Durant la guerre froide l’US Air Force fit un usage particulièrement intensif des avions de reconnaissance. Ces moyens aériens permettaient d’acquérir le renseignement nécessaire face aux menaces du Pacte de Varsovie et surtout en son sein de l’Union Soviétique. En dehors du renseignement à caractère électronique on comptait deux grands enjeux de reconnaissances : la tactique et la stratégie. Si cette seconde était représentée par des avions comme le Lockheed SR-71 Blackbird et Martin RB-57 Canberra la première était beaucoup plus diversifiée. On retrouvait notamment parmi les avions de reconnaissance tactiques des machines dérivés d’avions de chasse et présentant ainsi une vitesse élevée et une manœuvrabilité accrue. L’un des avions emblématiques de cette époque fut le McDonnell RF-101 Voodoo.
Tout commença en janvier 1953 alors que le chasseur McDonnell F-101 Voodoo était encore en phase de développement et qu’il n’avait même pas réalisé son premier vol. L’état-major de l’US Air Force réclama à l’avionneur l’étude d’une version de reconnaissance tactique capable de réaliser des vols le long de la frontière entre Europe de l’Est et Europe de l’Ouest.
Deux avions de présérie YRF-101A furent ainsi commandés.
Afin de satisfaire cette demande McDonnell décida de produire son avion de reconnaissance en parallèle du chasseur. Au fur et à mesure que le développement des deux YRF-101A avançait la position du constructeur évolua. D’abord enthousiaste il commença vers la fin de l’année 1953 à montrer des signes de doutes concernant la viabilité du programme. Non pas que transformer un chasseur en avion de reconnaissance posait problème, c’était plutôt son utilisation future qui semblait inquiéter ses dirigeants. Des doutes et hésitations que le Pentagone balaya d’un revers de manche, notamment après le vol inaugural du premier de ces deux avions en mai 1954. Trente-cinq avions de série furent alors commandés.
Cette même année le Strategic Air Command décida de ne plus acquérir d’avions de reconnaissance dérivés de chasseurs. Le programme du McDonnell RF-101 Voodoo passa de facto entre les mains du Tactical Air Command qui exigea quelques modifications à l’avion, et notamment l’emport d’une caméra tous temps. Désormais l’avion emportait quatre caméra et deux appareils photo, contre deux caméras de moins jusque-là. Cela entraîna quelques retard dans l’usinage des premiers avions de série.
Finalement le RF-101A entra en service actif dans l’US Air Force en juillet 1956, soit seulement trois ans et demi après le lancement du programme.
En mai 1957 le 363th Tactical Reconnaissance Wing fut déclaré opérationnel sur cet avion depuis Shaw AFB en Caroline du sud.
À la même époque le Pentagone passa une commande pour 166 nouveaux avions dérivés du F-101C et logiquement désignés RF-101C. Ces avions entrèrent en service fin 1958 au sein d’unités de reconnaissance tactique stationnées en Europe occidentale et au Japon. Malgré de vraies avancées le RF-101C connut quelques problèmes de jeunesse : pannes hydrauliques et rupture de train d’atterrissage avant. Entre janvier et juin 1959 ces avions furent même interdits de vol à deux reprises. Une fois les améliorations apportées par McDonnell le Voodoo de reconnaissance s’avéra être une plateforme particulièrement adaptée aux missions qui lui étaient dévolues.
L’une des premières utilisations médiatisées du McDonnell RF-101C Voodoo fut la crise des missiles cubains en octobre 1962. Après la tragique perte d’un Lockheed U-2 l’Amérique fit réaliser plusieurs vols par des jets de reconnaissance tactique. L’un d’eux permit d’identifier clairement les armes soviétiques alors qu’elles venaient de franchir la barrière Açores-Terre Neuve. De manière mensongère la presse soviétique parla d’avions de chasse alors qu’ils n s’agissait que de Voodoo de reconnaissance, donc d’avions sans arme.
Un an et demi auparavant les McDonnell RF-101C Voodoo avaient commencé à voler au-dessus du Vietnam, réalisant des missions de reconnaissance contre les forces marxistes. Ils y demeurèrent jusqu’en 1970, année au cours de laquelle ils furent remplacés en premier ligne par les McDonnell RF-4C Phantom II jugés plus modernes. En neuf ans au-dessus de l’Asie du sud-est les Voodoo réalisèrent plus de 2500 missions. Jusqu’en novembre 1964 les biréacteurs de reconnaissance tactique ne furent pas inquiétés par la DCA ennemie. Puis cela changea dramatiquement quand un avion fut descendu et son pilote tué par un peloton d’exécution. Ce crime de guerre fut relaté par la propagande de la résistance vietnamienne.
Après cela plusieurs de ces avions furent perdus en vol, avec à presque à chaque fois une issue fatale pour les pilotes. Pourtant le Voodoo de reconnaissance demeurait un avion apprécié de ses aviateurs.
En 1970 tous les McDonnell RF-101C Voodoo encore en état de vol furent rapatriés aux États-Unis. Cela ne sonna pour autant pas le glas pour cet avion. À cette même période la Royal Canadian Air Force renvoya aux États-Unis une partie de ses chasseurs CF-101B après avoir reçu l’intégralité de ses CF-101F. Un lot de vingt-deux de ces avions ex-canadiens fut renvoyé en usine, désarmé, et transformé en RF-101B de reconnaissance tactique. Ils rejoignirent une partie des RF-101A au sein de l’Air National Guard.
Cette procédure de rajeunissement de la flotte eut également lieu quand vingt-cinq F-101A retirés du service par l’US Air Force furent transformés en RF-101G. En 1972 il en fut de même avec trente-deux F-101C qui après désarmement et transformations devinrent des RF-101H.
Fin 1972 justement le McDonnell RF-101 était le seul et unique Voodoo encore en service aux États-Unis. Les chasseurs eux l’avaient quitté. Et l’Air National Guard avait fait de cet avion sa principale plateforme de reconnaissance tactique. On en retrouvait dans huit états américains différents. Et durant la période 1972-1982 il ne fut pas rare de voir de tels avions déployés en Allemagne de l’ouest, au Japon, ou encore au Royaume-Uni.
Finalement en 1982 le Pentagone ordonna le retrait du service des derniers Voodoo de reconnaissance.
Pourtant quelque part dans le monde de tels avions volaient alors encore : sur l’île de Formose. La Republic Of China Air Force fut la seule force étrangère utilisatrice de l’aéronef. En 1961 elle avait acheté huit McDonnell RF-101A Voodoo. Ces avions avaient pour missions de soutenir les services de renseignement taïwanais des mouvements des troupes chinoises. Il n’était donc pas rare qu’ils survolent le territoire du voisin hostile.
Ils ont été retiré du service en 1986, quatre ans donc après les avions américains. Les missions des Voodoo taïwanais sont globalement encore classifiées.
Il est original de voir que cet avion de reconnaissance mal aimé de son concepteur eut une carrière opérationnelle bien plus longue que celle du chasseur dont il découlait. À l’instar des F-101 le RF-101 Voodoo fut cependant un avion difficile à piloter et se traînant une réputation assez noire. Au total 67 de ses pilotes trouvèrent la mort au Vietnam. Pourtant l’avion permit aux Américains d’y obtenir des renseignements importants.
Aujourd’hui une vingtaine de RF-101 Voodoo sont préservés dans des musées aux États-Unis et à Taïwan.
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