Spécialiste incontesté des bombardiers et des bombardiers-torpilleurs depuis les années 1920 l’avionneur américain Glenn L. Martin Aircraft Company développa quelques-uns des avions les plus marquants de leurs temps. Que ce soit les biplans MB-1 et T3M ou bien sûr le légendaire monoplan B-26 Marauder ces avions marquèrent durablement leur époque, et pour certains même l’histoire de l’aviation. Cependant comme d’autres «spécialistes» Martin connut ses plantages, ses avions n’ayant pas dépassés le stade expérimental soit parce qu’ils avaient été battu par d’autres avions en compétition soit parce que leurs programmes furent abandonnés avant terme. L’un des exemples les plus frappant participa à la première compétition pour un bombardier terrestre à réaction aux États-Unis : le XB-48.
À l’été 1944 l’US Army Air Force lance un programme visant à disposer sous dix-huit mois de son premier bombardier rapide à réaction. Le cahier des charges prévoie une vitesse de croisière à 450 miles par heures (soit 720 km/h) et une vitesse maximale à 550 miles par heures (soit 890 km/h) à l’altitude de 45000 pieds (soit 13700 m) et sur un rayon d’action de 3500 miles (soit 5600 km) avec des turboréacteurs General Electric TG-180 et/ou TG-190. Le futur avion doit permettre le remplacement des versions les plus récentes du Consolidated B-24 Liberator ainsi que de l’intégralité des Boeing B-29 Superfortress. Seul hic dans l’équation jamais les militaires ne disent clairement quel devrait être la charge de combat. Ils privilégient avant tout les performances de l’avion, souhaitant un bombardier les mettant à l’abri des chasses de l’Allemagne hitlérienne et du Japon mais également de leurs DCA respectives.
En décembre de la même année quatre avionneurs américains décident d’y répondre avec pour chacun un concept très différent de celui de chacun de ses concurrents. C’est ainsi que s’affrontent les Boeing Model 424, Convair Type 1, Martin Type 223, et enfin North American NA-130.
Extérieurement le design du Martin Type 223 n’a pas grand-chose fin 1944 de réellement révolutionnaire mais l’avionneur compte sur ses réussites passées pour l’emporter sur ses adversaires, même s’il ne sait rien de leurs propositions. Les avant-projets le concernant montrent un hexaréacteur à aile droite médiane et à fuselage arrondi hérité justement de son B-26 Marauder.
En juin 1945 après études des différents plans l’US Army Air Force rend son jugement : les quatre avions seront bien produits jusqu’au stade de prototypes, à deux exemplaires chacun minimum. Pour autant deux avions se détachent déjà le Boeing Model 424 et le North American NA-130. C’est la douche froide pour les équipes de Glenn L. Martin Aircraft Company. Les militaires américains reprochent un trop grand classicisme dans le développement du Type 223 alors qu’à contrario ils estiment le Convair Type 1 trop avant-gardiste.
En coulisses un général américain reprochera même au Martin Type 223 de trop ressembler à un gros Arado Ar 234 Blitz, le fameux bombardier à réaction de la Luftwaffe.
Dès lors les quatre avions sont connus comme étant les «Class of 1945» par analogie avec les promotions dans les lycées et universités américaines. Il faudra pourtant attendre décembre 1946 pour que les contrats soient officiellement signés par l’USAAF. La fin de la Seconde Guerre mondiale et le développement du Boeing B-50 Superfortress pourtant doté de moteurs à pistons faillit tout bonnement stopper le programme.
Désormais chaque avion connait sa désignation dans la nomenclature américaine. Le Martin Type 223 devient officiellement le Martin XB-48, c’est donc désormais sous ce vocable que l’avion sera traité par l’US Army Air Force.
Quand le contrat est signé les premiers des deux prototypes de chaque avions sont déjà bien avancés, et pour cause. L’USAAF a demandé que les premiers vols aient lieu dans le courant de l’année civile 1947.
