Le propre des avions de transport tactique depuis la Seconde Guerre mondiale est de pouvoir évoluer depuis des terrains d’aviation les plus sommaires possibles. Des champs détrempés de boue, les sables du désert, ou encore une piste au milieu de nul part ne font peur à personne. Mais dès que l’on aborde le cas de la neige et de la glace d’un seul coup il y a beaucoup moins de monde qui a envie d’aller y poser son train d’atterrissage, et pour cause. En fait une poignée de pays seulement dont l’Argentine, le Canada, les États-Unis, la Norvège, ou encore la Russie maîtrise réellement les opérations aéroportées en zone polaire. En Amérique des ingénieurs ont même conçu un avion spécialement pour ces missions périlleuses : le Lockheed LC-130 Skibird.
Dès lors que le Lockheed C-130A Hercules fit son apparition beaucoup de spécialistes assez visionnaires comprirent ses extraordinaires capacités. L’avion sortait littéralement du lot de par sa configuration générale, sa motorisation, et surtout sa future polyvalence. Deux généraux de l’US Air Force eurent l’idée en 1956 de commander un tel avion et de l’équiper de ski rudimentaires afin de favoriser les opérations polaires. Dans leur esprit il s’agissait de trouver un avion capable de remplacer efficacement les cinq bimoteurs Fairchild C-119C Flying Boxcar qui remplissaient alors ce rôle. Ces derniers n’ont d’ailleurs jamais été vraiment efficace dans cette mission.
La désignation YC-130D est alors allouée à l’avion à venir par l’US Air Force et Lockheed. Ingénieurs, techniciens, et militaires travaillent alors autant à valider le concept d’emploi qu’à développer de véritables skis. Les essais réalisés en Alaska avec des pneus à basse pression sont probants et le Pentagone accepte de commander douze avions de série sous la désignation de Lockheed C-130D. Le seul inconvénient est alors que ces skis ne peuvent permettre des atterrissages et décollages que sur des zone dont l’épaisseur de neige est d’au moins 30 centimètres. Et il leur est impossible d’opérer sur une piste verglacée.
Le rôle premier des Lockheed C-130D Hercules est alors de ravitailler les postes avancés des forces américaines en Alaska et dans plusieurs états septentrionaux. Dans une logique de guerre froide ces avions doivent permettre d’assurer la continuité stratégique en cas d’affrontement est-ouest.
À la même époque l’US Navy s’intéresse elle-aussi au concept. Il faut dire que l’aéronavale américaine est également présente en zone polaire mais pas pour les mêmes raisons. Son escadron VXE-6 Puckered Penguins réalise des missions de soutien aux missions scientifiques en Arctique et Antarctique. Or si ses Douglas R4D-8L Super Skytrain sont plus adaptés que les C-119C Flying Boxcar de l’US Air Force ils restent bien moins efficaces que ce nouveau C-130D.
Cependant la guéguerre de territoires entre US Air Force et US Navy étant très forte en cette fin des années 1950 il est hors de question d’acheter les mêmes avions. En fait l’aéronavale a une approche différente. Les pneus basses pressions et les skis bricolés à la va-vite des C-130D ne l’intéressent pas. Ses ingénieurs ont déjà travaillé sur la question et proposent à Lockheed d’adapter les équipements existant déjà sur R4D-8L. Bien entendu l’échelle n’est plus la même. Désormais les skis ne seraient quasiment plus amovibles mais permettrait grâce à un système de hausse de pouvoir se relever ou s’abaisser suivant le type de terrain choisi : en position haute pour un tarmac classique, en position médiane pour une piste en neige, et en position basse pour la glace et le verglas. Surtout ces skis épousaient désormais les lignes de l’avion lors des phases de vol, réduisant ainsi grandement la traînée.
Quatre avions sont commandés et entrent en service en novembre 1959 sous la désignation de Lockheed UV-1L Winter Hercules.
Et rapidement l’US Air Force voit les grosses différences avec ses C-130D Hercules qui peinent à opérer. Petit à petit elle se désintéressa du système et en 1972 décida qu’il en était fini pour elle des opérations polaires. Les huit avions encore en état de vol furent transformés en C-130E et affectés à diverses unités de l’Air National Guard.
