L’apparition durant la Seconde Guerre mondiale des premiers chasseurs à réaction, que ce soit en Allemagne autant qu’au Royaume-Uni entraîna après le conflit une véritable révolution technologique. Les États-Unis y rattrapèrent rapidement leur retard en mettant très vite au point de premiers bombardiers à réaction assez efficaces. Puis vînt le tour des avions de reconnaissance, qui pour des raisons évidentes se devaient d’être au moins aussi rapide voire plus que les chasseurs adverses. Seulement voilà de tels avions étaient vite onéreux pour des économies ayant souvent particulièrement souffert des dommages de la guerre. C’est en partant de ce principe que le Pentagone demanda à l’avionneur Lockheed e développer une machine bon marché et facile d’emploi. Le RT-33 Photobird venait de naitre.
C’est en 1952 que des pays alliés comme la Belgique, la France, et l’Italie firent pression sur les États-Unis. Ils souhaitaient obtenir un avion de reconnaissance capable de permettre des missions le long du Rideau de Fer, à un prix le plus bas possible. Tous trois avaient beaucoup souffert, à des degrés divers, de la Seconde Guerre mondiale qui ne s’était terminée que sept ans plus tôt.
À la même époque North American avait bien tenté de produire une version de reconnaissance dérivée du chasseur F-86A Sabre mais le prix unitaire de chaque appareil était jugé très élevé. Republic travaillait de son côté sur un avion similaire dérivé de son chasseur F-84F Thunderstreak. Baptisé RF-84F Thunderflash celui-ci n’était pas encore assez avancé pour permettre un entrée en service rapide. C’est la raison pour laquelle l’US Department of State et l’US Department of Defense chargèrent Lockheed de développer un tel avion. Le constructeur avait déjà de l’expérience en la matière au travers du RF-80 Photostar alors encore en dotation dans les rangs de l’US Air Force.
Plutôt que de se lancer dans le développement de zéro d’un avion le constructeur décida de concevoir une version de reconnaissance d’un appareil existant déjà. Son premier choix se porta sur le chasseur F-94 Starfire avant de finalement s’en détourner et s’orienter vers le biplace d’entraînement avancé T-33 T-Bird. La raison était simple : le premier ne servait que dans l’US Air Force alors que le second avait été fourni à presque tous les pays européens alliés des États-Unis.
Le futur avion reçut la désignation constructeur de Lockheed Model 580. Le Pentagone le connaissait lui comme RT-33. Il fut affublé du sobriquet de Photobird, contraction de Photographer et T-Bird. À la manière de Photostar pour le RF-80 cela devînt son patronyme.
Extérieurement le Lockheed RT-33 Photobird reprenait les grandes lignes du T-33 T-Bird. Les seules différences venaient en premier lieu du cockpit devenu monoplace équipé d’un siège éjectable, la place arrière accueillant désormais de l’avionique propre à la mission. En second lieu c’est dans le nez de l’avion qu’il fallait chercher les différences. Une caméra K-38 de 610 millimètres de focale permettait des prises de vue à grande vitesse d’obturation. Un équipement idéal pour la reconnaissance tactique. Le réacteur de l’avion était un General Electric J33-A-35 d’une poussée de 2080 kilogramme sans post-combustion.
L’exemplaire de présérie YRT-33 vola pour la première fois en novembre 1953.
C’est donc à partir de 1954 que les premiers Lockheed RT-33A Photobird entrèrent en service. Et de manière assez étonnante c’est l’US Air Force qui fut servie en première, elle qui ne voulait pas au départ de cet avion de reconnaissance très basique. Quinze exemplaires lui furent versés et envoyés immédiatement en Allemagne de l’Ouest d’où ils devaient décoller pour mener des missions au-dessus des frontières avec le bloc communiste.
Par la suite les premiers alliés des États-Unis furent servis : Belgique, France, Grèce, Iran, Italie, Pays-Bas, Philippines, Portugal, et Turquie. Le Japon fit produire sous licence un exemplaire par Kawasaki mais refusa finalement de l’employer. Le Canada et le Royaume-Uni lui tournèrent également le dos, pour deux raisons différentes. Le premier parce que ce RT-33 n’entrait pas dans le programme Silver Star de production sous licence locale via Canadair et le second parce qu’il était engagé dans le programme du Supermarine Swift FR Mk-5.
L’un des principaux utilisateurs du Lockheed RT-33A Photobird fut l’Armée de l’Air. C’est donc la 33e Escadre de Reconnaissance qui utilisa ces monoréacteurs entre 1955 et 1982. En fait le RT-33, jamais appelé Photobird en France, ne fut réellement la monture exclusive de l’escadre qu’entre août 1955 et novembre 1956. Il passa le reste de sa carrière comme monture secondaire pour des missions de reconnaissance tactique dans des endroits où aucune menace de chasse ennemie n’était connue. Pis, à partir de juin 1967 il ne fut plus employé que pour la transformation opérationnelle à la reconnaissance tactique. Le bisonique Dassault Mirage IIIR de facture française était arrivée en unité, rendant totalement obsolète l’avion conçu aux États-Unis. Il servit encore près de quinze ans sur la Base Aérienne 124 de Strasbourg.
En fait les RT-33A français furent souvent mis en œuvre comme plastrons de reconnaissance lors d’exercice de l’OTAN.
À partir du début des années 1970 la majorité des pays utilisant quelques Lockheed RT-33 Photobird commença à les retirer du service. Cela ne sonna pourtant pas le glas de l’avion. Des exemplaires de seconde main se retrouvèrent ainsi à voler au Chili, en Colombie, au Honduras, au Pakistan, à Taïwan, en Thaïlande, et en Yougoslavie. À leur tour ces pays purent s’initier à l’art de la reconnaissance tactique sur avions à réactions. Les RT-33A taïwanais et thaïlandais furent modernisés en 1975 quand leur caméra K-38 fut déposée au profit d’une KS-72 de 305 millimètres de focale jugée plus moderne. L’Iran fit appliquer la même procédure à ses douze exemplaires.
Machine avant tout conçue pour permettre à de nombreuses nations de défricher le domaine de vol de la reconnaissance tactique à réaction le Lockheed RT-33 Photobird eut une carrière opérationnelle clairsemée. Hormis la France qui employa quelques exemplaires durant des missions au-dessus de l’Algérie et le Pakistan qui s’en servit pour espionner l’Inde le gros de ces avions ne vola que pour des temps très courts à chaque fois. Seuls quatre-vingt-cinq exemplaires furent produits.
Les deux derniers pays à l’avoir employé furent l’Iran jusqu’en 1991 et la Thaïlande jusqu’en 1993. Évidemment à cet époque ces avions étaient totalement obsolètes.
Aujourd’hui au moins deux exemplaires sont connus pour être préservés dans des musées aéronautiques, l’un au Pakistan et le second en Turquie.
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