LACAB GR.8 Doryphore

Durant les années 1930 plusieurs pays se lancèrent dans le développement d’avions dits polyvalents. Il s’agissait quasi toujours de bimoteurs conçus aussi bien pour des missions de bombardement que de reconnaissance. Ce concept était né à la fin des années 1920 en France, au travers notamment du très discutable Blériot 127. Si en dehors des Français ce sont surtout les Britanniques qui réussirent à en tirer profit quelques autres nations se lancèrent dans la conception de tels avions. Et la Belgique ne fut pas en reste au travers d’un avion assez intéressant : le LACAB GR.8 Doryphore.

Pour lui tout débuta en 1934 quand l’état-major de la force aérienne belge réclama aux avionneurs locaux le développement d’un multimoteur multirôle capable en priorité de réaliser des missions de reconnaissance armée mais également dans un second temps de bombardement. Le célèbre ingénieur Alfred Renard se pencha sur le dossier mais reconnut que celui-ci le dépassait par son ambition, et conseilla d’acheter un tel avion auprès de la France ou du Royaume-Uni. Les dirigeants des constructeurs LACAB (pour Les Ateliers de Construction Aéronautique Belges) et Stampe & Vertongen de leurs côtés s’estimèrent en capacité de réaliser un tel avion. Un prototype de chacun des deux fut commandé par l’état-major bruxellois.

L’avion pensé par les designers et ingénieurs de LACAB se présentait sous la forme d’un biplan d’envergure inégale de construction mixte en tubes de métal, bois entoilé, et contreplaqué. Désigné GR.8 il possédait un train d’atterrissage classique fixe à large voie. Sa propulsion reposait sur deux moteurs à quatorze cylindres en étoile Gnome & Rhône 14Kdrs d’une puissance unitaire de 780 chevaux. Chacun entraînait une hélice tripale en métal.
L’armement se composait de six mitrailleuses mobiles jumelées de calibre 7.62mm. Montées deux par deux elles étaient censé offrir une puissance de feu remarquable à ce futur GR.8. Les postes de tir étaient installés dans le nez de l’avion, en position dorsale dans une tourelle, et en position ventrale dans un poste de tir accessible par une trappe.
Une charge de bombes de 400kg pouvait être emportée en soute, ainsi que jusqu’à également 400kg de bombes sous voilure.

Présenté à l’état de prototype face à son concurrent de Stampe & Vertongen le LACAB GR.8 remporta le marché et un accord fut signé afin de financer sa construction en série à hauteur de vingt exemplaires. À la même époque on décida de baptiser l’avion du nom de Doryphore. Pour mémoire il s’agit d’un coléoptère très commun en Europe occidentale et réputé pour faire des ravages parmi les champs de pommes de terre. Un nom surprenant pour un avion de combat, il faut bien le remarquer.

Au cours de son développement ultérieur le LACAB GR.8 Doryphore fit l’objet de quelques améliorations. Ainsi son train d’atterrissage fut caréné et on redessina le poste de tir avant du mitrailleur. Pourtant rien n’y faisait car lors du premier vol survenu le 14 mai 1936 l’équipage d’essais put remarquer que l’avion était instable dans toutes les configurations possibles et lors de toutes les phases, du décollage à l’atterrissage. Malgré cela l’avion fut reçu officiellement par la force aérienne belge quelques jours plus tard, en juin 1936.

Les vols d’essais s’enchainèrent ainsi durant presque deux ans, permettant ça et là d’affiner l’avion malgré des défauts plus que visibles et une instabilité en vol persistante. Le 4 avril 1938 au retour d’un vol d’essais d’armement l’avion rata son atterrissage. Il brisa son train et son plan inférieur de voilure se détacha. L’état-major ordonna sa reconstruction mais quelques semaines plus tard alors que les travaux allaient bon train le programme du GR.8 Doryphore fut stoppé définitivement.

Il fut un temps envisagé que quatre LACAB GR.8 Doryphore soient construits pour être fournis aux forces républicaines espagnoles qui affrontaient l’aviation franquiste soutenue par les forces allemandes et italiennes. Malheureusement cela n’aboutit jamais, plus pour des raisons diplomatiques et politiques que réellement financières. Cela aurait pu être la seule possibilité d’exportation de l’appareil.

Aujourd’hui quasiment retombé dans l’oubli le LACAB GR.8 Doryphore peut prêter à sourire. Mais son architecture est finalement totalement dans l’air du temps du milieu des années 1930, l’image de l’Amiot Am 143 français ou du Boulton-Paul P-75 Overstrand britannique. À leur différence pourtant le biplan belge ne dépassa pas le stade expérimental.