Des formations de Bell AH-1G Cobra d’attaque au sol accompagnés de Hughes OH-6A Cayuse d’observation et de Bell UH-1D Iroquois d’assaut et d’appui survolent des rizières durant la seconde moitié des années 1960. C’est presque devenu une image d’Épinal de la guerre du Vietnam, entre autre grâce au film Apocalypse Now réalisé par Francis Ford Coppola. Pourtant les pilotes et copilotes de ces appareils de l’US Army ont tous en commun d’avoir été formé sur le même hélicoptère d’entraînement, une machine fort simple mais ô combien fort bien pensée et robuste : le Hughes TH-55 Osage.
C’est sur fonds propres et sous des visées commerciales que l’histoire de cet hélicoptère commença. En 1955, les dirigeants de la société Hughes lancèrent le programme d’un hélicoptère léger biplace destiné aussi bien au travail aérien qu’à la formation des futurs pilotes. Désigné Model 269 ce nouvel appareil devait être le plus simple et le plus robuste possible.
De ce fait l’architecture générale du Hughes Model 269 n’était pas des plus originales. Biplace côte à côte, il possédait un cockpit en forme de bulle largement vitré qui n’était pas sa rappeler celui du Bell 47. Comme ce dernier le nouvel hélicoptère était mu par un moteur à pistons, un Lycoming O-360-A de 180 chevaux actionnant un rotor principal à trois pale, et possédait deux patins d’atterrissage assez rudimentaires. Cependant la poutre de queue était d’un type assez nouveau puisqu’elle ressemblait à un simple tube d’acier à l’extrémité de laquelle était fixé le rotor anti-couple bipale. C’est dans cette configuration que son prototype vola le 2 octobre 1956.
Lors des essais en vol plusieurs modifications furent demandées, telle l’installation d’une dérive verticale placée sous la queue du Hughes Model 269 et permettant de stabiliser l’hélicoptère lors de certaines évolutions à basse et très basse altitude. De même les ingénieurs étudièrent une possibilité de proposer le nouvel appareil dans une version quadricycle, à la manière de l’Alouette II française. Cependant, les coûts engendrés auraient fait beaucoup trop grimper le prix de vente et le projet fut abandonné. Le Hughes Model 269 allait demeurer avec ses patins d’atterrissage.
En 1958, les militaires américains commencèrent à s’intéresser à l’appareil lorsqu’ils l’essayèrent sous la désignation de Hughes YHO-2 dans le cadre d’un programme visant à la dotation d’un nouvel hélicoptère d’observation et de reconnaissance à vue pour les besoins de l’US Army. Le Model 269 était alors en compétition avec le SNCASO SO.1221 Djinn français et le Brantly B-2 américain respectivement désignés YHO-1 et YHO-3. Si le troisième fut rapidement éliminé la lutte fut âpre avec le Djinn. Néanmoins aucun ne fut commandé et le programme annulé, principalement pour des raisons budgétaires. Les cinq Hughes YHO-2 furent stockés par l’US Army tandis que les SNCASO YHO-1 furent rendus à la France.
En 1963, l’US Army lança un nouveau concourt visant au remplacement des Bell TH-23 Sioux d’entraînement basique et intermédiaire. Il s’agissait alors de proposer un appareil capable de préparer au mieux les futurs pilotes. En fait ce programme avait été pensé ab initio pour le Hughes Model 269. Un total de 792 exemplaires fut commandé par le Pentagone pour les besoins de l’armée américaine. Il faut dire qu’à cette époque elle gérait également la formation initiale des futurs pilotes d’hélicoptères de l’US Air Force et dans une certaine mesure de l’US Navy, de l’US Marines Corps, et de l’US Coast Guard.
C’est sous la désignation TH-55 Osage que le Hughes Model 269 entra en service dans l’US Army en 1964. Il fallut cinq années à l’armée américaine pour disposer de sa pleine dotation. Rapidement les petits hélicoptères biplaces rouges devinrent familiers sur les bases américaines, y compris en Europe où ils formaient les futurs pilotes des forces alliées des États-Unis. Une politique d’utilisation étrangère qui eut pour effet de faire du Model 269 un véritable succès à l’export. À partir du début des années 1970 seuls les stagiaires de l’US Army et de l’US Air Force furent formés sur Osage, l’US Navy ayant reçu ses premier Bell TH-57A Sea Ranger.
En effet, des Hughes Model 269, mais également des TH-55A Osage, furent livrés aux forces algériennes, brésilienne, honduriennes, japonaises, kenyanes, nicaraguyennes, paraguayennes, suédoises, taïwanaises, et thaïlandaises. Dans la très grande majorité ces appareils servirent à la formation même si certains volèrent également comme hélicoptère de liaisons mais de manière plus marginale.
En 1967, Hughes présenta le Model 300 légèrement plus puissant puisque développant 193 chevaux. Là encore ce fut un succès puisque de nombreux exemplaires furent vendus à des clients civils et militaires de par le monde. C’est ainsi que de tels appareils volèrent sous les cocardes argentines, colombiennes, costariciennes, espagnoles, ghanéennes, grecques, haïtiennes,indiennes, indonésiennes, irakiennes, iraniennes, mexicaines, nigérianes, nord-coréennes, péruviennes, salvadoriennes, sieralénonnaises, suédoises, taïwanaises, thaïlandaises, et turques. Il n’est pas rare que des utilisateurs de Model 269 ou de TH-55 fassent appel également au Model 300, à l’exception bien sûr de l’US Army.
Il est à noter que les Hughes 269 étaient désignés HKp 5 dans la nomenclature suédoise tandis que les Hughes 300C espagnols reçurent eux la désignation de HE.20. Il furent remplacés par respectivement les MBB HKp 9 et les Eurocopter HE.25.
Hélicoptère discret de par sa mission de servitude le Hughes TH-55 Osage vola sous les couleurs américaines jusqu’en 1988. Cette année là il fut remplacé par le Bell TH-1H Iroquois, en attendant l’arrivée des premiers TH-67A Creek prévu cinq ans plus tard.
Cependant à l’époque l’Osage était considéré comme obsolète pour permettre de former les futurs pilotes de McDonnell Douglas AH-64A Apache.
Lorsqu’en 1983 la société Hughes fut rachetée par McDonnell Douglas la licence de production du Model 300 fut cédé à Schweizer, une société jusque là spécialisée dans la conception et la production de planeurs et de motoplaneurs, qui construisit l’appareil. Elle lui donna même un successeur sous la forme du Model 330 quadriplace. Ce dernier se transforma peu à peu en Model 333 avant de devenir Sikorsky S-333 en 2009 lorsque le célèbre hélicoptériste, désormais filiale de Lockheed-Martin, racheta les actifs de Schweizer.
Il est à noter que le Schweizer Model 330 servit de base de travail à Northrop-Grumman pour développer le drone embarqué MQ-8 Fire Scout.
Si en 2017 plusieurs centaines de Hughes Model 269 et Model 300 volent encore dans le monde, c’est aussi vrai pour les TH-55 Osage mais bien entendu à une plus petite échelle.
C’est la preuve qu’aussi rustique et peu évoluée que soit la conception de cette machine elle reposait aussi sur un trait de génie, la démonstration qu’il n’est parfois pas utile de faire compliqué pour faire réussi.
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