L’industrie aéronautique est née en Asie durant l’entre-deux-guerres grâce au Japon mais a dû attendre les années 1950 et des pays comme la Chine et l’Inde pour s’étendre. Aujourd’hui la plus part des nations asiatiques s’essayent ou se sont essayés à la conception et à la construction d’aéronefs, parfois avec beaucoup de réussite et parfois sans aucune. L’Indonésie n’y fait pas exception, s’étant notamment fait la main sur l’assemblage sous licence locale d’hélicoptères allemands et français et d’avions de transport espagnols. Pourtant son industrie aéronautique a tenté de s’implanter sur le très compétitif marché des avions commerciaux à vocation régional. Son Indonesian Aerospace N250 Gatotkaca fut pourtant un échec retentissant.
Fort de son expérience dans la construction locale du Casa C-212 Aviocar et de son partenariat autour du consortium Airtech l’avionneur indonésien IPTN s’est cru capable à la toute fin des années 1980 de voler de ses propres ailes. Cependant il y a une grosse différence entre concevoir en commun avion de transport tactique comme le CN-235 et lancer seul la conception et l’usinage d’un avion de ligne régional à même de concurrencer les BAe ATP et Fokker F60 alors assez bien en place sur le marché mondial.
Surtout sans alors trop en mesurer les conséquences l’avionneur asiatique allait se heurter à deux mastodontes du marchés, alors en devenir : l’Aérospatiale-Alenia ATR 72 et le De Havilland Canada Dash 8-300. Tout portait alors à croire que les avions franco-italiens et canadiens n’allaient faire qu’une bouchée de ce trouble-fête venu d’Indonésie.
De son côté l’avionneur espagnol Casa observa le développement du nouvel avion, désigné IPTN N-250, avec un certain intérêt. L’avionneur espagnol y voyait une occasion de rejoindre un marché où il était absent.
Initialement l’IPTN N-250 devait être un très ambitieux avion pour soixante places doté de deux turboréacteurs à soufflantes non carénées General Electric GE.36. C’est sous cette forme qu’il fut révélé au Salon du Bourget de juin 1989.
Ce type de propulseur alors totalement révolutionnaire venait de voler quelques mois auparavant depuis un avion de ligne biréacteur McDonnell-Douglas MD-80 spécialement modifié. Appelé propfan par les anglophones il était appelé à remplacer dès le début du 21e siècle les turbopropulseurs en permettant un gain de vitesse de 20 à 25% moyennant une augmentation de la consommation en carburant inférieur à 10%. L’avionneur IPTN comptait bien surfer sur la vague de ce nouveau type de motorisation en proposant le premier avion régional à propfan. Il annonça même des partenariats possibles avec des entreprises américaines et britanniques.
De leur côté les avionneurs de la concurrence ne croyaient que très peu à ces turboréacteurs à soufflantes non carénées qu’ils jugeaient en réalité trop fragiles et trop complexes pour être réellement efficace. Ils continuaient de faire confiance aux turbopropulseurs.
En 1993 les échecs dans le développement du propfan obligèrent les responsables d’IPTN à changer leur fusil d’épaule et à se tourner plus classiquement vers un turbopropulseur. Après avoir envisagé un accord avec Pratt & Whitney et même avec Turboméca il se tournèrent vers Allison et son AE 2100. Ce turbopropulseur motorisait alors le Saab 2000 en cours de développement et appelé à partager le même segment de marché que le N-250.
Alors que l’assemblage du prototype PA-1 avait été lancé les responsables de l’avionneur signèrent en mai 1995 un protocole d’accord avec le gouverneur de l’état américain de l’Alabama afin qu’une chaîne d’assemblage du N-250 soit inauguré à Mobile. IPTN promettait alors la création de 500 emplois industriels dans la région, une véritable aubaine pour la ville déjà connue pour accueillir d’autres entreprises liées au domaine aérien. Le quatrième prototype, ou PA-4, devait contractuellement y être assemblé.
Quelques jours seulement après cette signature le N-250 PA-1 réalisa ses premiers essais de roulage.
Extérieurement l’IPTN N-250 se présentait sous la forme d’un avion de construction mixte en métal et matériaux composites. D’architecture très académique il possédait une voilure haute, un empennage en T doté d’une arête centrale effilée, et un train d’atterrissage tricycle escamotable. Le nez arrondi de l’avion terminait de donner l’impression qu’il avait été clairement copié sur les avions du consortium franco-italien ATR. L’avion était donné pour une capacité de cinquante places pour un équipage commerciale de deux à trois membres en plus du pilote et du copilote. Le poste de pilotage faisait largement appel aux écrans LCD.
Son premier vol eut lieu le 10 août 1995.
Très rapidement l’avion intrigua. Capable de voler à près de 645 kilomètres heures en croisière à 5200 mètres d’altitude sur une distance de 900 kilomètres il se présentait désormais comme un sérieux concurrent pour les avionneurs européens et nord-américains.
Quand certains mirent en doute la fiabilité du programme IPTN leur répondit à Noël 1996 par le premier vol du PA-2. Celui-ci préfigurait le N-250-100 à fuselage rallongé prévu pour accueillir entre 60 et 66 passagers sur une distance de 1100 kilomètres à une vitesse de croisière moyenne de 625 kilomètres heures. Tout portait alors à croire que l’avion allait marquer son temps.
D’autant que des options d’achat furent enregistrées auprès de compagnies aériennes américaines enregistrées en Alaska, au Texas, et dans le Wisconsin. Des compagnies indonésiennes et pakistanaises en firent de même.
Malheureusement pour le N-250 la crise économique asiatique de juillet 1997 passa par là. La confiance des investisseurs s’étiola. Le gouvernement indonésien dut faire face et nationalisa intégralement IPTN en lui donnant la nouvelle raison sociale d’Indonesian Aerospace. Les nouveaux dirigeants de l’aéronautique indonésienne croyaient cependant encore dans les chances de l’avion région. Ils firent cependant le choix de le renommé N250 Gatotkaca, du nom d’un célèbre personnage issu de la mythologie hindoue.
L’avion fit sa première apparition, de manière logique, au Salon du Bourget 1997. C’est en effet là qu’il avait été révélé huit ans auparavant. Mais déjà l’Indonesian Aerospace N250 Gatotkaca n’impressionnait plus, malgré une série de démonstrations très réussie. Les investisseurs internationaux savaient dorénavant que le projet d’usinage aux États-Unis était tombé à l’eau et que les options n’avaient pas été concrétisées. Même le transporteur indonésien Garuda, pourtant porte-étendard du pays dans le monde, avait renoncé à son option pour trente avions.
Dans le même temps les ATR-72 franco-italiens et Dash 8 canadiens engrangeaient les commandes se partageant le marché mondial.
En 1999 le fond monétaire international apporta à l’Indonésie une aide de 43 milliards de dollars US. Parmi les conditions exigées il y avait la fin des subventions de l’état au développement de l’Indonesian Aerospace N250 Gatotkaca dont les experts internationaux doutaient désormais très sérieusement de l’avenir. Après 1400 heures de vols les deux prototypes furent donc immobilisés au début de l’année 2000. Sans subvention de l’état le programme était à l’abandon.
À l’été 2017 le consortium RegioProp tenta de relancer le programme N250 Gatotkaca sous la désignation de R-80. Il prévoyait un premier vol du prototype entre le second semestre 2020 et le premier trimestre 2022. C’était alors compter sans la crise pandémique du Covid-19 qui ruina tous leurs espoirs. Le programme R-80 fut finalement enterré en janvier 2020 alors même que l’avion n’avait pas dépassé le stade de la maquette de bureau.
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