L’histoire de l’aviation ne s’est jamais trop embêtée avec le nombre de moteurs (ou de réacteurs) sur un avion. Globalement 99% des aéronefs en ont entre un et quatre inclus. On connait cependant quelques hexaréacteurs comme l’Antonov An-225 Mriya soviétique ou le Martin XB-48 américain ou encore le Boeing B-52 Stratofortress également américain et lui octoréacteur. Il est à signaler qu’en France on a su pousser jusqu’à un nonaréacteur avec le Dassault Mirage III V et que les Allemands sont même allés dans les années 1960 jusqu’au décaréacteur Dornier Do 31. C’est d’ailleurs dans ce même pays qu’apparut durant la Seconde Guerre mondiale un des avions à l’architecture parmi les plus insolites en terme de motorisation : le Heinkel He 111Z Zwilling et ses cinq moteurs à pistons.
Les études autour de cet avion remontent à 1941 et à un constat d’échec de la part du Reichsluftfahrtministerium. Celui-ci était que le quadrimoteur stratégique Junkers Ju 90 était totalement inapte au tractage du planeur géant Junkers Ju 322 Mammut. Cette aile volante devait permettre d’assurer l’invasion de la Grande Bretagne dans le cadre de l’opération Seelowe en déployant cent fantassins à son bord ou bien un char d’assaut ou encore une pièce d’artillerie de calibre 88 millimètres. Il fallait donc trouver une alternative.
Une équipe d’ingénieurs du DFS, le Deutsche Forschungsanstalt für Segelflug, spécialisés dans les planeurs proposa alors de coupler deux par deux des bimoteurs afin d’en faire des quadrimoteurs de grande envergure. Il s’agissait désormais de trouver l’avion idéal. Après avoir envisagé le Dornier Do 217E et le Junkers Ju 88A les ingénieurs allemands jetèrent leur dévolu sur le Heinkel He 111H. Heinkel et le DFS mirent donc en place une équipe mixte afin de réfléchir à ce futur avion.
Très rapidement les ingénieurs et techniciens de Heinkel prirent le dessus sur leurs collègues du DFS, jugés trop puristes et pas assez pragmatiques. Ils décidèrent de reprendre en profondeur les plans du He 111H. Ils choisirent l’option d’un double poste de pilotage. Dans le fuselage de gauche prenaient place le pilote et l’opérateur radio tandis que dans celui de droite on retrouvait le copilote et le mécanicien navigant. Un système interne de communication filaire permettait aux quatre hommes de communiquer entre eux. Enfin chaque fuselage disposait d’un poste défensif armé d’une mitrailleuse MG81 de calibre 7.92 millimètres et donc d’un servant à chaque fois. Là où le DFS n’avait proposé qu’un quadrimoteur les équipes de Heinkel eurent l’idée que leur futur avion soit un pentamoteur. Pour cela il choisirent d’installer un plan central de voilure accueillant trois nacelles pour des moteurs à douze cylindres en V Junkers Jumo 211F-2 d’une puissance unitaire de 1350 chevaux. Les ailes extérieures demeuraient celles des He 111H de série et conservaient donc leurs même moteurs Jumo 211F-2 d’origine. Les hélices tripales n’avaient ainsi pas été déposées et remplacées. À cette époque le RLM décida d’affecter à ce nouvel avion la désignation de Heinkel He 120. Il fut officiellement baptisé le Zwilling, siamois en français.
Le prototype de ce Heinkel He 120V0 Zwilling réalisa son premier vol en octobre 1941, les équipes de l’avionneur et du DFS ayant travaillé dans l’urgence. Malgré une certaine instabilité au décollage et un rayon de virage très important l’avion impressionna les responsables de la Luftwaffe. Ils passèrent ainsi commande à Heinkel pour cent exemplaires. C’est à ce moment là qu’un fonctionnaire de l’administration nazie changea, sans doute sans l’avoir fait exprès la désignation de l’avion. De He 120 il devint He 111Z, cette dernière lettre reprenant l’initiale du patronyme Zwilling. Adieu le He 120 l’avion demeura He 111Z.
À l’hiver 1941-1942 la Luftwaffe réalisa plusieurs essais avec ses pentamoteurs. À cette occasion les deux premiers He 111Z remorquèrent aussi bien un Messerschmitt Me 321 que deux Gotha Go 242. Des essais plus exotiques furent également menés comme celui qui consista à tracter un Junkers Ju 52/3 moteurs éteints, à le larguer, afin que celui volent ensuite une fois ceux-ci rallumés. On ignore l’issu de ces tests mais jamais cette technique ne déboucha sur quoi que ce soit.
À l’emploi il fut décidé de rajouter une mitrailleuse lourde MG131 de calibre 13 millimètres dans le nez de chaque fuselage. Ces armes étaient appelées à être servies l’une par l’opérateur radio et l’autre par le mécanicien navigant.
En fait dès le mois de février 1942 il apparut évident que le He 111Z n’était pas l’avion escompté. La commande de cent machines fut annulée après la production du onzième exemplaire de série. La Luftwaffe pensa un temps en développer des versions de bombardement longue distance et de reconnaissance stratégique, sans que cela ne se concrétise jamais.
Jamais réellement opérationnel au sein de la Luftwaffe le Heinkel He 111Z Zwilling n’était pas un avion avec une très bonne réputation. Il était jugé difficile à piloter et beaucoup d’équipage considéraient que le fait que le copilote n’ait pas accès aux manettes des gaz, réservées au seul pilote, était une absurdité complète. Surtout il n’était pas rare que le câble reliant le pentamoteur à son planeur géant Me 321 Gigant casse lors des phases de décollage laissant ce dernier sur le plancher des vaches tandis que l’avion prenait les airs. Pourtant au moins deux vols en missions d’infiltrations de troupes allemandes sont connus, tous deux ayant eu lieu en URSS. En fait l’invasion de la Grande Bretagne étant devenue caduque par l’entrée en guerre des États-Unis le He 111Z n’avait plus vraiment de raisons d’exister. Quand les troupes anglo-américaines découvrirent cet avion au printemps 1945 ils se rendirent compte que jamais la Luftwaffe n’eut plus de quatre exemplaires en même temps en état de vol. Le plan central de voilure s’était en fait avéré particulièrement fragile.
Demeurant sans doute parmi les plus étranges avions allemands de la Seconde Guerre mondiale, avec le Blohm und Voss Bv 141 ou encore le Junkers Mistel, le Heinkel He 111Z Zwilling est souvent considéré comme l’avion ayant inspiré le chasseur américain North American F-82 Twin Mustang apparu quelques années plus tard. Il ne reste de nos jours plus aucun He 111Z en état d’exposition.
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