Durant l’entre-deux-guerres l’industrie aéronautique française était une des plus fleurissantes au monde avec plusieurs dizaines d’avionneurs ayant conçu chacun des machines très différentes les unes des autres. Beaucoup cependant disparurent au moment des nationalisations voulues par le gouvernement Blum après de son accession au pouvoir en 1936. Parmi ces petits constructeurs figurait un avionneur qui se spécialisa dans les machines d’entraînement et de formation après avoir conçu quelques chasseurs durant la Première Guerre mondiale : Hanriot. Absorbé au sein de la SNCAC, cette entreprise avait pourtant déjà développé une étonnante famille de monomoteurs d’entraînement primaire et intermédiaire et de liaisons : le Hanriot H-180 et ses dérivés.
Fin 1933, les dirigeants de la société Hanriot se lancèrent dans le développement d’un nouvel avion de tourisme et de transport léger destiné aux aéroclubs français. Désigné H-180 celui-ci était d’une architecture étonnante. Le pilote et un de ses passagers prenaient place dans un cockpit biplace en tandem fermé tandis qu’un troisième passager était assis à l’arrière à l’air libre. Une portière vitrée séparait donc ce dernier de l’autre passager et du pilote. Pour le reste l’avion présentait des lignes assez classiques pour l’époque avec son aile haute haubané, son train d’atterrissage classique fixe doté de jambes carénées, et son moteur en ligne Renault entraînant une hélice bipale. C’est dans cette configuration que le prototype réalisa son premier vol en juillet 1934 sous l’immatriculation civile F-AOJO.
Cependant l’époque n’était pas forcément propice à l’arrivée de nouveaux avions de tourisme, si bien que le Hanriot H-180 et sa si particulière configuration furent massivement rejetés. Sauf par les militaires français qui y entrevoyaient un avion intéressant. Dès le premier vol du prototype civil le Ministère de l’Air passa commande pour second prototype désigné H-180M (M pour Militaire) et destiné à des missions d’observation et de reconnaissance diurne. L’idée était alors que le poste arrière pouvait permettre d’installer un opérateur photo et ses appareils. Le H-180M qui ne présentait en fait aucune différence avec son homologue civil vola dès octobre 1934.
Si les essais en vol se déroulèrent bien, en fait l’Armée de l’Air se rendit rapidement compte que jamais cet avion n’aurait d’intérêt pour ses unités d’observation et de surveillance. Il fut un temps envisagé de déployer ces avions auprès des unités coloniales où une telle machine pourrait trouver des débouchés, mais il devint vite évident que jamais le H-180M ne tiendrait la comparaison avec le biplan Potez 25 bien supérieur et alors déjà en service. On tenta même de le transformer en ambulance volante sous la désignation de H-181, mais là encore sans véritable espoir, les militaires et médecins français ayant entre temps adopté le surprenant Bloch MB 81, conçu ab initio pour ce type de missions. Pour la seconde fois de son histoire le monoplan Hanriot faillit disparaitre, définitivement cette fois-ci.
Pourtant à l’état-major français des officiers aviateurs eurent l’idée d’adapter cet avion aux missions d’entraînement. Une décision qui n’allait pas forcément s’avérer évidente. En effet le conservatisme de certains généraux était tel que pour eux les avions d’instruction et de formation étaient forcément des machines biplaces en tandem à cockpit ouvert et architecture de biplan. Or le Hanriot H-180 était un biplace à cockpit semi-fermé et aile haute. Une commande fut donc passée en ce sens.
L’avion d’entraînement militaire conçu par Hanriot prit la désignation de H-182. Par rapport à ses prédécesseurs il présentait une double commande pour l’instructeur et l’élève, tandis que le siège du passager « arrière » avait laissé la place à un strapontin destiné aussi bien à un second instructeur qu’à un passager en cas de vols de liaisons. Dans cette configuration le Hanriot H-182 vola en février 1935. Une commande fut rapidement passée pour 345 exemplaires de série en plus du prototype.
