Peu d’avions dans l’Histoire n’ont autant marqué de leur empreinte leur époque que le Lockheed C-130 Hercules. Conçu à l’origine comme un simple avion-cargo destiné à l’US Air Force il a su au fil des années se diversifier pour donner naissance à des versions très différentes les unes des autres. De la canonnière volante AC-130 Spectre pouvant lourdement appuyer les troupes au sol à l’avion de reconnaissance WC-130 Weatherbird capable de plonger au cœur des ouragans le fameux quadriturbopropulseur américain a démontré qu’à l’instar du célèbre petit couteau suisse à manche rouge il savait tout faire. Parmi les nombreuses cordes à son arc figure celle de la recherche et du sauvetage lointain, que cela soit au service de marins en difficultés ou pour récupérer des troupes derrière les lignes ennemis, grâce au HC-130 Combat King.
En 1956, l’US Coast Guard fit savoir qu’elle recherchait un nouvel avion de reconnaissance et de recherche-sauvetage à long rayon d’action susceptible de remplacer dans les meilleurs délais ses quadrimoteurs Boeing PB-1G reçus au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et désormais totalement dépassés. En fait la garde-côtière américaine avait dans l’idée d’acquérir une version dérivée du Lockheed C-130B Hercules. Dans l’urgence les ingénieurs du constructeur bricolèrent une telle version qui reçut en 1958 la désignation de Lockheed R8V-1G. Les deux premiers exemplaires entrèrent en service à la fin de l’année 1959. Quatre autres suivirent.
En fait il s’agissait ni plus ni moins que de C-130B similaires à ceux alors en cours de livraison dans l’US Air Force et dotés d’un équipement de recherches et de sauvetages en mer grâce à un radar cartographique dérivé de celui équipant alors les avions de patrouille maritime Lockheed P2V Neptune en service dans l’US Navy. Divers équipements de sauvetage comme des bouées et des fusées de marquage pouvaient être lancés à la main par la porte latérale tandis que deux chaînes de sauvetage comportant chacune un radeau auto-gonflable étaient largués via la rampe arrière. Lors du réalignement de septembre 1962 ces avions devinrent des SC-130B.
En 1964 l’US Coast Guard reçut six nouveaux Hercules, des SC-130E dotés d’une motorisation plus puissante et donc d’un rayon d’action accru. L’année suivante les SC-130B et SC-130E virent leur désignation modifiée en HC-130B et HC-130E afin de ne pas les confondre avec une éventuelle version de lutte anti-sous-marine et de patrouille maritime alors en développement chez Lockheed.
À la même époque l’US Air Force et la CIA (la Central Intelligence Agency, les services de renseignement extérieurs américains) avaient en tête d’acquérir une version profondément modifiée de ces HC-130E pour les besoins de leurs opérations spéciales. Destinés à voler en parallèle de leurs MC-130E Combat Shadow d’infiltration lointaine de commandos les futurs avions devaient être capables de récupérer des agents de renseignement ou d’extraire des ressortissants civils en volant à basse altitude. Cependant il restait un problème de taille : comment sauver quelqu’un se trouvant au sol quand l’avion par définition est en l’air ? La solution existait, et venait de l’esprit fécond d’un ingénieur américain ayant pas mal bourlingué du nom de Robert E. Fulton Jr.
Fulton avait inventé un système de récupération au moyen de deux pinces de grande taille prenant littéralement en tenaille un câble suspendu en l’air par un ballon gonflé à l’hélium. A l’autre extrémité une personne dotée d’un harnais attendait patiemment que l’avion vienne l’attraper pour pouvoir monter rapidement dans les airs. Par la suite grâce à un ingénieux mais complexe système de roulements le rescapé rejoignait la cabine de l’avion.
En dehors de cet équipement très particulier les futurs avions de récupération de l’US Air Force avaient la particularité de ne posséder aucun feu de navigation ni aucune forme de source de lumière visible du sol. Peints intégralement en noir ils devaient être les plus invisibles possibles. Afin de ne pas les confondre avec les HC-130E de l’US Coast Guard le Pentagone décida de les nommer HC-130P Combat King. Dans le même temps une autre version mais cette fois dénuée du système Fulton fut commandée sous la désignation de HC-130N tout en conservant le nom de Combat King. Elle était destinée à l’exfiltration des forces spéciales. Eux en fait pouvaient se poser sur n’importe quel terrain grâce à un renforcement du train d’atterrissage et un blindage spécifique de l’intrados. Les HC-130N étaient en outre apte à remplir des missions de ravitaillement en vol au profit des hélicoptères Sikorsky CH-3E de l’US Air Force.
Dès la seconde moitié des années 1960 les Combat King sillonnèrent les cieux du monde entier, et notamment ceux du bloc communiste. Les radars cartographiques des HC-130P étaient fréquemment remis à jour par la CIA afin d’incorporer un maximum d’informations concernant le territoire soviétique. À l’instar des avions-espions U-2 et SR-71 ces quadriturbopropulseurs étaient de fréquents «visiteurs» de cette partie du monde. Les HC-130N de leur côté opérèrent surtout en Asie du sud-est où les forces spéciales américaines avaient élu domicile.
