À l’instar des pays occidentaux l’Union Soviétique s’intéressa aux avions sans pilote dès le début de la guerre froide. Et comme pour eux il s’agissait en premier lieu de développer des cibles volantes à bas coût. De manière assez étrange alors que l’alliance Atlantique découvrit assez rapidement l’existence de telles machines elle se refusa à les codifier dans sa nomenclature comme elle le faisait pour les autres aéronefs ou pour les missiles. Pourtant les généraux de l’OTAN pensèrent un temps attribuer aux drones soviétiques un code en M, comme les avions d’entraînement ou encore les amphibies et hydravions. Ils s’y refusèrent finalement. De ce fait les drones soviétiques ne furent jamais connus que sous leur propre désignation à l’image de l’étonnant Lavotchkin La-17.
C’est Konstantin Andreyevich Vershinin lui-même qui en sa qualité de maréchal de l’air, le titre soviétique pour chef d’état major de la force aérienne, décida en juin 1950 de doter son pays d’une flotte de drones-cibles. À cette époque Vershinin était déjà auréolé de toutes les décorations et reconnaissances pour avoir permis de passer efficacement d’une chasse dotée d’avions à moteurs à pistons à une chasse équipée de jets.
Le maréchal de l’air chargea donc l’avionneur Lavotchkin du projet 201.
Sous ce vocable typiquement soviétique se cachait en réalité un programme particulièrement pragmatique et totalement dans son époque. Vershinin et ses équipes d’ingénieurs avaient exigé que l’avionneur développe un drone cible à usage unique pouvant permettre de simuler au mieux les chasseurs à réaction américains et britanniques de l’époque, à savoir aussi bien les Gloster Meteor et Lockheed F-80 Shooting Star issus de la Seconde Guerre mondiale que les De Havilland D.H.100 Vampire et North American F-86 Sabre bien plus récent. Le drone issu du projet 201 se devait donc d’être à réaction. Il se devait aussi d’être le moins onéreux possible afin de pouvoir être construit en grande série.
Les équipes de Lavotchkin allèrent à l’essentiel en matière de conception : un fuselage allongé, une aile droite, un empennage classique, et un statoréacteur Bondaryuk RD-800 de 765 kilogrammes de poussée. Après avoir envisagé un lancement depuis un véhicule terrestre érecteur l’avionneur décida d’avoir recours à un avion porteur.
En octobre 1951 il fut décidé que ce serait un bombardier bimoteur Tupolev Tu-2 Bat qui assurerait cette fonction. Une maquette du drone fut alors construite à l’échelle 1.
C’est à peu près à la même époque que le nom de Lavotchkin La-17 apparut pour parler du projet 201. Plus les études de faisabilité du couple avec le Tu-2 avançaient et plus chacun comprenait que jamais cet avion ne serait adapté. Il fallait voir plus grand. Un bombardier stratégique quadrimoteur Tu-4 Bull fut donc réquisitionné et adapté à l’emport de deux drones cibles sous voilure. Pour le premier vol de l’engin télépiloté un second La-17 fut installé, afin de compenser la masse. Le 13 mai 1953 l’URSS larguait à 8000 mètres d’altitude son premier drone cible à réaction. Les essais démontrèrent quelques carences au niveau du statoréacteur RD-800 qui fut remplacé par un RD-900 légèrement plus imposant et puissance. Il développait désormais 800 kilogrammes de poussée. Les essais reprirent quelques semaines plus tard, confirmant la réussite du programme.
De par son allure générale mais aussi sa propulsion si particulière le La-17 fut considéré un temps comme une copie soviétique du Martin KDM Plover américain. Rien ne fut jamais prouvé pourtant en ce sens.
Les Bondaryuk RD-900 étaient des statoréacteurs particulièrement simples avec une espérance de vie de quarante minutes seulement. Afin de garantir une utilisation la plus efficace possible il était demandé aux pilotes de chasse et aux artilleurs de la DCA d’abattre les drones Lavotchkin dans les vingt premières minutes de l’exercice en évitant de toucher la tuyère du dit statoréacteur. Celui-ci pouvait alors être réutilisé sur un autre La-17. Rien ne se perdait. Et dès l’année 1954 cette recette fonctionna à plein régime en URSS.
