Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’US Navy s’était octroyée la maîtrise des mers et océans du globe, notamment grâce à son impressionnante armada de porte-avions mais également par le biais de ses unités d’hydravions. Ces derniers étaient alors des machines dont la conception remontait à la deuxième moitié des années 30 et semblait donc voué à l’obsolescence dans un contexte où la vitesse et l’électronique de bord allait devenir une obligation. C’est dans cet état d’esprit que le Department of Defence lança un programme visant au remplacement des vénérables Consolidated PBY Catalina et des Martin PBM Mariner.
Rapidement le constructeur Martin fut choisit. Son projet reprenait la fameuse voilure en M aplati du Mariner mais avec un fuselage, des moteurs, et un empennage nouveaux. Les études débutèrent et l’assemblage du premier prototype se fit en quelques semaines seulement. Celui-ci était fin prêt pour son premier qui se déroula le 30 mai 1948 sous la désignation de Martin Model 237. Les officiers de l’US Navy présents furent très intéressés par ce nouvel hydravion dont on annonçait des vitesses largement supérieures à ses prédécesseurs. Force fut de constater que si le Model 237 était plus rapide il n’en demeurait pas pour autant très vulnérable aux chasseurs à réaction. Pour la première fois un hydravion de patrouille maritime n’emportait pas de tourelles de mitrailleuses. Ce fût là une petite révolution dans les mentalités des marins américains.
Un second appareil désigné cette fois là XP5M-1 vola lui le 22 juin 1951. Il s’agissait là du véritable prototype militaire de l’appareil. L’US Navy et Martin baptisèrent l’appareil : Marlin. Les livraisons en unités commencèrent dix mois plus tard. Le Squadron VP-44 fut la première unité au monde à disposer d’un hydravion sans arme défensive. Malgré cela le Marlin se tailla rapidement une excellente réputation auprès des pilotes et équipages qui voyaient en lui une machine agréable à piloter et facile d’utilisation. De plus l’hydravion était particulièrement confortable pour les missions longues.
Le Martin P5M Marlin se présente comme un hydravion monoplan à coque, bimoteurs, à douze places. Son armement résidait principalement dans l’emport de torpilles, mines et bombes. Les missions types des P5M furent la lutte anti-sous-marine et l’appui aux opérations amphibie. Son électronique de bord se concentrait principalement autour des radars AN/APS-44 et AN/APS 80 montés dans le nez et au-dessus du cockpit.
En mars 1953 un P5M-1 fut convoyé jusqu’en Angleterre où le Coastal Command de la RAF désirait évaluer l’appareil. Après plusieurs semaines d’essais en vol intenses la décision de Londres tomba : elle n’achetait pas le Marlin, préférant acquérir plus de quadrimoteurs Avro Shakleton.
La même année un second client se fit connaître : l’US Coast Guard. Les gardes côtes américains cherchaient en effet un appareil de SAR (pour Search And Rescue, recherche et sauvetage) lointaine susceptible de pouvoir remplacer leurs vieux Boeing PB-1G, des bombardiers B-17 transformés en avions de recherches et sauvetage à long rayon d’action avec l’apport d’un canot de sauvetage largable. Le Marlin semblait la machine idéale. Un premier lot de sept appareils, désignés P5M-1G arrivèrent en décembre 1953. Ces appareils n’emportaient aucun armement mais conservaient pleinement leurs moyens électroniques de repérage des navires et sous-marins. Les Marlins furent affectés principalement sur la côte est des États-Unis et en Alaska. Les gardes côtes commandèrent quelques années plus tard des P5M-2 plus modernes et armés en collaboration avec l’US Navy.
En janvier 1954 l’aéronavale américaine commanda une version totalement allégée, ne disposant ni d’armement, ni du radar mais d’une commande double pour la formation des pilotes et mécaniciens de bord : le P5M-1T. Les équipages furent formés à bord des Lockheed P2V Neptune de la Navy. Une vingtaine de ces machines furent construits. La marine américaine fit également construire deux sous-versions de guerre électronique Elint / Sigint connues sous le nom de P5M-1S et P5M-2S.
