En raison de l’accord passé entre Londres et Washington durant la Seconde Guerre mondiale, et qui prévoyait que seuls les avionneurs américains étaient habilités à produire des avions de transport militaire, les constructeurs britanniques avaient perdu une bonne partie de leurs compétences dans ce domaine dans les années qui suivirent le conflit. Mais le Royaume Uni pouvait s’enorgueillir d’avoir fait voler le premier avion de ligne à réaction construit en série, le De Havilland Comet. Des avions de transport furent produits mais d’abord issues des avions de ligne militarisés à la va-vite et utilisés dans des conditions souvent spartiates. Au début des années 60, la RAF commença à mettre en œuvre un des avions de transport britannique parmi les plus marquant de tous les temps : le Hawker-Siddeley HS-748.
Pour cet avion tout commença en 1957, lorsque l’Air Ministry fit savoir qu’il recherchait un nouvel avion de transport régional, apte dans un second temps aux missions de transport tactique pour les forces armées britanniques. Le cahier des charges prévoyait que l’avion soit mû par deux turbopropulseurs et puisse emporter 40 passagers ou une charge de fret de quatre tonnes et demi sur une distance d’environ 1250 kilomètres. Mais surtout, il s’agissait pour la Royal Air Force et pour certaines compagnies aériennes britanniques de se débarrasser le plus vite possible de leurs vieux C-47 Dakota, tout issus de la Seconde Guerre Mondiale.
Deux constructeurs se mirent sur les rangs : Avro et Handley-Page, les deux principaux constructeurs de bombardiers britanniques lourds durant le conflit. Les projets des deux concurrents étaient diamétralement opposés. Avro proposait un avion à voilure basse sans porte de chargement arrière tandis que Handley-Page proposait une machine à voilure haute disposant d’une porte de chargement de fret. Les avions étaient désignés Avro 748 et Handley Page HPR. Contre toutes logiques d’emploi militaire, c’est l’avion d’Avro qui fut sélectionné. Handley-Page ne s’arrêta pas pour autant et son HPR déboucha sur le Harald, un avion régional qui connu un certain succès d’estime.
Le 9 janvier 1959, l’Air Ministry passa une commande pour un prototype de l’Avro 748. Celui-ci se présentait sous la forme d’un monoplan à aile basse cantilever biturbopropulseur disposant d’un train d’atterrissage tricycle escamotable. L’empennage de l’avion comportait un fine arête. L’Avro 748 était propulsé par deux Rolls & Royce Dart RDa-7 Mk-514 gréé en position d’extrados. Le cockpit fut pensé pour trois personnes : un pilote, un copilote, ainsi qu’un mécanicien naviguant faisant office de radio. En outre, la cabine de l’avion pouvait emporter 44 passagers.
L’Avro 748 effectua son vol initial le 24 juin 1960. Dès ce premier vol, les autorités britanniques s’aperçurent des qualités de l’avion. En effet, outre son silence en vol, l’avion possédait quelques qualités ADAC (Avion à Décollage et Atterrissage Court) non négligeable pour l’époque.
Présenté officiellement au public lors du Salon de Farnborough en 1960 puis au Bourget en 1961, l’avion attira rapidement les clients civils, mais également militaires, si bien que le premier exemplaire de série entra en service en août 1961. Quelques mois plus tard, la firme anglaise signa un des contrats les plus importants de son histoire grâce au Avro 748 : la production sous licence de cet avion en Inde par HAL. En effet, l’état indien passa une première commande pour 200 de ces avions à la fois pour le compte de sa compagnie aérienne étatique Indian Airlines mais également pour le compte de l’Indian Air Force. Malgré le succès de l’avion à l’export, et notamment en Inde, la RAF peinait encore à trouver une place réelle au 748.
En 1964, Avro fut racheté par le tout nouveau groupe Hawker-Siddeley qui donna au biturbopropulseur sa désignation finale de HS-748. Hawker-Siddeley proposa alors à la RAF d’étudier une version spécifiquement adapté au transport militaire à partir du HS-748. Initialement désignée HS-748MF (MF pour Military Freighter, transport militaire) l’avion fut finalement redésigné HS-780. Par rapport à son prédécesseur, il se distinguait par une porte de chargement arrière incliné, comme sur les avions de transport militaire de cette époque, en particulier le Fairchild C-123, et par un empennage disposant de plans horizontaux revus avec une dièdre accentuée.
Le HS-780 reçu un accueil chaleureux de la part des généraux britanniques qui lui attribuèrent le nom de baptême d’Andover. Trente et un exemplaires de l’avion furent commandés en tant qu’Andover C Mk-1. Ils remplacèrent rapidement les derniers Dakota mais également les Vickers Viking encore en unité de transport à partir de 1966.
Bien que cet avion spécifiquement conçu pour la RAF existe, l’état-major britannique acquis six HS-748 civils, en deux lots distincts, et les désigna Andover C Mk-2. Ils furent alignés par le Squadron 32 et par le Queen’s Flight pour le transport dans le premier cas des hautes autorités civiles et militaires britanniques, et dans le second cas pour le transport personnel de la reine Elizabeth II et de sa famille. Ces deux derniers avions reçurent la livrée standard des appareils du Queen’s Flight : blanche, rouge, et marine, ainsi que le drapeau britannique sur l’empennage de l’avion.
