Dans le cursus actuel de formation des futurs pilotes il existe une phase très particulière, et fortement méconnue : le vol à voile. Communément appelés planeurs les appareils de vol à voile sont caractérisés par leur absence de motorisation. Cette caractéristique pose un sérieux problème : l’impossibilité de décoller tout seul. Pour pouvoir s’élever dans les airs ces avions ont besoins depuis le début de tracteurs. Ces tracteurs peuvent aussi bien être de simples voitures, de petits sabots montés sur des systèmes hydrauliques similaires aux catapultes des porte-avions, ou bien encore des avions monomoteurs. En France l’Armée de l’Air a choisit cette dernière option et utilise depuis le milieu des années 60 un avion de tourisme modifié : le Jodel D-140 Mousquetaire, un avion que les aviateurs appelle l’Abeille.
A partir des années 50, l’avionneur français Jodel se hisse parmi les principaux constructeurs d’avions de tourisme en Europe. Reposant principalement sur le travail des ingénieurs Pierre Robin et Jean Delemontez, cette firme fabriqua quelques-uns uns des avions les plus fiables à cette époque, et notamment le biplace DR-100, un avion qui fut vendu aussi bien en Europe qu’en Amérique du Sud ou aux Etats-Unis. Le succès de cet avion fut tel que Jodel se lança dans l’étude et le développement d’une version quadriplace destiné aussi bien à des missions de tourisme, que pour les vols taxis, ou encore pour l’entrainement civil. Cette machine fut désignée D-140 (la lettre D rappelant l’initiale de son créateur Jean Delemontez) et se caractérisait par un moteur plus puissant que sur le DR-100.
Il se présentait sous la forme d’un monomoteur monoplan à aile basse cantilever présentant un double dièdre accentué. La cabine était prévue pour emporter un pilote et trois passagers, ou deux pilotes et un passager en option entrainement. Le train d’atterrissage fixe de l’avion était caréné sur les versions A, B, C, et E. Il disposait d’une verrière mobile. Le D-140 était construit entièrement en bois afin de réduire la masse au maximum. Le prototype effectua son premier vol le 4 juillet 1958.
Les ventes de l’avion commencèrent lentement, en partie à cause de la concurrence du Morane-Saulnier MS-880. En 1961, l’avionneur Jodel, bien que principal fournisseur français d’avions de tourisme déposa le bilan. Sa production fut cédée à deux avionneurs. D’un côté Avions Pierre Robin créée par Pierre Robin lui-même et de l’autre la Société Aéronautique de Normandie (SAN) conçue quant à elle par Delemontez. C’est cette dernière qui hérita des DR-100 et D-140. En 1965, la SAN se lança dans une version de remorquage de planeurs dotée d’un nouveau train d’atterrissage non-caréné, et d’une meilleur motorisation gagnant environ 15% de puissance par rapport aux précédentes versions. Les avions de remorquage de planeurs furent désignés D-140R.
Fin 1965, l’Armée de l’Air qui recherchait un nouvel avion d’entrainement au vol de base sans visibilité décida d’acquérir un lot de 18 D-140E. Les Mousquetaires entrèrent en service en décembre 1966. Rapidement, ils furent réaffectés au remorquage des planeurs et au suivi de ceux-ci lors des opérations de vol à voile. Bien qu’efficaces, les D-140E étaient un peu légers pour leur mission principale et furent donc rejoints en juin 1967 par un second lot, cette fois-ci de 20 D-140R. Du fait du léger bourdonnement causé par le moteur de l’avion, celui-ci fut rapidement surnommé Abeille par les militaires français. Ce sobriquet se répandit tellement vite que l’état-major français décida de nommer ainsi le D-140R et fit inscrire le nouveau patronyme de l’avion sur son empennage.
En 1969, la Société Aéronautique de Normandie fut liquidée, si bien que ses activités furent reprises par Avions Pierre Robin. C’est cette dernière entreprise qui remotorisa les 18 D-140E afin de les mettre au niveau des D-140R. Cependant les autres différences persistaient.
De nos jours, les 38 Abeilles volent toujours dans l’Armée de l’Air au sein des SAVV (Sections Aériennes de Vol à Voile) installées sur différentes bases : la BA 120 de Cazaux, la BA 126 de Solenzara, la BA 200 d’Apt, la BA 273 de Romorantin, la BA 278 d’Ambérieu, la BA 721 de Rochefort, la BA 722 de Saintes, et la BA 749 de Grenoble.
En outre, deux D-140R et un D-140E servent au sein de l’Ecole de Pilotage de l’Armée de l’Air 20/300, une unité qui intègre la mondialement connue Patrouille de France. Ces trois monomoteurs remplissent principalement des missions au profit des planeurs de démonstration de l’Armée de l’Air mais également pour l’entrainement et les liaisons.
Appareils discrets, missions fort peu médiatiques, les Jodel D-140 ne sont pas à proprement parler des avions habitués aux feux de la rampe. Toutefois sans leur présence dans l’arsenal français la formation des futurs pilotes, aussi bien ceux destinés à voler sur Dassault Rafale que ceux appelés à prendre les commandes d’un Casa CN-235M, serait moins riche, et donc moins pointue.
Les D-140 sont, avec les Boeing C-135FR Stratotanker, les avions les plus anciens encore en service dans l’Armée de l’Air.
Outre l’Armée de l’Air, le Centre d’Essais en Vol utilisa de 1968 à 2005 six D-140B pour des missions de liaisons, d’entrainement et de soutien opérationnelle. En dehors de la France, aucun D-140 n’a été vendu pour une utilisation militaire.
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