Même pour les férus d’aviation il est parfois difficile de différencier certains types d’aéronefs les uns des autres. C’est notamment le cas entre les autogires et les girodynes. Ces derniers sont des sortes d’hybrides, à mi-chemin de l’hélicoptère et de l’autogire. Comme pour les premiers le rotor principal assure la sustentation mais aussi l’élévation et la descente. Et comme pour les seconds le moteur assure la propulsion à la manière d’un avion. Pour faire simple un girodyne c’est un autogire dont la voilure tournante n’est pas libre. L’un des girodynes les plus célèbres est un appareil expérimental américain datant de la guerre froide et développé dans le cadre des recherches sur les décollages et atterrissages verticaux : le McDonnell XV-1.
C’est en 1951 que le Department of Defense, le ministère américain de la défense nationale, émit un cahier des charge afin de faire développer un appareil type ADAV (aéronef à décollage et atterrissage verticaux) expérimental. Trois constructeurs y répondirent : Bell, McDonnell, et Sikorsky. Si l’expérience du premier et du troisième dans la fabrication d’hélicoptères semblait jouer en leur faveur, le deuxième n’était connu jusque là que pour ses avions de combats comme le FH Phantom.
Cependant le DoD accepta les trois programmes et leur affecta les désignation de McDonnell XV-1, Sikorsky XV-2, et Bell XV-3. Assez étrangement le XV-2 n’avait rien d’un hélicoptère, mais semblait plutôt influencer par les avions de chasse de l’époque. Les deux autres appareils s’orientaient clairement vers la voix de l’autogire et du girodyne. Le programme était officiellement soutenu par l’US Army et l’US Air Force. La première recherchait un aéronef de liaisons et de communication tandis que le second cherchait plutôt un appareil type hélicoptère de servitude.
Les travaux des ingénieurs de McDonnell allèrent bon train. En fait, ils avaient été placés sous la direction d’un ancien savant autrichien exfiltré en 1945 par l’armée américaine, Friedrich von Doblhoff. Celui-ci, nazi convaincu, travaillait activement pour les Allemands sur les hélicoptères et notamment ceux propulsés par des jets d’air comprimé. Il semble même qu’il aurait fait voler en février 1944 un prototype sous la désignation nébuleuse de WNF-342.
Friedrich von Doblhoff réactiva donc ses travaux sur le programme du XV-1. Pour permettre à celui ci de voler plus vite des éjecteurs d’air comprimé avaient été installés au bout des pales. Cette technique si particulière était relativement répandue à l’époque puisqu’on la retrouva aussi sur le SO.1221 Djinn français. Pour le reste, le McDonnell XV-1 demeurait un appareil assez étrange avec son fuselage bipoutre, son cockpit largement vitré en Plexiglas, ses patins d’hélicoptère, et ses ailes droites médianes. Même à cette époque riche en prototypes bizarres, il ne passait pas inaperçu.
Le premier vol du McDonnell XV-1 intervînt le 11 février 1954, entre les mains du pilote d’essais John Noll. Si le premier prototype avait pour mission de défricher le domaine de vol des ADAV le second quand à lui étudiait d’autres champs comme la réduction des traînées parasites. Le 25 avril 1955 le McDonnell XV-1 devint le premier aéronef américain à voilure tournante à réaliser une translation entre le vol vertical et le vol horizontal. Quelques semaines plus tard, le 10 octobre 1955 le second exemplaire entrait lui aussi dans l’histoire aéronautique en devenant la première voilure tournante à atteindre (et dépasser) la vitesse de 300 km/h.
À cette époque, l’US Air Force envisagea une version de série du XV-1 sous la désignation de H-35 tandis que l’US Army prévoyait de le commander en série en tant que McDonnell L-25. Il faut dire qu’en parallèle des essais purement techniques l’appareil avait démontré des capacités de transport intéressantes. Il pouvait emporter deux ou trois passagers, ou bien un blessé sur civière et un médecin à bord. Des perspéctives qui plaisaient aux militaires américains, après la déroute en Corée et alors que se profilait dans l’ex-Indochine française un conflit larvé avec les forces du Pacte de Varsovie.
Néanmoins, le McDonnell XV-1 n’était pas exempt de défaut, avec au premier plan une consommation en carburant absolument délirante qui réduisait considérablement le rayon d’action opérationnel de l’appareil, notamment à partir du moment où il emportait plus que son pilote. En outre, son moteur en étoile Continental R-975 était considéré comme trop faible pour permettre des opérations de sauvetage ou de liaisons. Enfin, l’appareil était considéré comme onéreux, le programme XV-1 ayant été un des plus chers pour l’Amérique des années 1950-1955. Mais surtout son grand concurrent le Bell XV-3 montrait de meilleurs dispositions à évoluer vers un appareil de série.
Ce sont les raisons pour lesquelles le programme du XV-1 fut finalement abandonné par les militaires américains à l’été 1957. Les équipes de McDonnell ne s’avouèrent pourtant pas vaincu et elles firent voler en novembre 1957 un troisième appareil sous la désignation de Model-120. Il préfigurait une version civile qui ne vit finalement jamais le jour. Ce Model-120 fut finalement envoyé à la ferraille en mars 1958.
Appareils surprenants, aux formes très inhabituelles les deux McDonnell XV-1 sont aujourd’hui précieusement préservés aux États-Unis. L’un se trouve à l’US Army Aviation Museum de Fort Rucker dans l’Alabama tandis que le second est exposé dans la partie aéronautique de la Smithsonian Institution à Washington-DC. N’oublions pas que ces deux appareils ont à leur manière permis de travailler sur un des plus longs chantiers de recherche aéronautique américain, qui déboucha finalement sur l’actuel Bell/Boeing MV-22 Osprey.
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