Malgré l’extraordinaire prouesse technologique qu’il représentait le système Fulton n’était pas sans défaut et nombre de missions de récupérations furent avortées faute de réserves de carburant suffisantes pour retenter de nouveaux passages au cas où le premier ne serait pas concluant. C’est ce qui conduit l’US Air Force à renoncer à lui au milieu des années 1980. Tous furent ôtés des Lockheed HC-130P Combat King sans que ces avions ne soient retirés du service. La majorité des HC-130N et HC-130P étaient encore en service au printemps 2017, une preuve supplémentaire de leur extraordinaire longévité. Pendant un temps l’US Air Force utilisa des avions d’infiltration-exfiltration sous la désignation de HC-130P2 Combat Shadow avant que ceux-ci ne soient renommés MC-130P.
Fin 1964 vola l’avion de présérie YHC-130H préfigurant la version de série la plus aboutie de l’avion pour les besoins de l’US Coast Guard. Doté d’un rayon d’action encore accru il disposait aussi de nouveaux systèmes. Par exemple des fusées de marquage qui pouvaient être tirées par l’avion, et non plus lancées depuis la cabine par un coastie, ou encore des chaînes de sauvetages éjectées de manière automatiques. En outre le futur HC-130H était alors l’Hercules disposant de la plus grande allongé, augmenté de 20% par rapport aux C-130H en service dans l’US Air Force et dans la majorité des forces aériennes alliées à l’Amérique. Les premiers des vingt-et-un exemplaires de série commandés entrèrent en service opérationnel en 1967.
Disséminés sur la côte est autant que sur la côte ouest, l’Alaska et Hawaï les Lockheed HC-130H pouvaient prendre les airs 24 heures sur 24, de jour comme de nuit et ce quelque soit les conditions météos. Ils permirent petit à petit de remplacer les bimoteurs amphibies Grumman HU-16E Albatross, les fameux Flying Lifeboat. Bien qu’incapables d’amerrir les Hercules pouvaient orbiter au-dessus de la zone de sauvetage jusqu’à l’arrivée des hélicoptères de sauvetage HH-3E Pelican et HH-52A Seaguard.
Un autre rôle, moins célèbre que la recherche et le sauvetage en mer des marins en perdition, fut celui qui concernait la patrouille internationale des glaces. En fait les Lockheed HC-130H avaient reçu pour mission de surveiller l’avancée des icebergs en Atlantique nord mais aussi au large de l’Alaska.
Si les HC-130B furent retirés du service au milieu des années 1980 les HC-130E de leur côté furent transformés en HC-130H dès la fin des années 1970 et affectés à des zones moins à risque que ceux construits ab-initio. Cependant tous les ex-HC-130E quittèrent le service actif en 2001 laissant seuls les « vrais » HC-130H. Pas pour longtemps.
En effet en 2003 les états-majors de l’US Air Force et de l’US Coast Guard passèrent une commande commune pour vingt HC-130J dérivés de la nouvelle version du Hercules. Quatorze devaient prendre le chemin de la première tandis que les six autres allaient à la seconde. Très similaires dans leur définition seule la capacité de ravitaillement en vol des hélicoptères et des avions convertibles différaient entre les deux séries. En fait au sein de l’US Coast Guard les nouveaux HC-130J furent acquis bien plus comme des avions de sauvetage lointain que réellement de reconnaissance et de surveillance, cette mission étant alors à la charge des Airbus HC-144A Ocean Sentry. Dans l’US Air Force les HC-130J Combat King II furent affectés aux opérations spéciales afin d’assurer l’exfiltration des forces spéciales autant que le soutien carburant. C’est d’ailleurs avec un tel avion que l’aviation américaine réalisa l’un des premiers ravitaillement opérationnel au profit d’un Eurocopter EC725 Caracal des forces spéciales françaises.
L’une des versions les plus étonnantes du Lockheed HC-130 fut sans nul doute l’EC-130V. Sous cette désignation se cache en fait un avion de veille radar destiné à l’US Coast Guard et conçu pour remplacer la poignée de Grumman E-2C Hawkeye alors en dotation. En 1992 il fut décidé de doter un HC-130H de série d’un radar AN/APS-125. L’idée était que le futur avion radar puisse réaliser aussi bien des missions classiques de recherches et sauvetages en mer que des missions de veille radar, ou encore de commandement aéroporté dans le cadre des opérations internationales de lutte contre les trafic de drogue dans la zone Antilles-Caraïbes. Malgré des essais très prometteurs le Lockheed EC-130V n’entra jamais en service actif et fut finalement rétrocédé à l’US Navy en tant que NC-130H. Il termina sa carrière comme plastron au sol au sein de l’US Air Force sous la désignation de Lockheed GNC-130H.
Malgré ses remarquables capacités de recherches et de sauvetages en mer le Lockheed HC-130 n’a jamais été exporté. Si les opérations des versions de l’US Air Force sont souvent réalisées sous le sceau du secret-défense celles de l’US Coast Guard font régulièrement la une des médias américains. C’est là tout le paradoxe d’un avion bien né qui a su largement démontré ses capacités, une fois ses défauts de jeunesse corrigés.
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