En 1972, six Andover C Mk-1 furent transformés en Andover E Mk-3 et affectés à des missions de calibration radar et d’entrainement pour les radio mécaniciens. Ces avions furent repeint en rouge et blanc, une livrée haute visibilité. Tandis que les Andover C Mk-1 demeurèrent en service jusqu’en 1975, les avions de transport de VIP et ceux de calibrations restèrent en service jusqu’au début du XXIème siècle. Les deux Andover E Mk-3furent utilisés par le Squadron 54 jusqu’en 2011, laissant la place à des avions civils loués.
Toutefois la carrière du HS-748 et de l’Andover sous la cocarde britannique ne se limitèrent pas à la seule RAF. En effet, l’Empire Test Pilots School, qui forme les pilotes d’essais britanniques, utilisa de 1972 à 2003 un Andover C Mk-1 pour des missions de soutien logistique et de liaison. Codé XS-606 cet avion participa directement aux essais en vol, et notamment lors de la mise au point du Panavia Tornado IDS.
Le Royal Aircraft Establishment, équivalent britannique de notre CEV français, utilisa lui aussi le HS-748, et notamment une machine civile, codée XW-750 qui servit pour des essais aussi différents que des essais radars, des essais moteurs, voire même des essais de train d’atterrissage. Cet avion a été retiré du service en 1998. Mais le plus célèbre de ces avions demeure certainement le XS-646, un Andover C Mk-1 profondément modifié et qui servit aux essais en vol d’avions aussi différents que le British Aerospace Nimrod, le British Aerospace Hawk ou encore le Concorde. L’Andover XS-646 est actuellement préservé au musée de la RAF à Hendon non loin de Londres.
La carrière d’essais du HS-748 ne se limita pas au seul territoire britannique. Au moins trois de ces avions, furent employés par l’Indian Air Force et par Hindustan Aircraft Limited pour des essais de transformation en machines de guerre électronique. Le plus célèbre de ces avions est sans nulle doute celui qui fut codé H-2175 en 1990 car il s’agissait d’un avion de veille radar, autrement dit d’un AWACS de conception locale. L’avion était promis à un avenir radieux jusqu’au 11 janvier 1999 où il s’écrasa suite à une défaillance technique, entraînant la mort de tout son équipage. Le programme d’AWACS basé sur HS-748 venait de prendre fin. Un autre avion d’essais indien issu du HS-748 fit parlé de lui, celui codé H-2176. Cet avion fut assemblé lui aussi comme AWACS mais suite à l’accident du H-2175 son radôme lui fut retiré et il fut versé à HAL pour des essais au profit du chasseur de nouvelle génération LCA. Il participa notamment à la validation de son radar.
Mais l’Indian Air Force utilisa plus d’une centaine de ces avions, surtout pour des missions de transport logistique, de liaisons rapide, et d’appui auprès de l’Indian Navy. Fin 2011, il semblait que 45 de ces machines soient encore en service en Inde, les autres ayant été remplacés par des avions plus modernes comme l’Antonov An-32 ou le Casa CN-235. En 2014, les vénérables HS-748 semblent enfin mériter leur retraite
Le HS-748 a également été utilisé par des forces aériennes de pays aussi différents que l’Argentine, l’Australie, la Belgique, le Bénin, le Brésil, Brunei, le Burkina Faso, la Colombie, la Corée du Sud, l’Equateur, le Népal, le Sri Lanka, la Tanzanie, la Thaïlande, le Venezuela, et la Zambie. Plusieurs de ces pays utilisent encore le Hawker-Siddeley HS-748. En Belgique, le HS-748 a laissé la place, au début du XXIème siècle, au biréacteur brésilien ERJ-145, tandis que la trentaine de HS-748 brésiliens ont été remplacés en 2007 par des Casa C-295.
Le HS-780 n’a connu qu’un seul client à l’export, la Royal New Zealand Air Force qui utilisa cette machine de 1976 à 1998 pour des missions à caractère tactique. Les dix Andover néo-zélandais volaient au sein des Squadron 1 et 42 et certains furent dotés en 1989 d’une chaîne SAR afin de permettre de remplir des missions de sauvetage en mer au profit du service publique. Ils ont laissé la place à deux C-130H achetés de seconde main auprès de l’US Air Force.
British Aerospace, la raison sociale de Hawker-Siddeley à partir de 1983, tenta de lancer une version de patrouille maritime et de surveillance des zones de pêches sous le nom de Coastguarder. Toutefois cette version ne connu aucun succès. De même l’équipementier Macavia tenta de transformer l’avion en bombardier d’eau. Si la conception et la construction de l’avion étaient parfaites, il ne fut pas vendu à plus de trois exemplaires, tous aux Etats-Unis. British Aerospace a également tenté de lancer une version améliorée, l’ATP (pour Advanced Turbo Prop) qui demeura sans suite au niveau militaire et n’eut qu’un succès limité sur les marchés civils.
Le Hawker-Siddeley HS-748 demeure un des principaux avions de transport conçu après guerre, et avec plus de 450 avions construits pour les militaires, une machine très adaptée à sa mission. Avec le Fokker F27, le HS-748 est souvent considéré comme un des rares avions capables de remplacer le mythique Dakota.
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