Afin de garantir une utilisation optimum du drone l’avionneur Tupolev transforma quatre-vingt bombardiers Tu-4 en Tu-4NM porteurs de chacun deux drones-cibles. Certains d’entre eux volèrent même sous livrée civile de l’Aeroflot alors même que les La-17 ne portaient qu’une livrée constructeur. La peinture coûtait trop cher pour des aéronefs à usage unique.
Il fut un temps envisager d’embarquer jusqu’à quatre Lavotchkin La-17 sous la voilure du bombardier Tupolev Tu-85 Barge. Cependant l’abandon de son programme entraîna la fin de cette option. Fin 1955 les forces aériennes soviétiques cherchèrent alors une alternative.
On pensa alors à l’avion-cargo Antonov An-8 Camp dont le développement était alors bien avancé ou encore au bombardier Ilyushin Il-54 Blowlamp. Le premier se révéla inadapté et le second ne dépassa pas le stade du prototype.
Chez Lavotchkin la solution avait été trouvée : abandonner l’avion porteur et revenir au véhicule terrestre érecteur lanceur. D’autant que les ingénieurs réfléchissaient déjà à une version appelée La-17M articulée autour d’une nouvelle motorisation. Finie le statoréacteur peu onéreux mais finalement pas si sûr que ça et destination le turboréacteur à post-combustion. Le choix fut le Mikhoulin RD-9BK dérivé de celui équipant le chasseur de supériorité aérienne Mikoyan-Gurevitch MiG-19 Farmer. Désormais le La-17M disposait de 1950 kilos de poussée, une puissance nécessaire pour compenser l’abandon de l’avion porteur. Les premiers La-17M firent leur apparition en URSS durant l’été 1964.
Lavotchkin développa une version de reconnaissance du La-17M, appelée La-17MM. Doté d’un équipement radar et d’une caméra TV l’engin fut essayé au cours de la même année 1964. Le résultat ne fut jamais probant. Au final les douze engins construits virent leur équipement de reconnaissance déposé et furent utilisés comme cibles volantes dès le début de l’année 1965.
À partir de 1971 de nouvelles économies furent entreprises sur la conception des La-17M.Les difficultés d’approvisionnement en turboréacteurs RD-9BK amenèrent Lavotchkin à utiliser des Tumanski R-11 et R-13 prélevés respectivement sur des chasseurs Yakovlev Yak-28 Firebar et Sukhoi Su-15 Flagon. Les Lavotchkin La-17K et La-17N étaient nés.
En fait le La-17N ne fut produit qu’à une vingtaine d’exemplaires seulement contre plus de 2000 La-17K. Surtout cette production s’étala jusqu’en 1997, c’est à dire au-delà de l’effondrement de l’Union Soviétique. On estime que la Russie a conservé des Lavotchkin La-17 jusqu’aux alentours de 2010-2012.
Après la disparition de l’URSS des exemplaires se sont retrouvés en Biélorussie et, selon certaines sources en Irak et en Syrie.
En 1964 le bureau d’étude chinois Nanjiing a obtenu de l’URSS une licence de production du Lavotchkin La-17 doté de son statoréacteur. Localement le drone cible fut désigné CK-1. En 1973 à son tour la Chine abandonna cette propulsion jugée trop fragile et passa à un réacteur plus classique. C’est le WP-6, version locale du RD-9B qui propulsa le drone désormais appelé CK-1B. Des version ultérieures avec quelques menues améliorations eurent lieu jusqu’à la fin des années 1980.
Les Nanjiing CK-1 furent tous lancés depuis des véhicules ou des remorques terrestres.
Premier drone soviétique construit en grande série le Lavotchkin La-17 permit aux forces aériennes d’URSS de défricher le domaine de vol des cibles volantes télépilotées. Plusieurs exemplaires sont aujourd’hui préservés dans différents musées aéronautiques et/ou militaires de Russie.
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