Levasseur PL.4

Peu d’avionneurs auront été aussi immanquablement liés à l’histoire de l’aviation embarquée que le constructeur français Levasseur. La quasi totalité de ses aéronef a servi sur le porte-avions Béarn, en service durant l’entre-deux-guerres. Il est en France aussi important que Grumman l’a été outre-Atlantique, et pourtant de nos jours cet industriel est passablement retombé dans l’oubli malgré des machines remarquables, et d’autres sommes toutes un peu moins. Dans cette seconde catégorie figure un surprenant biplan conçu comme bombardier léger et qui finalement s’illustra dans la reconnaissance à vue : le Levasseur PL.4.

C’est à l’été 1926 que la Marine Nationale demanda à Levasseur de développer un bombardier torpilleur embarqué en tirant les enseignements de l’emploi du PL.2. Il s’agissait de concevoir un avion moins imposant, quitte à emporter et tirer une torpille de plus petite taille. En effet bien que techniquement très réussi et plutôt agréable de pilotage le PL.2 était un avion particulièrement imposant, notamment aux regards de la taille des hangars aviations du porte-avions Béarn.
Les premières ébauches donnèrent naissance à un avion alors connu comme R3b dans la nomenclature militaire française de l’époque à savoir triplace de reconnaissance et de bombardement. Les amiraux français avaient eu recours à ce subterfuge car ils savaient pertinemment que députés et sénateurs leur refuseraient les fonds nécessaires à un nouveau torpilleur aussi peu de temps après le PL.2.

Un bras de fer s’engagea donc entre le ministère de la Marine et la Chambre des Députés. Entre temps l’avion avait reçu sa désignation constructeur. Il s’appelait Levasseur PL.4. Et le moins qu’on puisse dire c’est que celui-ci n’avait pas la taille du PL.2. Si l’envergure des deux avions était similaire cela n’avait aucune forme de gène puisque les ailes des biplans Levasseur étaient par définition repliables. Le fuselage était quant à lui un tiers plus court que sur son prédécesseur. Une réduction de taille qui eut un impact immédiat : le PL.4 était incapable d’emporter la moindre torpille fabriquée en France. Seul un modèle américain aurait pu l’être mais l’acquérir aurait nécessité de révélé la véritable nature du R3b.
La Marine Nationale prit donc sur elle de commander quarante exemplaires de ce biplan mais uniquement comme avion de reconnaissance à vue et de guidage des tirs d’artillerie navale.

Extérieurement le Levasseur PL.4 se présentait sous la forme d’un biplan construit en bois entoilé et contreplaqué et possédant une voilure avec un dièdre négatif. Outre son train d’atterrissage classique il disposait d’une crosse d’appontage, obligatoire pour les opérations depuis le pont d’envol du Béarn. Il était animé par un moteur Lorraine 12Eb Courlis à douze cylindres en W d’une puissance de 450 chevaux entraînant une hélice bipale en bois. Il s’agissait alors d’un des moteurs français les plus en vogue dans le monde grâce au bombardier Breguet Br 19 ou encore à l’hydravion patrouilleur japonais Hiro H1H. Son fuselage renfermait le poste de pilotage et celui des deux membres en charge des missions d’observation et de réglage des tirs d’artillerie. Pour assurer sa défense le PL.4 disposait d’une mitrailleuse mobile Lewis de calibre 7.7 millimètres. Des lances bombes étaient disponibles pour une charge offensive maximale de 150 kilogrammes.
C’est dans cette configuration que l’avion vola le 8 décembre 1926.

Les premiers exemplaires sont acceptés au service dès le printemps 1927. Pourtant l’avion dut attendre onze mois après son premier vol et la date du 14 novembre 1927 pour pouvoir devenir officiellement un avion de reconnaissance embarqué. C’est en effet alors qu’il apponta pour la première fois.
Les vingt premiers exemplaires rejoignirent l’escadrille 7S1 comme purs avions de reconnaissance et les vingt derniers la 7B1 comme bombardiers légers de reconnaissance. Dans les faits pourtant jamais ceux ci n’emportèrent en opération la moindre bombe. Pis même aucune de ces armes n’était embarquée à bord du Béarn. Que cela soit au sein de la 7B1 ou de la 7S1 le Levasseur PL.4 demeurait un avion embarqué doté seulement d’une mitrailleuse mobile.

À l’usage ce biplan s’avéra plutôt agréable de pilotage, pardonnant fortement les erreurs de pilotage autant que celles lors des phases d’appontages ou de décollage du porte-avions. D’ailleurs un seul avion fut perdu en missions au-dessus la Méditerranée en janvier 1929. Les trois membres d’équipage furent déclarés disparus puis morts en vol quelques semaines plus tard. L’enquête, sans dépouille ni restes de l’avion, alla dans le sens d’un problème météo.
À l’été 1931 le PL.4 laissa la place en première ligne à deux autres biplans Levasseur : le PL.7 au sein de l’escadrille 7B1 et le PL.10 au sein de l’escadrille 7S1. Les avions furent cependant encore exploité cinq ans comme machines de formation à l’appontage au sein de la SEB, la Section d’Entraînement du Béarn sise au Palyvestre non loin de Toulon. Puis ce fut la casse.

Premier avion embarqué de reconnaissance en service dans la Marine Nationale le Levasseur PL.4 est bien représentatif de ces avions des années 1920. Ceux ci n’apportèrent pas de progrès phénoménaux mais surent poser les jalons pour de futurs avions. Aucun PL.4 n’est parvenu jusqu’à nous.
Pourtant au Musée de l’Air et de l’Espace du Bourget figure une pièce maîtresse issue d’un avion directement dérivé du PL.4, le Levasseur PL.8 expérimental dédié aux raids longues distance et mieux connu sous le nom d’Oiseau Blanc. C’est son train d’atterrissage.