En parallèle l’US Navy comprit vite qu’elle avait trouvé la bonne solution. Ses quatre UV-1L étaient parfaitement adaptés à leur fonction et pouvaient emporter le double de charge d’un R4D-8L. Autant dire que les quadrimoteurs à turbopropulseurs devenaient les avions vedettes du VXE-6. En septembre 1962 lors du réalignement des désignations ils devinrent Lockheed LC-130F Winter Hercules.
Lorsque l’US Air Force laissa l’US Navy seule avec les missions polaires le Pentagone décida par souci d’équité de renforcer cette dernière. Il passa commande en 1973 pour sept nouveaux avions désignés LC-130R. Livrés entre 1974 et 1976 ces avions dérivaient directement du C-130H Hercules en service un peu partout dans le monde.
Par rapport au LC-130F le nouvel avion disposait d’une avionique rajeunie, d’une motorisation plus puissante, mais surtout de cellules plus jeunes.
C’est avec le LC-130R qu’apparut le patronyme de Skibird.
En 1980 le VXE-6 Puckered Penguins alignait donc sept LC-130R et quatre LC-130F. Ces derniers en fait assuraient des missions d’entraînement, de transformation opérationnelle, et de soutien au profit de l’US Air Force. Les LC-130R de leur côté réalisaient les missions scientifiques, ravitaillant les bases de recherches en Arctique et en Antarctique. Dans cette seconde région le Skibird s’était taillée une réputation d’avion hors du commun, tout juste concurrencer par le De Havilland Canada DHC-6 Twin Otter bien plus petit.
Outre le matériel d’étude des scientifiques les Skibird avaient comme rôle l’évacuation sanitaire des malades et blessés.
Les années 1980 virent aussi la généralisation de l’emploi des fusées d’appoint JATO sur les Lockheed LC-130R Skibird de l’US Navy. Ces équipements permettaient aux avions de décoller en toute sécurité, surtout quand la piste était un peu courte.
À cette époque l’aéronavale américaine mit également en place les rotations estivales de maintenance. L’été n’étant pas la période favorite des équipages de LC-130R c’était à ce moment là que les avions étaient entretenus et révisés en profondeur.
Cependant en mars 1997 il fut décidé que l’US Navy abandonnerait la mission polaire au profit de l’US Air Force… qui n’avait plus aucune compétence en la matière. L’échéance était au 1er décembre 1999. Durant un peu plus de deux ans les équipes du VXE-6 Puckered Penguins travaillèrent main dans la main avec leurs homologues du 139th Airlift Squadron de l’Air National Guard de New York qui devaient en outre reprendre leurs avions.
À la date dite les avions furent transférés. De LC-130R Skibird ils devinrent LC-130H Skibird.
Pour autant les femmes et les hommes du 139th Airlift Squadron furent tout autant passionnés par leur missions que leurs prédécesseurs. Leurs quadrimoteurs continuaient de sillonner les cieux polaires, ravitaillant les bases scientifiques et décollant aux fusées JATO. En fait seuls les personnels et les marquages avaient vraiment changés, les procédures étaient les mêmes.
En 2017 l’US Air Force demanda le renouvellement de la flotte des vieux LC-130H Skibird. Cela lui fut refusé par l’administration Trump arguant que de tels avions n’avaient rien de prioritaire. Cependant trois C-130H avec peu d’heures de vol lui furent livrés sous la désignation de LC-130H3. Les sept avions plus anciens, dont trois ex-LC-130R, devinrent eux des LC-130H2. Et à l’été 2020 un vaste chantier de refonte a été lancé afin de les moderniser en profondeur. Pour autant un remplacement par une version dérivée du C-130J Super Hercules est toujours espérée sans être réellement envisagée.
Aujourd’hui les dix Lockheed LC-130H Skibird sont sans doute les Hercules de transport les plus surprenants de l’arsenal américain. Avec leur livrée haute visibilité ils sont par contre à coup sûr les plus facilement reconnaissables avec les HC-130H Hercules de l’US Coast Guard.
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