Faire perdurer un avion de combat à succès est une des obsessions de nombreux industriels depuis les années 1990 et la chute des crédits alloués à la défense depuis la fin de la guerre froide. Un état de fait qui a touché aussi bien les états-majors de l’est que de l’ouest. C’est en partant de ce principe que des avions comme le Lockheed-Martin F-16E/F Desert Falcon issu du General Dynamics F-16 Fighting Falcon ou encore le Boeing F/A-18E/F Super Hornet dérivé du McDonnell-Douglas F/A-18 Hornet ont vu le jour. S’inspirant de ce principe la Russie se lança au début du XXIe siècle dans un processus similaire autour du Mikoyan MiG-29 Fulcrum. Ainsi naquit le Mikoyan MiG-35 Fulcrum-F.
Au milieu des années 1980 l’industrie soviétique commença à prendre conscience du fossé qui se creusait avec ses homologues européennes et nord-américaines sur la question du mult-rôle. C’est l’apparition des Dassault Aviation Mirage 2000 français et General Dynamics F-16 Fighting Falcon américains qui termina de convaincre les ingénieurs soviétiques. Leur idée fut alors d’adapter le chasseur biréacteur léger MiG-29 à cette problématique. C’est ainsi que fut lancé le programme dit Article 33. Un contrat d’état fut officiellement signé à Moscou à l’été 1986.
La notion même d’avion de combat mult-rôle était alors des plus floues en URSS. Beaucoup d’ingénieurs, par une forme de conservatisme, l’assimilaient aux chasseurs-bombardiers de la Seconde Guerre mondiale et des années 1950. C’est pourquoi l’Article 33 fut tout d’abord un simple MiG-29 capable d’emporter des roquettes air-sol en panier ou des bombes lisses.
C’est à cette époque que la désignation MiG-33 apparut. Pourtant celle-ci n’avait rien d’officielle.
Malheureusement pour cet avion la désagrégation du système soviétique au cours de l’année 1990 stoppa net le programme. À première vue jamais ce MiG-33 n’était appelé à voir le jour.
Huit ans plus tard l’économie russe s’était en partie refait une santé, sans pour autant jamais réussir à retrouver le niveau de l’URSS. Les avionneurs Mikoyan et Sukhoi avaient désormais les mains un peu plus libres pour s’adapter au marché international, d’autant que Yakovlev avait quasi disparu après l’échec de son Yak-141 Freestyle à décollages et atterrissages verticaux.
Mikoyan se décida alors à relancer le programme de l’Article 33 mais sous une forme totalement nouvelle et désignée MiG-29M. Dans le même temps l’avionneur envisagea une version encore plus évoluée, le MiG-35.
Si sur le papier le MiG-29M n’était qu’un MiG-29 rajeuni et doté d’une capacité multi-rôle légère le MiG-35 était un avion bien plus évolué. Sa première qualité annoncée était son hypermanœuvrabilité rendue possible grâce à des réacteurs dotés d’un système de poussée vectorielle. Pour cela les ingénieurs comptaient s’appuyer sur les travaux réalisés sur l’avion expérimental MiG-29OVT. Le nouveau MiG-35 visait autant le marché intérieur russe que le marché international.
Afin de gagner du temps et de l’argent, le programme étant financé sur fonds propres, l’avionneur réalisa son MiG-35 à partir d’un chasseur MiG-29K Fulcrum-D existant déjà. L’assemblage de l’avion débuta en 2003 et très rapidement le prototype fut repéré par les services de renseignements occidentaux. L’OTAN décida de lui attribuer la désignation de Fulcrum-F.
Extérieurement l’avion devait tout au MiG-29. Il était animé par deux turboréacteurs Klimov RD-33MKR à poussée vectorielle de 5443 kilogrammes de poussée à sec et de 8981 kilogrammes de poussée avec post-combustion. Le cœur de l’avion était son radar Phazotron Zhuk-ME doté d’un antenne à balayage électronique passive. Sur les avions proposés à l’export celui-ci laissait la place à un radar Phazotron Zhuk-AM à antenne active. Un système de veille infrarouge OLS-13SM-1 venait compléter les deux radars proposés. Pour son armement le MiG-35 pouvait recevoir aussi bien des missiles air-air de type BVR R-77 (ou AA-12 Adder pour l’OTAN) et R-73 à courte portée (ou AA-11 Archer pour l’OTAN) que des bombes guidées, des bombes lisses, ou encore des roquettes en paniers. Les missiles anti-radar Kh-25MP et anti-navires Kh-38M (respectivement AS-12 Kegler et AS-24 Keller pour l’OTAN) venaient compléter l’arsenal.
Le prototype de l’avion réalisa son premier vol le 7 février 2007. Quelques semaines plus tard en juin l’avion était révélé au monde entier lors du Salon du Bourget 2007. Beaucoup voyaient alors dans le Mikoyan MiG-35 le renouveau de son avionneur. Ce dernier annonçait l’entrée en service des premiers avions commandés par l’aviation russe pour fin 2010.
Malheureusement rien ne se passa comme espéré. Le prototype monoplace et le prototype biplace démontrèrent une mauvaise adaptation aux tuyères à poussée vectorielle si bien que très rapidement cette technologie fut abandonnée pour le marché russe et limité aux seules ventes à l’export. Des ventes qui ne venaient toujours pas. La mise au point du poste de pilotage tout-écran (ou glass cockpit en anglais) fut un véritable casse-tête pour les ingénieurs russes car ils travaillaient à partir d’un chasseur conçu durant la guerre froide. Les déboires successifs de Mikoyan au plan financier ralentirent encore le programme.
Si bien qu’au cours des années 2010 nombre de marchés pourtant donnés gagnants à Mikoyan échappèrent au MiG-35 Fulcrum-F, pour la plus grande joie de Sukhoi. Son avion de combat biréacteur Su-30 Flanker-C enchaînait les contrats à mesure que les clients se désintéressaient du MiG-35. Des satellites de Moscou comme l’Algérie, l’Arménie, ou encore la Biélorussie lui tournaient le dos au profit du Su-30.
Au dix avions de série commandés en 2006, et toujours pas reçus, la Russie ajouta en 2015 vingt exemplaires supplémentaires. Il s’agissait alors de sauver le programme industriel du MiG-35. Un an plus tard Mikoyan crut tenir son premier contrat export avec la Serbie qui cherchait à remplacer ses MiG-29. Finalement cette république ex-yougoslave s’en désintéressa à son tour, préférant moderniser ses avions en service. L’Égypte de son côté préféra le MiG-29M au MiG-35.
Finalement les six premiers Mikoyan MiG-35 Fulcrum-F entrèrent en service dans l’aviation russe à l’été 2019 en tant que MiG-35S. Sauf qu’à cette époque la Russie ne croyait plus du tout dans les chasseurs léger multi-rôles. Deux exemplaires supplémentaires sont arrivés en dotation au printemps 2020 avant que la crise pandémique du Covid-19 ne vienne stopper net les livraisons. Elles ne reprirent qu’un an plus tard avec deux MiG-35 supplémentaires.
Le fait que le Klimov RD-33MKR d’origine ait été remplacé par un Klimov RD-33MK non doté de poussée vectorielle mais de puissance équivalente ne joue pas en faveurs du Mikoyan MiG-35 Fulcrum-F. Proposer un chasseur à poussée vectorielle pour finalement obtenir un chasseur sans n’est pas exactement l’argument le plus convaincant pour les clients de la Russie.
C’est sans doute une partie de l’explication du désamour général vis-à-vis de cet avion de combat au final pas si mauvais.
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