La mission de patrouille maritime consiste en une surveillance aérienne des espaces maritimes, de ses flux de transport, mais également des risques d’intrusion ennemie, et notamment de la part des sous-marins. Durant la Seconde Guerre Mondiale les forces alliées ont massivement eu recours à la Patmar, son surnom et abréviation dans la langue française, à la fois pour surveiller les côtes britanniques, et américaines, mais également celles de tous les pays engagés dans la guerre contre l’Axe. Les avions de Patmar alliés étaient également chargés de la protection des convois maritimes qui reliaient la côte est des Etats-Unis au reste de l’Europe, mais aussi à l’appui des opérations amphibies menées par les troupes, et en particuliers par les Marines américains. Si l’US Navy et la RAF utilisaient massivement l’hydravion américain Consolidated PBY Catalina, il faut toutefois remarquer que le principal avion de Patmar était un petit bimoteur issu d’un avion de transport des années 30 : le Lockheed PV Harpoon.
Fin 1940, la Royal Air Force fit savoir à l’avionneur américain Lockheed qu’elle souhaitait acquérir une version de patrouille maritime dérivé de l’avion de ligne léger L-18 Lodestar. En outre la RAF comptait sur le fait qu’elle utilisait déjà le bombardier de reconnaissance Hudson, un avion lui aussi conçu à partir d’un des bimoteurs de ligne Lockheed de la lignée du L-10 Electra. En effet le L-10 et le L-18 avaient en commun une bonne partie de leurs équipements et de leur avionique. Toutefois le Lockheed L-18 était notablement plus gros que son prédécesseur, mais surtout plus puissant en terme de motorisation.
Lockheed travailla rapidement et l’avion fut finalement assemblé en février 1941. Il se présentait sous la forme d’un bimoteur à aile mi-médiane disposant d’un empennage double et d’un train d’atterrissage classique escamotable disposant d’une roulette de queue. Il disposait d’un cockpit monoplace pour le pilote, d’un habitacle avant largement vitré pour l’opérateur de bombardement et de surveillance maritime, d’une position de place arrière pour le radionavigateur, et d’un habitacle pour le mitrailleur dorsal. En outre l’avion disposait d’une soute à bombes pour une charge d’une demi-tonne. Son armement défensif se composait de deux mitrailleuses de 7.7mm en position de chasse, de deux armes identiques installés dans une tourelle dorsale Boulton-Paul C Mk-II. L’appareil fut également doté d’un appareil radiogoniométrique et d’un radar de détection anti-sous-marine. Baptisé Ventura il effectua son premier vol le 31 juillet 1941.
La Royal Air Force passa immédiatement une première commande pour 675 exemplaires, qui furent discrètement livré via le Canada à partir de septembre 1941. Ces avions entrèrent immédiatement au sein des unités du Coastal Command, le commandement chargé de la surveillance maritime et de la lutte contre les U-Boots, les terribles submersibles allemands. Quelques semaines plus tard elle décida d’acheter d’autres avions, désignés Ventura Mk-II, et destinés aux pays qui participaient à la guerre sous la cocarde du Commonwealth : Afrique du Sud, Australie, Canada, et Nouvelle Zélande.Parallèlement l’US Army Air Corps décida d’acquérir également des avions de ce type sous la désignation de Lockheed B-34 Lexington à hauteur de 114 exemplaires. Ces avions étaient censés servir à la surveillance des risques d’intrusion de navires, mais surtout de submersibles allemands, le long de la côte Atlantique des Etats-Unis. Début 1942 les B-34 furent redésignés RB-34A.En Août 1941 l’Army Air Corps décida de commander un autre lot de B-34 qui furent finalement livrés, via l’OSS, les services de renseignements américains, à la Fleet Air Arm sous la désignation de Ventura Mk-IIA. Ces derniers avions furent principalement affectés à la surveillance maritime en Mer d’Irlande, et au nord de l’Ecosse, deux zones infestées d’U-Boots.
Peu avant l’entrée en guerre des Etats-Unis l’US Army Air Corps décida d’acquérir une version d’observation, ne disposant pas de la tourelle dorsale du B-34. Cet avion fut désigné O-56. Ils furent redésignés RB-37 en 1942 et construit à seulement 18 exemplaires. Ils furent principalement utilisés sur le sol américain par la Garde Nationale, mais quelques-uns uns furent toutefois engagés dans des missions de surveillance frontalière et de surveillance maritime dans le Golfe du Mexique.
