La guerre aérienne menée par les États-Unis au Vietnam dans les années 1960 et jusqu’au milieu des années 1970 fut une des plus riches en enseignements et doctrines de son histoire. Durant ce conflit elle utilisa des machines très différentes des plus rudimentaires tels les Cessna O-1C Bird Dog d’observation aux plus complexes et modernes à l’image des hélicoptères de combat Bell AH-1G Cobra ou encore des chasseurs-bombardiers McDonnell F-4E Phantom II.
Parmi les avions dont l’histoire est intimement liée à cette période figure un surprenant petit monomoteur de liaisons et de transport léger dont les missions furent bien souvent des plus obscures : le Helio U-10 Courier.
En 1947 l’avionneur Helio, alors peu connu, décida de concevoir une machine de tourisme et de transport léger destiné aux nombreux aéroclubs américains. Cependant pour se démarquer de ses concurrents, et notamment Beechcraft et Cessna, ses dirigeants prirent le parti de développer un avion aux capacités d’atterrissages et de décollages courts accrues. Le nouvel appareil devait donc disposer d’une voilure spécialement dessinée.
Une équipe d’ingénieurs fut créée autours notamment d’Otto Koppen un des plus célèbres concepteurs d’avions civils américains des années 1930 et 1940. Il était entre autre le père des fameux avions de ligne Ford Trimotor ou encore de l’avion de tourisme General Aircraft Skyfarer, une des rares machines du genre conçu dans un but civil durant la Seconde Guerre mondiale.
Au lendemain de la guerre Koppen avait conçu une version ADAC du célèbre Piper Cub qui devait déboucher sur le très réussi PA-15 Vagabond.
Il était donc l’homme de la situation.
Koppen et son équipe ne mirent pas longtemps à développer l’aile du futur avion, mais également un surprenant train d’atterrissage renforcé très flexible permettant d’absorber l’impact lors de l’atterrissage. Pour le reste le nouvel avion reprenait une architecture ultra-classique pour l’époque avec son aile haute, sa cabine fermée, sa construction métallique, et son empennage traditionnel. Celui-ci avait pourtant été sensiblement agrandi.
L’avion reçut la désignation de Helio H-291. Son premier vol intervint le 14 avril 1949.
Sensiblement plus cher à l’achat que les avions des trois grands spécialistes de l’époque en matière d’aviation de tourisme (Beechcraft, Cessna, et Piper) le Helio H-291 ne rencontra pas immédiatement le succès escompté. Tout au plus quelques exemplaires étaient achetés ça-et-là.
Son constructeur eut alors l’idée de proposer sa machine comme une alternative aux avions de brousse de l’époque, tels le De Havilland Canada DHC-2 Beaver. Pour cela le H-291 fut proposé avec des skis ou bien entendu des flotteurs. Le succès arriva, notamment d’Alaska et du Canada.
Cependant les commandes demeuraient privées, l’avion ne suscitant aucun intérêt de la part des militaires.
Il fallut attendre presque dix ans pour qu’enfin le Pentagone daigne s’intéresser à lui. En 1958 une mission d’achats ultra-secrète composés de militaires de l’US Air Force et d’espions de la CIA commença à étudier la possibilité d’achat du H-291. Il s’agissait d’acquérir un avion de liaison apte aux opérations spéciales, telles le largage de parachutistes en tout petit nombre loin derrière les lignes ennemies ou encore la guerre psychologique. L’idée était bien entendu à cette époque d’employer les monoplans Helio le long de la frontière avec le bloc communiste.
Le déclenchement de la guerre du Vietnam allait grandement changer la donne.
Une première commande fut passée en 1960 pour vingt-huit avions désignés Helio L-28A Courier. Cependant en septembre 1962 après la livraison du deuxième avion la lettre « L » disparut de l’organigramme aérien américain au profit de la lettre « U ». Le L-28A devint donc U-10A, le patronyme de Courier ne changea pas.
Les premiers Helio U-10A firent leur apparition au-dessus du Vietnam en décembre 1962.
Rapidement ces monoplans à l’allure anodine furent engagés dans toutes les opérations spéciales où l’US Army et l’US Air Force avaient besoin d’envoyer discrètement des commandos derrières les zones tenues par le Vietminh. Bien que frêles, lents, et désarmés les Helio U-10A ne furent pas particulièrement pris pour cible par la DCA ennemie. Cependant les besoins en avions de ce genre étaient énormes. Leur rayon d’action les rendait bien plus efficaces pour les missions longues distances que les hélicoptères de l’époque, y compris les lourds Boeing-Vertol CH-47A Chinook alors en cours de déploiement.
En 1964 une cinquantaine de U-10B et une trentaine de U-10D furent également produits. Les premiers avaient la particularité de disposer d’une porte de chargement plus grande permettant l’accueil de parachutistes lourdement équipés, tandis que les seconds pouvaient tirer des roquettes Zuni de 127mm emportées sous les ailes à l’intérieur de paniers quadruples. Ces armes pouvaient notamment servir à l’appui rapproché ou au marquage de cibles aériennes dans le cadre de missions de contrôle aérien avancé. Dans ce dernier cas les ogives des roquettes étaient garnies de phosphores en lieu et place des charges militaires.
Il est à noter que la désignation U-10C ne fut jamais portée par des avions de l’US Air Force mais par deux Helio H-291T acquis par la Civil Air Patrol et utilisés entre 1963 et 1980 pour des missions de soutien logistique.
Les Helio U-10 Courier furent employés par l’US Army et l’US Air Force durant toute la guerre du Vietnam, souvent aux profits des forces spéciales américaines parfois aussi à ceux de la CIA.
Il est à signaler qu’une dizaine de Helio H-295, identiques aux U-10D, furent utilisés par la « compagnie aérienne » Air America pour des vols de liaisons et de transport léger au-dessus de toute l’Asie du sud-est entre 1965 et 1976. Ces avions étaient servaient au profit de la CIA et des autres agences américaines de renseignement, tant civiles que militaires.
Quelques Helio H-291 et H-295 furent vendus à des forces aériennes étrangères, notamment à deux bantoustans, en Italie, et au Pérou. La Thaïlande utilisa également quelques avions de ce type, d’anciens U-10A et U-10B de l’US Air Force.
Helio a également conçu deux versions dérivées, le U-24 Stallion à turbopropulsion, et l’étrange petit bimoteur U-5A Twin Courier utilisé en petite série par la CIA pour des missions d’infiltrations et d’exfiltrations d’agents.
En 2018 il semble que plus aucun Helio Courier ne volaient sous une quelconque cocarde.
En savoir plus sur avionslegendaires.net
Subscribe to get the latest posts sent to your email.