Au tout début de l’année 1940, alors que l’Allemagne s’enfonçait peu à peu dans la « Drôle de Guerre » avec les Britanniques et les Français la Luftwaffe lança l’étude et le développement d’un nouveau type de bombardier moyen rapide, capable de voler de jour comme de nuit, et ce sans la moindre escorte armée. Les enseignements de l’invasion de la Pologne en septembre 1939 étaient passés par là. En effet si la chasse polonaise n’avait pas représenté un danger réel pour les hordes de Junkers Ju-88 et Heinkel He-111 l’état-major allemand savait qu’il en serait tout autrement contre la France, et dans une moindre mesure contre les Pays-Bas et la Belgique. C’est dans ce sens qu’elle demanda à Junkers de développer une version profondément améliorée de son bombardier bimoteur.
Les idées ne manquaient pas dans les têtes des ingénieurs et designers de l’avionneur. Parmi celles ci certains travaillaient déjà à des tourelles de mitrailleuses automatisées, fonctionnant grâce à des servocommandes dirigées à distance depuis le poste de pilotage. En outre les ingénieurs s’engagèrent dans la voie d’un avion disposant d’un cockpit pressurisé largement vitré. Pour réduire les coûts de développement Junkers utilisa deux anciens prototypes du Ju-88. Représentant le troisième développement direct de cette famille d’avion, après le Ju-188, le nouvel avion reçut la désignation de Ju-288.
Le premier exemplaire de l’avion, désigné Ju-288V1, fut assemblé à la fin de cette même année 1940. Il se présentait sous la forme d’un monoplan à aile haute bimoteur disposant d’un cockpit vitré triplace proéminent. Si ses dimensions générales et son architecture rappelaient fortement son ancêtre il s’avérait qu’il s’agissait bien d’un avion nouveau. Le Ju-288V1 possédait un train d’atterrissage tricycle intégralement escamotable, y compris la roulette de queue. Son empennage double dérive permettait de stabiliser cette machine dont l’aile avait une envergure moindre que son prédécesseur, pour une propulsion pourtant plus puissante. Celle ci était assurée par deux moteurs en étoile BMW 801-MA d’une puissance unitaire de 1600 chevaux entraînant chacun une hélice tripale en métal. Niveau armement il disposait de deux mitrailleuses MG131 de 13mm tirant en position de chasse et de deux armes identiques dans une tourelle de queue automatisée. Sa charge de bombes, d’un maximum de trois tonnes, était installée dans le fuselage de section rectangulaire, dont la soute s’ouvrait grâce un complexe mécanisme. Le Junkers Ju-288V1 réalisa son premier vol en janvier 1941.
Bien qu’à cette époque là, l’Armée de l’Air ne représenta plus la moindre menace Hitler ordonna qu’on poursuive les travaux du Ju-288, et ce sur trois versions de bombardement différentes. Ainsi Junkers étudia les possibilités d’un Ju-288A de bombardement classique, d’un Ju-288B de bombardement nocturne, et d’un Ju-288C destiné à tirer le missile Henschel Hs-293. Pour ce faire l’avionneur se lança dans une vaste campagne d’essais en vol et assembla un total de 22 prototypes, désignés de Ju-288V1 à Ju-288V14 inclus, et de Ju-288V101 à Ju-288V104 inclus. Et cela ne concernait même pas le développement du Ju-288C dont les travaux devaient être menés par les équipes de Henschel. Pour ce faire Junkers envoya son vieux Ju-88V5 auprès de cet avionneur. Toutefois ce chantier ne déboucha sur rien et le développement du Ju-288C ne dépassa pas la planche à dessin. Le Ju-88V5 rejoignit son usine d’origine.
Les essais en vol des Ju-288 se déroulèrent jusqu’en juin 1943, époque à laquelle la Luftwaffe ordonna la fin des travaux et l’abandon de cet appareil. Pourtant la plus part des prototypes apportèrent leur lot d’innovation ou d’améliorations notable, et notamment dans le cadre des systèmes de visée de bombardement. En outre les principes de pressurisation furent largement modernisés. Malgré ces avancées technologiques le programme ne suscitait plus d’intérêt de la part des décisionnaires allemands, qui s’étaient peu à peu tournés vers d’autres avions comme l’Arado Ar-234 qui venait de réaliser son inaugural.
Avec son fantastique nombre de 22 prototypes le Junkers Ju-288 peut être considéré comme un des programmes aéronautiques les plus complexes et les plus onéreux de la Seconde Guerre Mondiale. Et même si chaque prototype vola, ce bimoteur reste dans les mémoires comme un véritable gouffre pour Junkers et la Luftwaffe. Le concept du Ju-288 déboucha sur l’un des rares bombardiers stratégiques allemands, le Junkers Ju-488.
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