Si les avions connaissent des architectures de voilures très différentes c’est encore plus vrai chez les hélicoptères. On y trouve de classique machines à rotor principal et rotor anti-couple à l’image de l’Aérospatiale SA.365F Dauphin 2, des machines à doubles rotors en tandem tel le Boeing Vertol CH-47 Chinook, ou encore des hélicoptères à doubles rotors engrainant comme le Kaman HH-43 Huskie. L’un des architectures les plus surprenantes fut développées durant la guerre froide sous le terme de double rotor de voilure. Britanniques et Soviétiques furent ceux qui la testèrent le plus. Et l’un des appareils les plus célèbres dans ce genre fut le Kamov Ka-22 Vintokryl, alias Hoop dans la nomenclature de l’OTAN.
Les équipes de l’hélicoptériste Kamov commencèrent à travailler en 1952 sur un hélicoptère gros-porteur dérivés des travaux de l’ingénieur Ivan Pavlovich Bratukhin. Ce dernier avait dès la Seconde Guerre mondiale commencer à travailler sur l’architecture dite du double rotor monté sur voilure. Ce qu’il testa notamment avec des hélicoptères expérimentaux comme l’Omega puis le B-11. Après quelques essais les équipes de Bratukhin cessèrent leurs travaux.
C’est là que Kamov entra en scène en apportant une nouveauté : sa technique du double rotor contrarotatif. Kamov avait déjà démontré sa viabilité au travers de ses Ka-15 et Ka-18.
Aussi quand ses ingénieurs commencèrent à travailler sur un avant-projet au cours du second semestre 1953. Quelques mois plus tard Moscou passa une commande officielle pour trois machines de présérie en plus du prototype. Dès lors le programme fut lancé sous la désignation de Kamov Ka-22 et le nom de baptême de Vintokryl. Ce dernier était un mot-valise signifiant « aile à rotor ».
Afin de gagner du temps les équipes soviétiques utilisèrent la cellule d’un avion-cargo Antonov An-12 comme base de travail. Pourtant les travaux prirent énormément de retard, en raison des difficultés de mise au point des turbines Kuznetsov TV-2VK d’une puissance unitaire de 5982 chevaux. Chacune devait supporter un rotor quadripale en métal.
Les autorités soviétiques s’impatientaient d’autant plus que l’hélicoptériste Mil proposait un appareil concurrent bien plus conventionnel et donc aisé de conception. Le futur Mil Mi-6 était alors en développement et les militaires soviétiques fondaient de grands espoirs en lui.
Au printemps 1956 le gouvernement soviétique annonça des coupes drastiques dans le programme du Ka-22 Vintokryl. Deux des trois hélicoptères de présérie furent annulés et il fut décidé de confier la motorisation à Soloviev au travers de ses turbines D-25VK d’une puissance de 5500 chevaux chacune.
Dès lors le prototype allait voler sous le code tactique 01-01 et l’appareil de présérie comme 01-03. Les 01-02 et 01-04 étaient les appareils disparus dans les limbes administratives soviétiques.
Finalement le prototype du Kamov Ka-22 réalisa son premier vol le 15 aout 1959. Extérieurement l’appareil était impressionnant. On aurait dit un véritable monstre des airs, ni vraiment hélicoptère ni vraiment avion. En fait cette machine préfigurait les convertiplanes qui feraient leur apparition près de quarante ans plus tard.
La campagne d’essais démontra surtout de grandes instabilités en vol mais encore plus lors des phases d’atterrissage. L’équipe d’essais du Ka-22 redoutait assez régulièrement les réactions de la machine. Après un premier incident grave en novembre 1959 il fut décider de limiter les essais aux seuls jours de beau temps, avec un vent le plus nul possible.
Pour autant le nouvel hélicoptère était taillé pour battre des records. Et il en fit enregistrer huit durant sa carrière auprès de la FAI, la Fédération Aéronautique Internationale. Records de vitesse en circuit fermé, record de transport de charge pour voilure tournante, ou encore record de masse maximale au décollage.
L’un d’eux fut établi en mars 1962 quand le Ka-22 Vintokryl 01-01 devint le premier hélicoptère au monde à décoller avec cent passagers à son bord. Il s’agissait de soldats soviétiques qui préfiguraient les futures troupes appelées à être transportées.
C’est à cette époque que l’appareil fut formellement identifié par les espions de l’OTAN qui lui attribuèrent le nom de code Hoop.
Quelques mois plus tard le 28 aout 1962 le prototype 01-01 s’écrasa, causant la mort des quatre membres de son équipage d’essais. Les enquêtes furent menés assez rapidement, et les équipes de Kamov mirent en avant un grave défaut sur la jonction entre les moteurs et les rotors contrarotatif. Les essais du Ka-22 purent reprendre en novembre 1963 avec le seul 01-03. Malheureusement ceux-ci furent écourtés le 16 août 1964 par un second écrasement, causant cette fois la mort de deux des quatre hommes à bord dont le pilote de la machine.
Le lendemain Moscou signifiait la fin du programme et formalisait la commande en nombre important du Mil Mi-6. Ce dernier avait déjà les faveurs des militaires.
Plus d’un demi-siècle après l’arrêt de son programme le Kamov Ka-22 Vintokryl demeure un des programmes d’hélicoptères parmi les plus ambitieux de son temps. Il n’en reste malheureusement plus rien de nos jours, à l’exception d’un moteur et d’un rotor conservés dans un musée moscovite. Après cet échec Kamov retourna à ses classiques doubles rotors contrarotatifs qui firent sa célébrité.
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