Durant les années d’après-guerre l’industrie aéronautique britannique tenta de conserver son avance sur ses concurrents européens. Celle-ci datait des années de la Seconde Guerre mondiale. C’est ainsi que les avionneurs et hélicoptéristes de Grande Bretagne se lancèrent dans plusieurs programmes plus ou moins ambitieux. À l’image de ce qui existait outre-Atlantique avec les X-planes les Britanniques lancèrent plusieurs études d’aéronefs qui étaient de purs bancs d’essais, sans volonté de construction en série. L’un des plus célèbres demeure le laboratoire volant Hunting Percival H.126.
Dans le courant des années 1950 l’état-major de la Fleet Air Arm se rendit compte que ses chasseurs embarqués subsoniques peinaient à apponter à basse vitesse sans décrocher. En fait si l’industrie aéronautique britannique maîtrisait parfaitement la conception de chasseurs à réaction depuis la Seconde Guerre mondiale, et plus particulièrement depuis le Gloster Meteor, la question des risques de décrochages à faible vitesse lui avait toujours posé des problèmes. Or elle envisageait désormais de développer des chasseurs bisoniques, c’est à dire conçus pour permettre des vols à deux fois la vitesse du son. Paradoxalement sur de tels avions l’études des basses vitesses était plus que nécessaire : il était primordiale.
Déjà depuis plusieurs années les ingénieurs et physiciens du NGTE, le National Gas Turbine Establishment, étudiait le soufflement des volets de voilures. Jusque là leurs travaux étaient très théoriques, se limitant à quelques essais sur des maquettes mais rien à grande échelle. Le gouvernement britannique décida de changer cela.
Une demande fut envoyé à plusieurs avionneurs afin de proposer un banc d’essais pour un tel programme. Celui-ci n’ayant aucune raison de déboucher sur une production en série synonyme de rentrées financières les avionneurs ne se bousculèrent pas aux portillons.
Finalement c’est Hunting Percival qui se vit charger de développer l’avion. Celui-ci reçut la désignation de H.126.
Afin de minimiser les coûts de développements du prototype des éléments furent prélevés sur des avions et hélicoptères existant déjà. Une partie du fuselage et du poste de pilotage provenaient d’un jet d’entraînement Hunting Percival P.84 Jet Provost, les jambes arrière du train d’atterrissage provenaient d’un Westland Wessex, et certains éléments d’avionique furent prélevés sur un Douglas Dakota C Mk-1 réformé.
Pour le reste le Hunting Percival H.126 était un concentré de haute technologie de l’époque. La propulsion fut confiée à un réacteur Bristol-Siddeley Orpheus tandis que les ingénieurs du NGTE fournissaient les éléments de soufflement d’air de la voilure haute de l’avion.
Seize buses furent installées le long des bords de fuites de voilures, à proximité immédiate des volets. Celles-ci sont alimentées par la moitié des gaz rejetés à haute chaleur par le réacteur. Quatre autres buses ont été installées deux par deux en bout d’ailes et récupèrent un dixième des gaz. Elles permettent ainsi de stabiliser le H.126 en lacet, roulis, et tangage lors des phases à basse vitesse.
Au final seuls environ 40% des gaz du réacteurs sont réellement éjectés par les deux tuyères du réacteur. Ça peut sembler très peu pour un avion à réaction mais pas dans le cas du H.126 qui n’est pas appelé à voler à grande vitesse, mais au contraire à des vitesses très basses, des vitesses à la limite du décrochage.
L’avion ayant un fort risque de s’écraser à chacun de ses essais en vol Hunting Percival fait installer dans le poste de pilotage un siège éjectable alors même que celui-ci n’était pas prévu dans le cahier des charges initial.
Le contrat prévoit une phase d’essais en deux temps. Les tests statiques et le roulage chez Hunting Percival puis le vol inaugural et les essais en vol au Royal Aircraft Establishment.
Assemblé à l’été 1962 il ne débute ses essais sur routes qu’en novembre de la même année. Transféré par la route jusqu’au RAE au début de l’année 1963 il y réalise son premier vol en date du 26 mars de la même année.
Et clairement en vol le prototype n’a rien d’un plaisir à prendre en main. Son pilote est placé très haut sur un avion particulièrement instable. Entre le printemps 1963 et l’été 1967 le Hunting Percival H.126 réalise 102 vols d’essais durant lesquels il lui arrive fréquemment de se poser avant de redécoller.
À cette époque les essais sont devenus purement théoriques puisque la Fleet Air Arm a décidé de se passer des enseignements de cet avion. Elle a tourné le dos à des avions embarqués classiques de facture britannique pour se tourner vers les aéronefs à décollages et atterrissages verticaux. Elle est partie prenante dans le programme du révolutionnaire Hawker-Siddeley P.1127 Kestrel.
Pour autant les autorités britanniques continuent à s’intéresser aux approches à basse vitesse. Lors d’un de ses essais au début du printemps 1967 le H.126 atteint la vitesse basse de 71 kilomètres heures. On pense alors à un record mais quelques jours plus tard il l’abaisse à 52 kilomètres heures. Jamais le H.126 ne descendra plus bas.
Par la suite l’avion fut transporté par avion-cargo jusqu’aux États-Unis où la NASA l’essaya, principalement en soufflerie et au sol.
Depuis 1971 le seul et unique Hunting Percival H.126 est préservé comme pièce de musée au RAF Museum de Cosford en Angleterre. Conçu à la demande de la Royal Navy ce avion offrit des enseignements qui paradoxalement servirent surtout dans le domaine civil, au travers d’avions de ligne plus ou moins réussis comme le BAC One-Eleven, le Hawker-Siddeley HS.121 Trident, ou encore le supersonique Sud Aviation-BAC Concorde.
Quand il fut révélé auprès de la presse spécialisée le H.126 fut surnommé : «the big yellow beast», soit la grosse bestiole jaune en français.
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