Les raids de Boeing B-17 Flying Fortress et de Consolidated B-24 Liberator contre les villes allemandes en pleine nuit font partie intégrante de l’imagerie de l’effort allié dans la Seconde Guerre mondiale. Pourtant comme pour la chasse éponyme le bombardement nocturne n’a rien d’une évidence et découle d’une assez longue période d’expérimentation qui naquit au début des années 1920 grâce à un seul et unique modèle d’avion, un bimoteur biplan conçu spécifiquement dans ce rôle : le Martin NBS-1. Il fut le seul bombardier nocturne de son époque construit en série.
C’est en juin 1920 que l’US Army Air Service demanda à Glenn L. Martin de développer un bombardier nocturne de nouvelle génération. L’ingénieur était alors le seul aux États-Unis à posséder les connaissances et l’expérience requises pour un tel chantier. En fait les militaires américains voulaient un avion surfant sur les acquis du Martin GMB-M achetés à hauteur de trois exemplaires l’année précédentes. Convaincus de l’utilité d’une machine de ce genre sous la cocarde américaine ils voulaient désormais une version aboutie.
L’avionneur s’exécuta.
C’est ainsi que naquit le Martin MB-2, pour Martin Bomber n°2. Les ingénieurs travaillant pour Glenn L. Martin se mirent rapidement à l’œuvre, et dès le départ ne prirent pas le trop facile raccourci du développement du GMB-M. Ils conçurent un nouvel avion. Bien entendu leur MB-2 conservait l’architecture en biplan de même envergure doté d’un train d’atterrissage tricycle fixe et d’un empennage double dérive. Mais l’appareil possédait un nouveau fuselage, plus court que sur l’avion précédent, et une voilure légèrement agrandie.
Surtout désormais le système d’emport des fusées éclairantes et de fixation du phare de ciblage n’avait plus rien d’un bricolage rajouté à la va-vite. De son côté la capacité d’emport en arme avait été doublé. De 680 kilogrammes de bombes sur GMB-M Martin était passé à 1360 kilos sur MB-2.
Ce prototype réalisa son premier vol le 3 septembre 1920. Dès le lendemain l’US Army Air Service passait commande pour vingt exemplaires.
Les dix premiers Martin MB-2 entrèrent en service actif en juin 1921. Ils permirent dans un premier temps d’immédiatement réaffecter les trois GMB-M à l’entraînement avancé des équipages et mécaniciens. Surtout les MB-2 entrèrent en service sous la désignation de NBS-1, pour Night Bomber Short-range n° 1. En fait à cette époque la nomenclature américaine ne faisait pas le distinguo entre court et moyen rayon d’action, juste entre court et long.
Le NBS-1 entra dans l’histoire dès le mois suivant, grâce au général William Mitchell.
En effet entre le 20 et le 21 juillet 1921 l’US Department of War organisa une manœuvre aérienne, sous forme de démonstration, entre l’US Navy et l’US Army Air Service pour savoir laquelle des deux disposait de la meilleure doctrine d’emploi des bombardiers. La cible principale de l’exercice allait être deux navires allemands : l’ancien croiseur SMS Frankfort et l’ex cuirassé SMS Ostfriesland saisis par les États-Unis au titre des dommages de guerre.
Si la marine américaine réussit le 20 juillet à très fortement endommager le premier ainsi que l’ex-cuirassé américain USS Iowa le SMS Ostfriesland n’eut lui que quelques égratignures.
Le lendemain le général Mitchell lança ses six Martin NBS-1 dotés chacun de deux bombes de 450 kilogrammes. Suivant les directives du stratège les équipages de l’USAAS allèrent au-delà des espérances en ne faisant pas que détruire le navire allemand, mais en le coulant !
Mitchell avait réussi son pari : l’aviation pouvait parfaitement venir à bout de n’importe quel navire de guerre, plus rapidement que l’artillerie ou la marine. Une telle prouesse n’allait pas plaire à tout le monde et le général allait en payer le prix fort : celui de sa carrière et de son honneur.
Pragmatiquement l’US Army Air Service décida dans la foulée de commander immédiatement cent dix exemplaires supplémentaires du Martin NBS-1. L’avion avait démontré ses capacités… de jour ! Cette commande rassura les financiers de Glenn L. Martin mais pas les ingénieurs et ouvriers qui travaillaient déjà sur deux autres programmes : un bimoteur monoplan de bombardement à longue distance pour la même USAAS sous la désignation XNBL-2 et un hydravion monoplan monomoteur d’observation pour l’US Navy connu alors comme MO-1.
Le constructeur décida de déléguer l’assemblage à trois entre prises : Aeromarine, Curtiss, et LWF. Elles construiraient respectivement vingt-cinq, cinquante, et trente-cinq exemplaires. Cela permit à l’aviation militaire américaine de disposer de ses cent-trente NBS-1 dès le début de l’année 1924.
Le Martin NBS-1 vola au sein de huit unités américaines différentes, huit Bomber Squadrons : les 11th BS, 20th BS, 23rd BS, 25th BS, 28th BS, 49th BS, 72nd BS, et 96th BS. Par contre ces avions ne prirent par à aucun combat, se limitant ça et là à des exercices de plus ou moins grande ampleur. Les années 1920 furent une période de paix pour l’Amérique.
En 1927 quatre NBS-1 eurent même les honneurs de Hollywood. Ils furent repeints sous des couleurs allemandes afin de prendre part au film de guerre «Les Ailes» du réalisateur William Wellman. Particularité notable ce fut le premier film oscarisé de l’histoire.
En 1929 le jeune US Army Air Corps décida de retirer du service l’ensemble de ses Martin NBS-1 encore en service. En huit années d’utilisation l’aviation américaine avait perdu dix de ces machines dans des accidents, dont six furent mortels pour tout ou partie de l’équipage. Malgré cela ce bimoteur avait bonne réputation auprès des personnels qui volaient dessus.
Le NBS-1 n’eut pas vraiment de remplaçant, même si les Curtiss B-2 Condor et Keystone LB-6 Panther reprirent une partie de ses missions.
Il est à signaler qu’en 1924 Curtiss et Martin s’associèrent, sous maîtrise d’œuvre du premier d’entre eux, pour concevoir une version améliorée du NBS-1. Désigné Curtiss NBS-4 il ne dépassa pas le stade expérimental, et seul deux prototype en furent construits.
Bombardier typique des années 1920, donc d’un temps de paix, le Martin NBS-1 permit à son concepteur de se faire la main. Plus tard sa société allait développer un des plus mythiques bimoteurs de ce genre : le B-26 Marauder massivement employé durant la Seconde Guerre mondiale. Quant au général Mitchell une fois sa réhabilitation acquise on lui offrit un bombardier à son nom, le North American B-25 Mitchell.
Ironie de l’Histoire B-25 Mitchell et B-26 Marauder furent les deux grands concurrents du conflit dans leur segment.
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