre les deux avions. Pourtant en 1972 la donne changea relativement pour l’avion. L’annonce de l’acquisition prochaine des McDonnell Douglas F-15J Eagle et la place de plus en plus dominante que prenait le F-4EJ Phantom II du même constructeur américain mit en péril le programme SF-X. Il fallait donc au plus vite le réorienter.
Il faut dire que cet avion avait revêtu un intérêt politique. Le Japon des années 1970, en plein boom économique et industriel, voulait pouvoir disposer dans les rangs de la Nihon Koku Jietai d’un chasseur supersonique de fabrication indigène avant la fin de la décennie. Le Mitsubishi FS-T2 devait être cet avion. La réorientation de sa définition prit la forme d’un missile, lui aussi de conception nipponne : l’arme anti-navire ASM-1. D’une portée de cinquante kilomètres après son tir et disposant d’une central inertielle l’ASM-1 était sur le papier un sérieux concurrent aux missiles qui se faisaient alors aux États-Unis et en France. Sur le papier car en 1973 quand la décision fut prise de transformer le FS-T2 en chasseur et avion d’attaque à capacité anti-navire, ce missile n’avait pas dépassé la planche à dessins.
Malgré cela les travaux de développement du premier prototype de l’avion furent lancé. Pour gagner en temps et en coût les ingénieurs de Mitsubishi firent prélever un T-2 sur les chaînes d’assemblage et le modifière selon leurs plans. Comme l’avion d’entraînement le FS-T2 était propulsé par les deux réacteurs Turboméca Adour Mk-801A produits sous licence locale par IHI Industries, des moteurs qui développaient chacun 2136kg de poussé à sec et jusqu’à 3239kg lorsque la post-combustion était activée .
Le pilote prenait place dans un cockpit de relativement grande taille. En effet il avait été repensé à partir du cockpit biplace du T-2. Niveau armement le chasseur d’attaque conservait le puissant canon mitrailleur M61-A1 de calibre 20mm. Une charge externe de combat de 2800kg au total pouvait être emportée, dont des missiles air-air AIM-9 Sidewinder et bien entendu les missiles anti-navire ASM-1.
Comme son « grand frère » d’entraînement avancé le Mitsubishi FS-T2 n’emportait aucun carburant dans ses fines ailes en flèches, l’obligeant à se doter de réservoirs auxiliaires de carburants sous voilure.
C’est dans cette configuration que le prototype de l’avion réalisa son premier vol le 3 juin 1975.
La campagne d’essais ordonné par l’état-major nippon porta surtout sur la capacité d’armement. Dans le cas du combat aérien le Mitsubishi FS-T2 ne pouvait pas réalisés de dogfight, n’étant pas assez manœuvrant. Il devait donc se contenter de missions de défense aérienne. En outre les seuls missiles air-air emportés étaient des AIM-9 Sidewinder à courte-portée, des tentatives furent bien faites pour armer l’avion de missiles moyenne portée AIM-7 Sparrow mais en aucun cas l’avionique de l’avion ne permettait cela. A la différence de la majorité des avions conçus à cette époque dans le monde le FS-T2 n’était pas ravitaillable en vol.
Quand aux opérations d’attaque elles étaient possibles grâce à une vaste gamme d’armement air-sol, dont la plus part des bombes lisses alors en dotation dans les arsenaux américains et japonais, ainsi que des bombes anti-pistes, et des paniers à roquettes. Des essais furent menés pour des tirs de missiles air-sol AGM-65 Maverick et anti-radar AGM-78 Standard, mais jamais ces armes ne furent réellement adaptés. Pourtant des stocks d’AGM-65 furent officiellement acquis pour le FS-T2. En fait le seul missile réellement adapté était bien l’ASM-1. L’avion pouvait en emporter deux, un sous chaque aile.
Initialement l’état-major japonais avait prévu d’acquérir entre cent et cent cinquante Mitsubishi FS-T2 de série. Finalement ils ne seraient que soixante-quinze, en plus du prototype et d’un avion de présérie destiné à divers essais de modernisation au cours de la carrière opérationnelle. Les premiers avions furent déclarés opérationnels en avril 1978. Leur désignation officielle fut modifié, devenant Mitsubishi F-1.
Extérieurement, plus encore que le T-2, le F-1 ressemblait furieusement à un Jaguar franco-britannique. C’était tellement flagrant que la presse spécialisée ne mit pas longtemps à le surnommé le « Jaguar japonais ». Un surnom qui allait lui coller à la peau. Malgré les qualités communes avec l’avion d’entraînement dont il était issu le F-1 ne fut jamais, assez étrangement d’ailleurs, un avion destiné aux jeunes pilotes fraîchement brevetés.
Dans les années 1980, alors que dans le Pacifique la Guerre Froide battait son plein, les Mitsubishi F-1 furent régulièrement engagés dans des exercices américano-japonais contre les bâtiments de l’US Navy. Une autre mission de ces avions était l’intimidation des équipages de navires de guerre et de renseignement soviétiques croisant au plus près des eaux territoriales nipponnes. Une fois repérés par les avions de patrouille maritime les biréacteurs d’attaque survolaient les dits-navires, montrant les crocs avec leurs missiles ASM-1. Seul souci, il fallait que le navire ne soit vraiment pas loin de l’archipel. Le rayon d’action plus que réduit du F-1 lui interdisait toute action de guerre en profondeur.
Malgré quelques qualités indiscutables, notamment en matière de précision de tir des missiles anti-navire et de vitesse pure, le Mitsubishi F-1 ne réussit jamais à convaincre les aviateurs japonais, habitués aux avions américains. Si bien qu’ils furent retirés de la première ligne dès 1999 soit à peine plus de vingt ans après leur entrée en service. Les derniers exemplaires volèrent jusqu’en 2006 au sein d’une unité « Agressors« .
Bien évidemment aucun Mitsubishi F-1 ne fut exporté.
Même s’il n’était pas le chasseur réussi qu’attendaient les généraux japonais le Mitsubishi F-1 permit aux ingénieurs de se faire la main dans la conception et la réalisation d’avions de combat supersoniques, ce qui allait leur rendre service pour le programme du Mitsubishi F-2 quelques années plus tard.
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