Souvent considéré comme une des formules de propulsion à réaction parmi les plus révolutionnaires le statoréacteur fut véritablement développé entre les années 1940 et 1950, au travers notamment des travaux de l’ingénieur français René Leduc autour d’avions ainsi équipés pour les hautes vitesses. Aux États-Unis c’est notamment la société Glenn L. Martin Company qui s’y attela aux travers d’essais sur des missiles air-sol préfigurant de futurs missiles de croisières. L’une des premières applications concrètes de cette technologie fut le drone-cible Martin KDM Plover.
Quand en mai 1945 les ingénieurs de Glenn L. Martin Company annoncent à l’US Department of War leur intention de travailler sur les statoréacteurs ils vendent cette technologie comme pouvant propulser des missiles air-sol à même de détruire des cibles lourdement défendues, tels des navires et notamment les croiseurs et porte-avions. L’idée séduit alors l’US Navy qui commande quatre prototypes sous la désignation KUM Gorgon IV. Au sein de l’avionneur l’arme est connue comme Martin Model 250.
En parallèle l’entreprise américaine propose à la marine américaine de développer une version cible volante subsonique destiné à l’entraînement des artilleurs de défense anti-aérienne de ses bâtiments de guerre. L’idée est suffisamment séduisante pour que trois drones soient commandés, un prototype et deux exemplaires de présérie. Ils sont désignés Martin Model 251, alias KDM Plover pour les militaires.
Extérieurement rien ne différencie le Martin KDM Plover du KUM Gorgon IV. C’est d’ailleurs la même équipe qui travaille sur les deux programmes. L’un comme l’autre auront d’ailleurs besoin du même système de lancement : un avion porteur. Afin de faciliter les opérations deux types d’appareils sont sélectionnés. Il s’agit de Douglas JD-1 Invader et de Northrop F2T-1 Black Widow, des avions d’armes de l’US Army Air Force désarmés et utilisés en soutien des essais en vol. Ils reçoivent des points d’emport de voilure leur permettant l’emport de ces engins. Black Widow et Invader peuvent indifféremment lancer le missile ou le drone-cible.
Le premier lancement en vol du prototype XKDM est réalisé le 20 juillet 1947. Lancé depuis le Northrop F2T-1 Black Widow le drone d’essais vole onze minutes avant que son statoréacteur Marquardt RJ-30MA ne s’arrête brutalement. Le drone a parcouru environ 150 kilomètres quand il tombe dans les eaux de l’Atlantique nord. Récupéré et analysé il met en lumière un fait : un missile sol-air n’est pas un drone cible, et inversement.
Les ingénieurs de Glenn L. Martin Company décident de reprendre en profondeur les travaux de leur Model 251. L’envergure est raccourcie de trente centimètres tandis que le fuselage est allongé de deux mètres et dix-huit centimètres. L’empennage est également redessiné.
Le premier des deux exemplaires de présérie vole dans ces conditions début novembre 1947, toujours depuis le F2T-1. Un mois et demi plus tard, à Noël 1947 c’est le second drone de présérie qui vole cette fois depuis le Douglas JD-1 Invader.
Alors que le programme du missile KUM Gorgon IV piétine l’US Navy décide de commande huit KDM-1 Plover de série. Ils entre en service début 1948.
Malgré un rayon d’action assez court, à peine plus de cent kilomètres, les Martin KDM-1 Plover sont des engins appréciés des artilleurs de la DCA embarquée américaine. Avec leurs dimensions et leur vitesse ils permettent de simuler correctement les chasseurs soviétiques Mikoyan-Gurevich MiG-15 Fagot et Yakovlev Yak-15 Feather. Ce sont alors les avions «à abattre» pour les Américains. Les officiers américains trouvent alors les KDM-1 Plover plus adaptés à ce rôle que les McDonnell KDD-1 Katydid plus ramassés et aussi plus anciens. Sauf qu’à l’usage l’US Navy regrette qu’aucun système de lancement autre que le recours à un bimoteur porteur n’ait été pensé par Martin.
Finalement l’US Navy décide en mars 1950 de réserver ses Martin KDM Plover pour le soutien aux essais d’armement air-air. Ils participent notamment, à leur manière, au développement des missiles air-air américains alors appelés AAM-N-4 Oriole, AAM-N-5 Meteor, et surtout AAM-N-7 Sidewinder. Le 11 septembre 1953 c’est un KDM-1 Plover lancé depuis son Douglas JD-1 porteur qui devient le premier aéronef de l’histoire militaire détruit par un missile Sidewinder. Il ne sera pas le dernier.
Malgré ce fait d’arme le Martin KDM Plover est retiré du service dans l’US Navy en janvier 1954, et avec lui c’est le Northrop F2T-1 Black Widow qui s’en va.
Et les missiles KUM Gorgon IV dans tout ça ? Il n’ont jamais atteint le stade la production en série, aussi petite soit t-elle.
Le drone-cible Martin KDM Plover aurait pu retomber dans l’oubli. Pourtant en 1966 l’US Navy a livré l’un d’eux au National Air & Space Museum où il est toujours exposé de nos jours. Il présente aux passionnés autant qu’aux néophytes le fait qu’un statoréacteur peut également propulsé un avion sans pilote.
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