Lors de son entrée en service en 1936, le Hanriot H-182 était numériquement parlant l’avion d’entraînement primaire et intermédiaire le plus répandu dans l’Armée de l’Air. Si la majorité des exemplaires furent livrés dans une teinte unie, une cinquantaine d’exemplaires le furent revêtus d’un camouflage qui laissait supposer qu’il s’agissait d’avions d’armes. En fait ces Hanriot H-182 furent envoyés dans des unités disposant alors de chasseurs et d’avions de reconnaissance en tant que machine d’entraînement et de liaisons.
En 1936 Hanriot enregistra d’autres commandes pour son monoplan. Un exemplaire civil de voltige aérienne fut construit comme H-183 tandis que la désignation H-184 fut réservée pour une version export identique aux H-182 de l’Armée de l’Air. Cinquante exemplaires furent commandés par la Turquie pour des missions de liaisons et d’observation. Le petit monoplan retrouvait sa fonction militaire initiale.
Fin 1936 dix autres Hanriot H-184 furent également commandés par une association française. Qu’est-ce que des civils pouvaient bien vouloir faire d’avions militaires ? La réponse vint très rapidement. Les clients de l’avion étaient en fait un regroupement d’élus et de militants communistes français, soutenus par le pouvoir de l’époque. Les dix H-184 en question furent livrés sur un terrain d’aviation de Tarbes et repeints (à la va-vite) aux couleurs des forces républicaines espagnoles. Ces avions servirent de machines d’observation aux profits des volontaires des brigades internationales parties combattre les troupes franquistes. La majorité de ces avions fut détruite par la chasse espagnole nationaliste, équipée alors de ce qui se faisait de mieux en Allemagne et en Italie. Il est d’ailleurs à noter qu’en février 1937 deux H-184 furent abattus le même jour par une patrouille de chasseurs biplans Fiat CR-32. Le frêle monoplan français ne pouvait pas rivaliser avec le puissant biplan transalpin.
En 1936 toujours la Marine Nationale fit l’acquisition de cinq exemplaires d’une série spécialement conçue à sa demande. Désignée H-185 celle-ci consistait en un avion de liaison et de transport d’état-major. Le strapontin arrière avait été remplacé par un siège « chauffant ». Un petit radiateur à huile était installé sous l’assise du siège. L’histoire ne dit pas si cela avait réellement un effet positif sur le confort des officiers de marine transportés.
Lors du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale le Hanriot H-182 était encore le principal avion d’entraînement intermédiaire de l’Armée de l’Air. Mais au fur et à mesure de la drôle de guerre plusieurs d’entre eux furent dotés d’un nouveau camouflage et affectés à des escadrilles opérationnelles afin d’y remplir des missions d’observation et de surveillance du front. La stabilité remarquable du H-182 en fit un très bon avion de reconnaissance à vue.
Au moment de la débâcle de juin 1945 plusieurs pilotes de Hanriot H-182 eurent l’idée de rejoindre l’Angleterre avec leurs machines. Si bien que la Royal Air Force se retrouva rapidement avec une trentaine de ceux-ci sur les bras. La moitié fut versée au Squadron 24 où opéraient déjà des De Havilland DH.85 Leopard Moth et DH.87 Hornet Moth dont certains avaient été saisi au moment de l’entrée en guerre. Les monoplans Hanriot n’y demeurèrent cependant pas aussi longtemps que leurs homologues britanniques, les pièces détachées des moteurs Renault étant difficiles à trouver au Royaume-Uni à ce moment-là. De son côté la Luftwaffe ne semble pas avoir saisi de monoplans Hanriot en grande quantité pour les besoins de ses écoles, seuls quelques exemplaires épars ont été aperçus à l’époque en Allemagne.
En fait le Hanriot H-180 et ses dérivés furent victimes de leur trop grande polyvalence. Bon avion d’entraînement, stable et pardonnant beaucoup les erreurs, mais aussi avion de liaison et poste d’observation aérienne très convenable, il ne semblait manquer qu’une chose à cette machine : un armement. Aucune version de cet avion ne fut jamais armée, il faut dire qu’il avait été initialement pensé comme un aéronef civil.
Le Hanriot H-180 demeure un des avions français de la Seconde Guerre mondiale parmi les plus méconnus, il faut dire que ses missions n’étaient pas aussi « passionnantes » que la chasse ou le bombardement. Pourtant il sut les remplir, et elles étaient généralement plus qu’importantes : primordiales.
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