Extérieurement le Martin XB-48 se présente sous la forme d’un monoplan à voilure médiane droite construit intégralement en métal. Le choix de la motorisation se porte sur le General Electric TG-180-B1 d’une poussée unitaire de 1814 kilogrammes. Six de ces turboréacteurs propulsent l’avion, montés trois par trois sous chaque aile. Pour le reste l’avion dispose d’un fuselage assez académique de section arrondie ainsi qu’un empennage classique. Le train d’atterrissage rétractable est du type monotrace avec deux jeux de roues en tandem de part et d’autre de la soute à bombes. Les ingénieurs ont pensé que deux balancines escamotables installées sous voilure assureraient une meilleure stabilité au sol et lors des phases d’atterrissages. Le pilote et le copilote prennent place dans un cockpit inspiré de celui des avions de chasse alors que plus classiquement le navigateur officier de bombardement s’installe dans le nez largement vitré du XB-48.
L’armement se compose de deux mitrailleuses défensives M-2 de calibre 12.7 millimètres à guidage par le radar AN/APG-27 installées dans la queue du bombardier, sous l’empennage. La charge offensive peut atteindre 9900 kilogrammes mais se limite normalement à un peu plus de 4050 kilos soit trente-six bombes de 113 kilogrammes chacune.
Quand le 22 juin 1947 le premier des deux prototypes du Martin XB-48 réalise son premier vol il est le troisième à atteindre ce stade. Les avions de Convair et de North American ont tous les deux volés en avril de la même année. Et dès le départ les résultats des essais en vol du XB-48 sont décevants. L’avion n’est pas manœuvrant du tout. Il est pataud, dispose d’un champ de vision minimaliste, et désagréable au sol. Avec une vitesse ascensionnelle de 21.3 mètres par seconde il est bien plus lent que ses deux concurrents déjà en vol qui sont eux pourtant des quadriréacteurs.
La fin de l’année va sceller le sort du XB-48 avec l’apparition de l’avion de Boeing.
Finalement en septembre 1948 la jeune US Air Force rend son verdict : les Boeing B-47 Stratojet et North American B-45 Tornado sont commandés en série tandis que les Convair XB-46 et Martin XB-48 finissent sur le carreau. Ironie de l’histoire le second prototype de ce dernier ne volera qu’en octobre de la même année, soit après la fin du programme.
Martin décide alors de ne pas en rester là, au travers des avant-projets Type 247 et Type 268.
Le premier possède une voilure largement agrandie. Les six turboréacteurs General Electric TG-180 ont été déposé au profit de deux turbopropulseurs Allison T40 d’une puissance nominale de 7500 chevaux entraînant chacun une double hélice contrarotative à huit pales et de deux turboréacteur Westinghouse J46 d’appoint. Pensé pour la reconnaissance armée à longue distance, l’appui aérien rapproché, ou même la patrouille maritime et la lutte anti-sous-marine le Type 247 n’a pas dépassé le stade de la planche à dessins.
Le second est apparut en 1950 sous la forme d’un fuselage de XB-48 doté d’une nouvelle voilure basse et de deux moteurs à vingt-huit cylindres en étoile Pratt & Whitney R-4360-4 Wasp Major d’une puissance unitaire de 2975 chevaux. Ce sont les mêmes qui ont équipé le prototype de l’avion de patrouille maritime Martin P4M Mercator, la version de série en recevant de plus modernes. Le Type 268 a été conçu pour viser un programme d’avion d’entraînement multimoteur, et pensé pour recevoir une soute à munitions d’entraînement. Devant l’avancée du programme Convair XT-29 Flying Classroom le Type 268 n’a pas été poussé lui non plus au-delà de la planche à dessins.
Le Martin XB-48 n’a donc pas eu de descendance directe.
Avion totalement raté le Martin XB-48 aurait pu marquer la fin des aventures de l’avionneur dans les programmes de bombardier. Il n’en a rien été. Par la suite il a développé le XB-51 n’ayant lui non plus pas dépassé le stade expérimental puis le B-57 Intruder aux origines britanniques. Il ne reste de nos jours plus rien du XB-48.
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