Au cours des années 1930 et 1940, la majorité des avions construits étaient propulsés soit avec des moteurs en étoile, soit avec des moteurs en V (inversé ou non) soit avec des moteurs en ligne. Il s’agissait souvent de choix dictés par les designers et les ingénieurs mais aussi par les motoristes en fonction de la disponibilité de tel ou tel moteur par rapport à la puissance désirée par les avionneurs. En général, lorsqu’un avion était construit avec un type de propulseur donné, il le conservait pendant toute sa carrière. Pourtant au cours de la Seconde Guerre mondiale la Royal Air Force utilisa un avion d’entraînement avancé qui débuta le conflit avec un moteur en ligne et le termina avec un en étoile. Cette machine est le Miles Master.
Lancé sur fonds propres par le constructeur Miles, spécialisé dans les avions de tourisme et d’entraînement militaire, le programme du M.9 concernait un avion d’entraînement avancé de nouvelle génération. En effet, l’avionneur estima début 1937 que la RAF avait prit un retard considérable dans la formation de ses pilotes, notamment au regard de ce qui se passait alors en Allemagne ou aux États-Unis.
Celui-ci se présentait alors comme un appareil résolument moderne, proche des chasseurs monoplans que l’aviation britannique mettait alors en service. C’est devant l’insistance de Miles que l’Air Ministry décida de commander un prototype de cet avion, sous la Specification 16/38 émise spécialement.
En fait, à cette époque Miles avait déjà fait voler en grand secret son prototype. Il se présentait sous la forme d’un monomoteur monoplan à aile basse cantilever. Il disposait d’un cockpit biplace en tandem entièrement fermé. Possédant d’un train d’atterrissage classique escamotable, le M.9 était construit en bois, métal, et toile. L’avion était propulsé par un Rolls & Royce Kestrel Mk-XVI, un moteur nouveau pour l’époque, d’une puissance de 745 chevaux entraînant une hélice bipale. Ayant effectué son premier vol le 3 juin 1937 le M.9 fut rapidement livré au centre d’essais de la RAF de Yeovilton.
Les experts de l’aviation britannique apportèrent quelques modifications. Ils modifièrent notamment le profil de l’aile la rendant plus proche des modèles en W (ou dit « mouette inversée », voir le dossier sur les types d’ailes) comme sur le Vought F4U Corsair, mais en plus aplatie. Un armement interne et externe fut également gréé. Le premier consistait en une mitrailleuse Vickers de 7.7mm de calibre tirant au travers du pas de l’hélice en position de chasse, tandis que le second était composé d’une charge de 75kg de petites bombes d’exercice. Le M.9 fut baptisé Master Mk-I dans la nomenclature de la RAF. Une fois correctement transformé le prototype final vola le 31 mars 1939. Une commande pour 900 machines fut passée.
Quand la Seconde Guerre mondiale éclata en septembre 1939, la RAF ne disposait que d’une dizaine de Master en service, et ordonna donc à Miles d’augmenter les cadences de production. Dans le même temps l’avionneur travaillait sur une version profondément modifié du M.9, les M.19 qui se caractérisait par un moteur en étoile Bristol Mercury d’une puissance accrue portée à 870 chevaux. Là encore la RAF passa commande de l’avion, non plus pour 900 avions mais pour 1700 exemplaires. En effet avec l’arrivée des pilotes polonais la RAF avait besoin de plus d’avions d’entraînement, d’autant que l’Amérique refusait toujours d’entrer en guerre et donc de faire profiter l’Angleterre de sa puissance industrielle. Le M.19 devint le Master Mk-II.
Au printemps 1940, l’Air Ministry décréta la Master prioritaire par rapport aux autres avions d’entraînement britanniques alors en construction. En effet après l’effondrement de la France face à la puissance nazie, il fallait accueillir les pilotes de l’Armée de l’Air qui avaient choisit De Gaulle et les former aux règles de pilotage « à l’Anglaise ».
Les Master Mk-I et Mk-II furent donc mis à rude épreuve et servir notamment à la transformation des pilotes alliés. D’autant que si le premier était un très bon formateur pour les futurs pilotes de chasse destinés à voler sur Hurricane ou Spitfire, le second s’avéra rapidement très polyvalent. En outre avec une vitesse maximale de l’ordre de 390 km/h le Master Mk-II était un avion sûr, notamment lorsque les élèves pilotes croisaient la route de bombardiers et de chasseurs d’escorte allemands. C’était monnaie courante durant la Bataille d’Angleterre.
Justement celle-ci précipita un peu plus la carrière du Master. Supermarine accusait un certain retard dans les livraisons de Spitfire, et les Hurricane étaient souvent à bout de souffle, tout comme leurs pilotes et mécanos. C’est pourquoi l’Air Ministry décida de commander en série le Master Mk-IA, des Mk-I modifié en monoplace et dont l’armement avait été porté à six mitrailleuses Browning de 7.7mm dans les ailes. Ceux-ci étaient désignés M.24 par le constructeur. Une quarantaine de machines furent construites, mais n’eurent heureusement jamais à servir. Car là le Master Mk-IA (parfois aussi nommé « Fighter Master ») aurait été très inférieur aux Messerschmitt Bf-109 de la Luftwaffe.
Fin 1940, Miles reçut une nouvelle commande de la part de la Royal Air Force pour 600 appareils supplémentaires. Cette fois ci Miles dû se débrouiller et acquit, par l’entremise du Canada, un lot de moteurs en étoile américains Pratt & Whitney Wasp Junior d’une puissance de 825 chevaux. Cet avion, M.27 pour Miles, devint le Master Mk-III.
A la même époque Miles commença à travailler sur le M.25, là aussi sur fonds propres. Il s’agissait d’un avion destiné au remorquage de cibles volante pour l’entraînement à la fois des pilotes, mais aussi des artilleurs de défense aérienne et même des radaristes. L’Air Ministry commanda l’avion sous la désignation de Martinet.
Durant la Seconde Guerre mondiale, seule la South African Air Force reçut du Royaume Uni des Master, principalement des Mk-II, à raison d’environ 150 pour l’entraînement avancé de ses pilotes et de ceux de Rhodésie. Toutefois l’Irish Air Corps utilisa de 1943 à 1961 un Miles Master Mk-III. Il s’agissait d’une machine ayant effectuée un atterrissage forcé durant le conflit et qui ne fut jamais rendu. Cette politique était particulièrement fréquente en Irlande, un pays théoriquement neutre mais raisonnablement à l’écoute des attentes alliées. A la fin de la guerre la Turquie perçut une vingtaine de machines de ce type, tout comme l’Égypte. Le Portugal acheta quant à lui six Master Mk-III de seconde main en 1945.
Dans la RAF, le Miles Master resta en service jusqu’en 1947. Il fut durant le conflit le principal monoplan d’entraînement avancé, avec le North American Harvard bien sûr. Ils furent en partie remplacés par le Percival Prentice.
Au total, le Miles Master fut construits à un peu plus de 4900 exemplaires. Appareils appréciés, ils sont autant connus avec leurs moteurs en étoile qu’avec ceux en ligne. L’autre principal avion connu pour avoir été motorisé de deux manières différentes est le bombardier Handley-Page Hampden et sa version à moteurs en ligne Hereford.
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