Au lendemain de l’invasion de l’archipel des Malouines par les Argentins la Royal Air Force se réveille groggy. En effet elle vient de comprendre que la réaction attendue par l’opinion publique internationale ne pourra se faire rapidement, du fait du peu d’allonge des chasseurs-bombardiers de Sa Majesté ; mais aussi à cause du rayon d’action un peu cours des Vickers VC-10, les principaux ravitailleurs en vol britannique. La RAF devra donc compter sur un spectaculaire raid aérien de plus de 14 000km effectué par les étonnants Avro Vulcan, des bombardiers datant de l’après-guerre, et sur la réactivité et la mobilité des unités de la Fleet Air Arm. Le problème des chasseurs bombardiers sera rapidement comblé par les Panavia Tornado, il ne reste alors plus que celui des ravitailleurs en vol. Et c’est un avion de ligne américain, échec commercial cuisant pour son constructeur, le Lockheed L-1011 TriStar qui sera sa réponse.
En effet en janvier 1983 le Ministry of Defence (ou MoD) émet une Specification concernant un ravitailleur en vol lourd à long rayon d’action. La Royal Air Force se met alors en quête de l’avion miracle. Rapidement elle isole trois appareils : le Boeing KC-135R, le McDonnell Douglas KC-10A et le Lockheed TriStar. Ce dernier semble avoir peu de chance, étant donné qu’il n’existe uniquement qu’en version civile. Néanmoins la RAF y est alors attachée pour une raison très simple : c’est l’un des principaux avions en service chez British Airways, la compagnie aérienne nationale britannique, et plusieurs pilotes de TriStar sont par ailleurs réservistes.
La bataille commerciale se finalise alors entre le quadriréacteur de Boeing et le triréacteur de Lockheed. En effet le KC-10 est considéré comme bien trop onéreux, notamment du fait de sa capacité à être transformé en avion de transport à long rayon d’action ou en avion de transport de personnels. Mais cette particularité intéresse tout de même Londres.
En octobre 1983 les autorités britanniques prennent finalement la décision d’acheter des Lockheed L-1011 TriStar de seconde main auprès de la compagnie américaine Pan-Am. Cette dernière connaissant alors de grave troubles financiers, elle met en vente plusieurs de ses appareils. Six L-1011-500 américains vont rejoindre les usines de la société Marshall. Là ils sont transformés en ravitailleurs en vol, connus sous la désignation militaire, de Tristar K Mk-1. À cette occasion l’orthographe même de l’avion est changé, passant de TriStar à Tristar. N’ayant pas oublié le concept du transport à long rayon d’action, issu des essais du KC-10A, Londres cherche à acquérir trois autres avions à même de remplir ce type de missions.
C’est alors que la British Airways propose au gouvernement de lui céder trois avions de la même série L-1011-500. La cession est réalisée pour 20 millions de livres sterling de l’époque par appareil. Pour cette somme la compagnie aérienne s’engage à couvrir les frais de transformation des appareils. Le premier est modifié en avion de transport mixte fret-passagers, rapidement adaptable en «tout fret». De leur côté les deux autres conservent leur disposition d’avions de transport de passagers afin de servir pour les personnels militaires britanniques mais aussi pour les évacuation de ressortissants.
Ils reçoivent respectivement les désignations de Tristar C Mk-1 et C Mk-2.
Extérieurement les versions militaires du Tristar diffèrent peu des avions de lignes, si on excepte le système de ravitaillement en vol installé sous la queue de l’avion. Il s’agit d’un monoplan triréacteur à aile basse disposant d’un train d’atterrissage tricycle classique. À la différence du McDonnell Douglas KC-10A le troisième réacteur du Tristar est intégralement incorporé à l’empennage de l’avion, disposant d’une sortie au niveau des gouvernes de profondeurs. Le Tristar est ainsi plus stable en vol à haute altitude que l’Extender.
Le premier TriStar (civil) a effectué son premier vol le 16 Novembre 1970 et le premier Tristar (militaire) effectua le sien le 22 février 1984. Tous les Tristar de la Royal Air Force entrent alors en service au sein du Squadron 216 basé à Brize Norton.
Il a été déclaré opérationnel fin 1984 et commença dès lors ses opérations. De juin 1986 à septembre 1990 un Tristar K-1 fut détaché sur la base de RAF Mount Pleasant, aux îles Malouines. Là le ravitailleur en vol servait au plus proche des McDonnell Douglas Phantoms FG-1 du Flight 1435.
À cette même époque deux autres Tristar participèrent à des ravitaillements en vol au-dessus de l’Atlantique, de la Manche, et de la Mer du Nord dans le cadre d’un exercice de l’OTAN. C’est là que l’avion codé ZD-952 réalisa son premier ravitaillement sur un avion non-britannique, à savoir un Dassault Aviation Mirage 2000C de l’Armée de l’Air.
Lorsque la guerre du Golfe éclata en août 1990 la plus part des Lockheed Tristar du Squadron 216 prirent la route des Émirats Arabes Unis et de l’Arabie Saoudite afin de couvrir les opérations internationales. Les Tristar C-2 participèrent à l’envoi massif de troupes.
Ils étaient alors tous revêtus d’une livrée dite « desert-pink » ou en français rose-sable, temporaire bien entendue. Celle-ci fut également portée par certains avions de combat de Sa Majesté tels les Blackburn Buccaneer pour qui ce fut le dernier engagement !
Tirant les leçons de ce conflit le Ministry of Defence fit renvoyer en usine quatre des six Tristar K-1 afin de les modifier en avions mixtes ravitaillement-fret sous la désignation de Tristar KC Mk-1. Dès lors ils furent engagés dans diverses missions dans le monde, notamment lors de l’invasion de l’Afghanistan par les troupes de la coalition internationale au lendemain des attaques terroristes du 11 septembre.
Par la suite ils ont notamment participé aux raids aériens menés par les Britanniques et les Français au-dessus de la Libye du dictateur Khadafi au printemps 2011.
En novembre 2005 l’ensemble de la flotte Lockheed Tristar de la Royal Air Force a été repeinte avec une livrée bleue-gris assez élégante. Depuis 2014 et le remplacement de ces géants des airs la mission de ravitaillement en vol et de transport mixte est désormais assuré par l’Airbus Defense & Space Voyageur moins gourmand en carburant, mais également plus polyvalent ! En effet les biréacteurs européens sont eux réellement apte aux missions combis, ravitaillement en vol et transport sur palettes en même temps.
Outre la RAF trois autres Lockheed L-1011 TriStar ont volé à titre militaire, un en Jordanie et les deux autres en Arabie Saoudite. Ces avions étaient aménagés en véritables palaces volants et utilisés pour des missions de transport à long rayon d’action des familles royales de ces deux monarchies respectives. Il est à signaler que l’avion jordanien portait cependant la livrée de la compagnie aérienne Royal Jordanian, ainsi qu’une immatriculation civile.
Avion passablement raté sur le plan commercial, malgré une réussite esthétique indéniable, il sut cependant être un ravitailleur en vol très correct. Ils réussit même le tour de force d’être vendu à l’étranger alors même qu’aucun exemplaire ne volait à titre militaire dans son pays d’origine, les États-Unis.
Il demeure malgré tout le plus gros avion construit en série par Lockheed.
En savoir plus sur avionslegendaires.net
Subscribe to get the latest posts sent to your email.