Après l’attaque nippone contre la base aéronavale américaine de Pearl Harbour, qui précipita l’Amérique dans le conflit planétaire, l’US Navy se lança dans une recherche massive en avions de surveillance maritime, de patrouille maritime, et de lutte anti-sous-marine. L’aéronavale américaine demanda donc à Lockheed de construire encore plus de Ventura qui fut finalement désignés PV-1 et baptisés Harpoon dans la nomenclature américaine. A la différence des machines livrées au Commonwealth et au Royaume-Uni le PV-1 fut doté d’un radar de recherche à la fois anti-sous-marine mais également anti-navale, un Westinghouse ASD-1. Mais surtout l’armement fut renforcé, les mitrailleuses de 7.7mm furent remplacés par des armes d’un calibre de 12.7mm. Mais surtout une arme fut rajoutée en position ventrale placée à l’avant de l’empennage. Le mitrailleur asservi à cette arme était installé en position allongée. Les PV-1 furent en premier lieu affectés au remplacement des Hudson dans les unités de première ligne. La commande initiale portait sur 1 600 exemplaires.
Les Lockheed PV-1 de l’US Navy furent déployés aussi bien sur la côte Est des Etats-Unis, que dans le Pacifique, mais également dans le Golfe du Mexique, et en Méditerranée. L’US Coast Guard décida d’acheter également dix exemplaires de l’avion pour la surveillance des ports civils américains de la côte est, principalement dans les régions de New York et de Washington-DC, sous la désignation de PV-1B. Les PV-1 de l’US Navy furent engagés lors d’opérations dans l’archipel des Aléoutiennes, mais également lors de la bataille des îles Salomon ou encore au moment de la prise d’Okinawa.
Mais surtout il fallu attendre le 3 décembre 1943, date du premier vol du PV-2, pour voir apparaître la version la plus efficace de l’avion. Un total de 500 exemplaires fut commandé par l’US Navy, dont 104 pour les pays engagés dans le conflit comme par exemple le Brésil ou les unités libres des Pays-Bas. Le PV-2 disposait d’une meilleure motorisation, mais surtout ils s’étaient vus adjoindre une barbette de nez avec trois mitrailleuses supplémentaires de 12.7mm en position de chasse. Le PV-2 avait en outre la capacité de tirer des roquettes à haute vélocité de 127mm HVAR, des armes particulièrement efficace contre les navires de surface, et contre les sous-marins évoluant à moins de trente mètres de profondeur. Entrés en service en mars 1944 ces avions devinrent vite le pire cauchemar des sous-marins allemands et japonais. L’US Marines Corps utilisa par ailleurs une vingtaine de PV-2 pour des missions de chasse de nuit dans le pacifique. Ces chasseurs Harpoon disposaient de réservoirs de carburant annexes dans la soute à bombe, et utilisaient leur radar pour se diriger dans le noir. Ils servirent jusqu’en juillet 1945 au sein du Squadron VMF(N)-531. Ils cédèrent la place au Northrop F2T, la version « navale » du P-61 Black Widow, un véritable chasseur nocturne.
Alors que la guerre venait de se terminer en Europe, et que les efforts se concentraient sur le Pacifique et l’Asie du Sud-Est, l’US Navy décida de prélever 27 avions sur un lot de 50 destinés à la Royal Air Force. Ces Ventura Mk-II furent rebaptisés PV-3 par les marins américains. Les PV-3 volaient en Australie et dans les archipels des Indes Néerlandaises.
Après guerre des avions furent versés à l’Italie, au Japon, au Pays-Bas, au Pérou, et au Portugal. La plus part des Harpoon servirent jusque dans les années 60. Les Ventura sud-africains furent relevés au sein de la South African Air Force par l’Avro Shackleton, un avion bien plus puissant, lourd, et disposant d’un rayon d’action bien plus élevés. En Australie, au Canada et, au Japon les Harpoon furent eux remplacés par des Grumman S-2 Tracker. En France la Flottille 6F de l’Aéronautique Navale utilisa à partir de 1945 une quinzaine de PV-2 pour des missions de Patmar et de surveillance des zones de pêche. Les Harpoon français furent remplacés par les premiers Breguet Alizés.
Le Ventura et le Harpoon ont ouvert la voie à Lockheed dans la conception d’avion de patrouille maritime, voie qui s’est concrétisée avec des avions comme le P2V Neptune mais surtout le P-3 Orion, l’actuel avion standard de l’US Navy. Aujourd’hui quelques-uns uns de ces avions sont préservés dans des musées, dont un superbe PV-2 aux couleurs du Squadron VPB-140 de 1945 à l’US Naval Air Museum de NAS-Pensacola en Floride. En outre quelques avions de ce type volent toujours de nos jours, soit comme avions d’affaire transformés au milieu des années 50 soit comme bombardiers d’eau. Dans l’Oregon deux PV-2 de lutte anti-feu ont été remotorisé au début des années 90 avec des turbopropulseurs Pratt & Whitney PT6A.
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