A partir de l’été 1941 la maîtrise du ciel en Europe revint à la Royal Air Force. Néanmoins il existait un domaine où la Luftwaffe conservait un certain avantage : la chasse de nuit. Malheureusement pour Goering les groupes de chasse nocturne ne disposaient pas d’avions réellement adaptés à cette technique, tout juste des chasseurs lourds Zerstorer transformés pour recevoir des radars. Mais un homme en Allemagne voulait changer tout cela : Kammhuber, un général de la Luftwaffe, proche d’Adolf Galland. Kammhuber voulait doter l’Allemagne d’une véritable force de défense nocturne. Il chargea trois avionneurs de concevoir un véritable chasseur de nuit : Arado, Focke-Wulf et Heinkel. Le premier proposait un monomoteur tandis que le deuxième et le troisième présentaient chacun un bimoteur. Celui de Heinkel était issu de son prototype 1064 rejeté quelques temps plus tôt dans le cadre d’un chasseur-bombardier polyvalent. Rapidement le RLM donna la priorité à ce dernier projet. Et la RAF allait découvrir un véritable cauchemar.
En fait la genèse du nouvel avion commença une année plus tôt quand les ingénieurs de Heinkel travaillèrent sur un programme d’avion multirôle de chasse et d’attaque, susceptible de servir au torpillage. Malgré de bonnes qualités de vol et une stabilité hors du commun l’avion fut refusé par la Luftwaffe pour des raisons idéologiques. Sa conception faisait appel à un nouveau type de train d’atterrissage tricycle, inconnu en Allemagne mais répandu aux Etats-Unis, et cela empêcha l’avion d’être choisit par les chefs nazis. Mais Kammhuber allait changer tout cela.
L’apparition dans les cieux européens des chasseurs de nuit De Havilland Mosquito de la RAF était en train de changer l’équilibre des forces dans les combats nocturnes. La Luftwaffe devait réagir très rapidement et elle commanda à Heinkel un premier prototype issu directement du projet 1064. Le nouvel avion, désigné He-219V-1, se présentait comme un monoplan bimoteur biplace. Le cockpit avait la particularité d’être du type tandem dos-à-dos. L’opérateur radar, en place arrière, disposait d’une mitrailleuse mobile, tandis que le pilote disposait en position chasse de quatre canons de 20mm. Les ailes disposaient de volets à fentes, et d’une échelle rétractable. Un véritable progrès ergonomique pour l’époque. Le He-219V-1 vola pour la première fois le 15 novembre 1942.
Le Heinkel He-219 fut immédiatement baptisé Uhu (hibou) par la Luftwaffe, rappelant ainsi sa mission nocturne. Le RLM demanda à l’avionneur de simplifier les désignations des appareils, Heinkel ayant prévu 29 types différents d’armements. Les essais se poursuivirent jusqu’en janvier 1943 avec quatre prototypes. A cette date la Luftwaffe, sur l’insistance du général Kammhuber, commanda un premier lot de 127 machines. Malgré cela, l’état-major de la Luftwaffe était encore hostile à l’avion de Heinkel et le mit en compétition face à des versions modifiées des Dornier Do-217 et Junkers Ju-88. Rapidement le Uhu se montra très supérieur à ses concurrents.
Non loin des Pays-Bas, dans la nuit du 11 au 12 juin 1943 un He-219 du groupe de chasse de nuit I./NJG1, en patrouille, attaqua un box de bombardiers Boeing B-17 de la Royal Air Force. Cinq quadrimoteurs furent abattus par le pilote et son opérateur radar. L’avion disposait d’un radar Lichtenstein C1, issu du FuG-202 emporté par les Messerschmitt Bf-110, les bombardiers que remplacèrent les Uhu. Il s’agissait là de la première sortie opérationnelle d’un He-219. Dans les deux semaines qui suivirent les avions de ce même groupe abattirent un total de 21 avions de la RAF dont six Mosquito, des chasseurs plus rapide que le Uhu. Devant ces remarquables résultats la Luftwaffe reconnu les excellentes qualités du He-219.
Elle passa alors une nouvelle commande pour cette fois-ci 400 exemplaires de diverses séries. La situation en Allemagne devenait critique, les vagues de bombardiers de la RAF et de l’US Army Air Force mettaient à mal la machine économique nazie. C’est alors que Heinkel sortit des chaînes un des versions les plus surprenantes du Uhu, le He-219A-5 doté de deux sièges éjectables. Il disposait en outre de deux radars Lichtenstein C1 et SN2. Son armement comportait deux canons de 30mm, surnommés Schräge Musik, braqués à 65° et montés à l’arrière du fuselage. Cet armement très particulier permettait de tirer sur les bombardiers alliés par en dessous.
Les He-219A-5 permirent de ralentir les bombardements de nuit au-dessus de l’Allemagne entre le Printemps 1944 et la fin des hostilités en mai 1945. Ils réussirent même à descendre en octobre 1944 trois Northrop P-61A au-dessus de la Belgique. Les Black Widow passaient pour être alors les meilleurs chasseurs de nuit alliés. Quelques semaines plus tard trois Lockheed F-5E, la version de reconnaissance du P-38L, rencontrèrent une patrouille de deux He-219A-5 du II./NJG1. Seul un bimoteur de reconnaissance réussit à retourner en Angleterre, mais l’avion s’écrasa à l’atterrissage.
La fin des hostilités permit à la Royal Air Force de découvrir plus à même ce bimoteur qui leur avait tant fait de mal lors des vols de nuit. Ils découvrirent notamment qu’un prototype était prévu avec les deux moteurs et un réacteur identique à celui du He-162 Salamander. Ce prototype aurait permit de donner à la Luftwaffe un sérieux avantage dans la maîtrise du ciel. Plusieurs He-219 furent acheminés vers le Royaume Uni et les Etats-Unis. Tous les essais en vol prouvèrent que les Uhu étaient supérieurs aux chasseurs de nuit alliés, et même dans certains cas aux jets de combat Meteor.
Le He-219 demeure certainement le meilleur avion de chasse de nuit de la Seconde Guerre Mondiale supérieur même au Mosquito, son éternel adversaire.
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