La carrière du P5M va se dérouler très calmement, chassant parfois ça et là des sous-marins soviétiques s’approchant des côtes américaines, ou bien évitant les chasseurs soviétique à proximité de l’URSS. En 1962, lors de l’unification des désignations tous les P5M-1 deviennent des P-5A tandis que les P5M-2 deviennent des P-5B. Les versions de guerre électronique adoptent, quant à elles, une désignation faussée de SP-5A et B laissant sous-entendre de que se sont des machines de lutte anti-sous-marine à la manière du Grumman S-2 Tracker.
Les appareils de l’US Coast Guard n’auront pas connu ce changement de codes, ayant été pleinement retirés du service entre 1955 et 1961 par l’arrivée du très polyvalent Hercules, dans sa version R8V-1G. La plupart des Marlin de l’USCG ont été reversés à l’US Navy.
Les Marlin seront également les principaux hydravions américains envoyés en 1964 au Vietnam. Un détachement de SP-5B du Squadron VP-40 aura pour missions de survoler la région de Da-Nang et l’écoute des communication Vietminh. Ces hydravions survoleront fréquemment entre 1964 et 1971, date de leur retrait définitif du conflit, et également du service, la Baie d’Along à la recherche des combattants ennemis. Ils escortaient les vedettes rapides de la marine américaine et les hélicoptères d’appui Huey et Cobra de l’Army. Deux Marlin seront perdus au Vietnam, dont un en octobre 1966, abattu par un Mig-21.
Le Marlin n’a connu qu’un seul client à l’exportation : l’Aéronautique Navale. En effet en 1958, la Marine, qui se trouvait en pleine Guerre d’Algérie, disposait d’une base permanente d’hydravions à Dakar en Afrique Occidental Française. Cette base abritait la Flottille 27F, équipée à l’époque de vieux Dornier Do-24 allemands et Short Sunderland britanniques, deux types d’appareil datant des années 30. Le premier des dix P5M-1 arriva à Dakar en mai 1959, après que les équipages fussent formés par l’US Navy à NAS Norfolk. Les appareils furent immédiatement affectés au contrôles des voies maritimes entre l’Atlantique et la Méditerranée afin d’intercepter les éventuels navires transportant des armes pour les résistants algériens. Les Marlin de Dakar faisaient régulièrement haltes sur les différentes bases de l’aéronavale au Maghreb, jouant au chat et à la souris avec les trafiquants d’armes, voir avec les Soviétiques.
En 1962, les Marlin quittèrent définitivement Dakar pour rejoindre la Base de l’Aéronautique Navale de Fréjus. Un P5M fut toutefois détachés à quelques kilomètres de là, à Toulon afin de protéger l’arsenal. Les Marlin de la BAN-Fréjus participaient aux opérations de sûreté de la flotte, couverts en cela par les chasseurs Aquilon. Les Marlin furent définitivement retirés du service en octobre 1964, date de la dissolution de leur flottille, et remplacés par les premiers Breguet Atlantic. Ils rejoignirent les États-Unis où six d’entre eux furent reversé à l’US Navy tandis que les quatre autres allaient être cannibalisés. Le Marlin fut le dernier hydravion à servir au sein de la Royale.
Si cet hydravion n’a pas laissé un souvenir impérissable dans les esprits, c’est certainement parce qu’il fut remplacé par ses trois utilisateurs : l’US Navy, l’US Coast Guard, et l’Aéronautique Navale par les appareils révolutionnaires que furent respectivement le P-3 Orion, l’Hercules, et l’Atlantic. Néanmoins le P5M Marlin reste la quintessence même de ce qui était possible de faire en matière d’hydraviation au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
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