Hannover CL.V

La Luftforsvaret est aujourd’hui une aviation de combat parmi les plus modernes de l’OTAN grâce à ses Lockheed-Martin F-35A Lightning II qui ont succédé aux General Dynamics F-16A/B Fighting Falcon adaptés au standard MLU. Pourtant comme pour de nombreuses autres aviations militaires en Europe c’est là le résultat d’une lente évolution qui passe évidemment par les années de guerre froide, celles de la Seconde Guerre mondiale, et même dans le cas norvégien donc de l’entre-deux-guerres. C’est même dans l’immédiat après-guerre que sa chasse trouve ses origines aux travers d’un biplan biplace en tandem appelé Kjeller FF.7 Hauk, lequel était en fait une copie locale d’un avion allemand de 1918 : le Hannover CL.V.

En mai 1918 l’Idflieg émit un cahier des charges relatifs à un avion appelé Jagdzweisitzer, c’est à dire biplan de chasse. Il en confia les travaux à Hermann Dorner, alors ingénieur en chef chez Hannover et père du célèbre CL.III d’attaque au sol qui faisait à cette époque si mal aux troupes britanniques et françaises. Celui-ci décida de reprendre les grandes lignes de son CL.II afin de donner naissance à ce nouvel avion qui reçut la désignation officielle de CL.V.

Extérieurement ce Hannover CL.V ne pouvait nier sa parenté avec les CL.II et CL.III tant il en reprenait les lignes. Comme eux il était biplan à voilures décalées avec un plan supérieur de voilure très bas, comme eux il était assemblé en bois entoilé, et comme eux il possédait un poste arrière légèrement surélevé par rapport à celui du pilote afin de facilité la tâche du mitrailleur. Les nouveautés figuraient surtout dans le plan inférieur de voilure nettement plus reculé que sur les modèles précédents et dans l’empennage redevenu très académique et surtout plus facile d’entretien mécanique. Afin d’animer son Jagdzweisitzer Hermann Dorner fit appel à un moteur totalement nouveau : le BMW IIIa à six cylindres en ligne de 186 chevaux. En fait celui-ci avait été développé afin de satisfaire aux requêtes de l’avionneur Fokker, notamment pour son C.I de reconnaissance armée et pour son chasseur D.VII en alternance du moteur Mercedes D.III/D.IIIa. Ce BMW IIIa offrait au Hannover CL.V une puissance suffisante. L’armement de l’avion reprenait le schéma du CL.III à savoir deux mitrailleuses jumelées MG08 de calibre 7.92mm tirant en position de chasse et une MG14 de même calibre montée sur affût annulaire arrière avec un large débattement. C’est dans cette configuration qu’il vola pour le première fois le 7 juillet 1918.

Alors même que l’avion était essayé en vol, notamment contre des chasseurs monoplaces, la Luftstreïkrafte passa commande pour un premier lot de 200 exemplaires. Le Hannover CL.V entra en service en septembre 1918. Malheureusement pour lui il fut cantonné au même rôle que son prédécesseur direct, le CL.III. Jamais engagé dans une mission de chasse il dut se résoudre à quelques vols de harcèlement des troupes de la Triple Entente avant que l’Armistice du 11 novembre 1918 ne vienne sceller son sort. Quarante-six exemplaires de série étaient alors sortis des ateliers. Tous n’avaient même pas eu le temps de voler.

Début 1919 la commission d’armistice autorisa Hannoversche Waggonfabrik a poursuivre la production de soixante-deux exemplaires sous la désignation de Hannover F.6. Il s’agissait en fait là d’avions civils désarmés, employés aussi bien pour du transport postal que pour les premières liaisons commerciales aériennes. L’emplacement du mitrailleur ayant laissé place à une spartiate cabine pour deux passagers. Les avions de ce type étaient alors appelés des limousines, en français dans le texte. À la même époque les militaires britanniques et français avaient testé chacun de leur côté le CL.V et leur jugement était sans appel : il était supérieur à tous les avions allemands du type CL. Il aurait dû être un redoutable chasseur biplace si la guerre lui en avait laissé le temps.

En cette même année 1919 l’entreprise norvégienne Kjeller Flyfabrikk demanda à la même commission d’armistice l’autorisation de fabriquer le CL.V au titre du dommage de guerre. Après l’assemblage d’un prototype appelé FF.5 les pourparlers s’engagèrent réellement. Quand les Américains et les Italiens étaient favorables à la démarche de la société norvégienne les Britanniques et les Français s’y opposèrent arguant que Kjeller Flyfabrikk devait engager des négociations en vue de décrocher une licence de fabrication auprès de Hannoversche Waggonfabrik. Paris et Londres refusaient catégoriquement le statut de dommage de guerre au FF.5.

Finalement un accord commercial fut trouvé entre les entreprises allemandes et norvégiennes, et ce en 1923. Kjeller Flyfabrikk construisit quatorze chasseurs biplaces qui entrèrent en service début 1924 sous la désignation FF.7 Hauk. S’il était encore très compétitif en 1919 le Hannover CL.V ne l’était plus vraiment cinq ans plus tard faisant du FF.7 un avion relativement dépassé dès son entrée en service. Pour autant il mena des missions de première ligne jusqu’en 1929 et même d’entraînement avancé jusqu’en 1933. Les FF.7 Hauk se reconnaissaient au premier coup d’œil à leur train à skis, monté de l’automne au milieu du printemps.

S’il ne reste aujourd’hui plus rien des Hannover CL.V et F.6 ou encore du Kjeller FF.7 Hauk il faut savoir que le 22 novembre 1919 l’avion est entré dans l’histoire de l’aviation en établissant un record mondial d’altitude. Il atteignit 8340 mètres sur une version désarmée. Le pilote était seul à bord.