Née quelques jours seulement après l’Armistice du 11 novembre 1918 la Yougoslavie chercha très rapidement à unifier son industrie autour de l’aéronautique, et en particulier des hydravions. Réunissant aussi bien des entreprises jusque là croates autant que serbes celle ci se lança dans divers programmes plus ou moins ambitieux, à l’image de celui qui allait donner naissance dans les années 1920 aux deux premiers hydravions à coques à vocation militaire développés dans le pays : les Ikarus SM et IO.
Transfuge des usines allemandes de Rumpler l’ingénieur Josef Mikl rejoignit la société d’état Ikarus en 1920 en qualité de chef de recherches. Durant la Première Guerre mondiale il s’était fait un nom en travaillant sur divers programmes comme le chasseur Rumpler D.I produit en petite série ou encore le célèbre bombardier Rumpler G.III. Aux vues des faibles moyens financiers d’Ikarus il représentait une prise de choix vis-à-vis des grands avionneurs britanniques et français. Dans ses bagages l’ingénieur avait notamment le projet d’un hydravion de reconnaissance côtière qu’il avait initialement pensé pour les besoins austro-hongrois. Il le proposa aux autorités yougoslaves qui lui demandèrent alors de revoir sa copie afin d’en faire une machine d’entraînement intermédiaire et avancé.
La marine royale yougoslave avait alors besoin d’une telle machine.
L’hydravion à coque fut donc construit sous la désignation d’Ikarus SM, pour Skolski Mornaricki. C’est à dire école navale dans la langue de Molière. Pourtant dans un coin de sa tête Josef Mikl gardait espoir d’en dériver une version armée. Extérieurement le SM se présentait sous la forme d’un hydravion à coque construit en bois entoilé et contreplaqué avec éléments caoutchoutés. Sa coque a simple redan avait été pensé pour permettre des déjaugeages et des amerrissages sur des plans d’eau peu agités. La voilure était du type biplan d’envergure inégale tandis que l’élève pilote et son instructeur prenaient place dans un poste de pilotage côte à côte à l’air libre. Le SM n’emportait aucun armement. Afin de l’animer Ikarus sélectionna le moteur Mercedes D.II allemand disponible en grand nombre au titre du dommage de guerre. C’était le même qui durant la Grande Guerre avait animé l’avion de reconnaissance Albatros B.I ou encore le chasseur Halberstadt D.II. Ce moteur à six cylindres en ligne d’une puissance de 100 chevaux était réputé très fiable. C’est le 10 novembre 1924 que l’Ikarus SM déjaugea pour la première fois. Ce vol inaugural dura un peu moins d’une heure. Immédiatement quarante exemplaires de série furent commandés faisant de cette machine le premier hydravion construit en série en Yougoslavie.
Les premières machines entrèrent en service en mars 1925. Au trentième exemplaire de série le moteur Mercedes D.II laissa la place à un D.IIa légèrement plus puissant. Désormais l’Ikarus SM développait 130 chevaux, ce qui augmenta son autonomie d’environ 25%. Très vite l’hydravion d’entraînement se tailla une réputation d’appareil efficace, agréable à piloter, et pardonnant beaucoup les erreurs des jeunes apprentis pilotes. Une dizaine de SM fut embarquée à divers moment des années 1920-1930 à bord de navires de guerre yougoslaves, permettant ainsi de parfaire la formation des élèves.
Sur fonds propres et afin de satisfaire à une exigence de Josef Mikl qui menaçait de démission s’il n’obtenait pas gain de cause l’avionneur yougoslave accepta de développer le prototype d’une version légèrement agrandie du SM. Baptisée IO, pour Izvida Obalni, reconnaissance côtière en français, celle-ci était animée par un moteur américain à douze cylindres en V Liberty L-12 d’une puissance nominale de 400 chevaux. Ne croyant que très moyennement à une telle machine et regardant déjà ce qui se faisait alors en France, en Grande Bretagne, et en Italie la marine royale yougoslave accepta cependant de l’essayer. Son premier vol intervint le 8 septembre 1926 devant un aréopage d’officiers et d’ingénieurs. Reprenant strictement l’architecture du SM mais avec des dimensions légèrement supérieures cet IO représentait en fait une excellente opportunité pour Belgrade. Trente-six exemplaires en furent commandés, entrant en service à l’été 1928.
Outre les dimensions modifiées et le nouveau moteur l’Ikarus IO se différenciait du SM par son poste de pilotage triplace en tandem et son armement. Une mitrailleuse Vickers de facture britannique de calibre 7.7 millimètres et une charge offensive de 250 kilogrammes, comprenant bombes et charges de profondeur, offraient à l’hydravion une véritable capacité opérationnelle. Avec lui la marine royale yougoslave entrait dans une nouvelle dimension. Les vingt derniers IO produits le furent avec un moteur français Lorraine Dietrich-12Db de même architecture et de même puissance que le Liberty L-12 mais jugé plus efficace en condition maritime. Il résistait mieux aux embruns ! De même la mitrailleuse Vickers laissa place en 1931 à une Darne française de calibre 7.5 millimètres, pourtant globalement jugée moins efficace. En fait les munitions françaises étaient moins chères que celles produites en Grande Bretagne.
Si les Ikarus IO restèrent en service jusqu’en mars 1939, retirés du service cas devenus dépassés, les SM y demeurèrent encore vingt-cinq mois, jusqu’en avril 1941. Au moins un exemplaire de ce dernier fut d’ailleurs saisi par la Regia Aeronautica qui l’essaya et le considéra comme encore très efficace malgré son âge désormais avancé et son architecture d’un autre temps.
Globalement les deux hydravions à coque conçus par Josef Mikl étaient de bonnes machines. Ces Ikarus SM et IO sont pourtant retombés dans l’oubli après la Seconde Guerre mondiale, malgré leur intérêt historique indéniable. Il n’en reste plus rien aujourd’hui.
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