Grumman XSBF

Au cours de l’histoire de l’aviation les prototypes ont pris la forme de plusieurs sortes d’aéronefs différents. Les pures machines expérimentales, dédiées à étudier des phénomènes aéronautiques et physique sont évidemment les plus célèbres. Ils ne sont pourtant pas les seuls et surtout sont loin d’être numériquement parlant les plus importants. Ce rôle revient aux appareils n’ayant pas réussis pour diverses raisons à satisfaire aux exigences des clients et/ou des demandeurs. Et même dans ce genre certains sortent du lot par leur inadaptabilité aux cahiers des charges ou aux évolutions du marché voire de la logique tactique. Parmi les nombreux appareils de ce genre on retrouve le biplan américain Grumman XSBF.

À la fin de la première moitié des années 1930 l’US Navy commença à développer une flotte aérienne dites Scout Bomber, c’est à dire de bombardiers de reconnaissance. Il s’agissait en réalité alors plutôt de bombardiers légers en piqué destinés à servir à partir de ses porte-avions. Le premier avion utilisé dans ce rôle fut le Vought SBU Corsair, un biplan dérivé du chasseur raté XF3U. Malgré des qualités certaines cet avion ne donnait pas pleine satisfaction à un état-major sous pression du pouvoir politique qui le poussa à acquérir un avion monoplan. C’est ainsi que l’avionneur reçut un deuxième contrat consécutif pour un avion baptisé cette fois SB2U Vindicator. Tout semblait donc indiquer que l’US Navy allait en finir avec les bombardiers en piqué biplans. Sauf que les pilotes n’avaient pas dit leur dernier mot. En effet ceux-ci préféraient toujours les biplans et avaient une certaine méfiance envers les monoplans qu’ils pensaient instables lors des phases de piqués.

C’est donc sous leur pression que l’US Department of Navy émit à l’été 1934 un nouveau cahier des charges relatif à un nouveau bombardier en piqué entrant dans la catégorie des Scout Bombers. Le futur avion devait être un biplan et posséder comme motorisation un Pratt & Whitney R-1535 Twin Wasp Junior à quatorze cylindres en étoile. Trois avionneurs y répondirent : Curtiss, Grumman, et Vought.
Le premier proposait une version adaptée de son S4C-1 déjà dans les cartons de l’US Navy. Le deuxième avançait son G-16 lui aussi issu d’un avion existant déjà, à savoir le chasseur SF. Enfin, et afin de ne pas trop sortir du lot, le troisième en fit de même puisque son avion n’était ni plus ni moins qu’un SBU revu et corrigé.

Extérieurement le Grumman G-16 se présentait sous la forme d’un biplan d’envergure égal de construction métallique disposant d’un poste de pilotage biplace en tandem. Si l’avion dérivait officiellement du SF Fifi il empruntait son train d’atterrissage classique rétractable et son empennage à un autre chasseur de l’avionneur, le très réussi F3F.
Pour le reste son moteur R-1535-72 Twin Wasp Junior lui offrait 700 chevaux. Son armement consistait en deux mitrailleuses de calibre 7.62 millimètres, une fixe synchronisée en position de chasse et l’autre mobile sur affût arrière. Une bombe de 227 kilogrammes ou deux de 113 pouvaient être fixées sous le fuselage. C’est sous la désignation de XSBF qu’il réalisa son premier vol le 18 février 1936.

Si le Vought XSB3U n’avait alors pas encore volé il en était tout autrement de la concurrence en provenance de Curtiss qui avait décollé pour la première fois à la fin de l’année précédente. L’affrontement s’annonçait donc entre les deux constructeurs. Curtiss et Grumman étaient à couteaux tirés.
Sauf que l’US Navy avait déjà fait son choix : elle commanda le Curtiss SBC Helldiver. Quelques mois seulement après cette sélection la presse américaine révéla que la compétition qui l’opposait aux Grumman XSBF et Vought XSB3U était biaisée d’avance, les amiraux ayant fait leur choix depuis bien avant les deux premiers vols inauguraux.

Pour autant l’été 1936 ne fut pas synonyme d’envoi de l’avion à la casse. En effet si le XSB3U n’intéressa nullement l’administration fédérale américaine il en était tout autrement du XSBF, devenu ainsi XSBF-1 quand il fut acquis par le NACA, le National Advisory Committee for Aeronautics. Pour mémoire il s’agit de l’ancêtre de l’actuelle NASA. Il fut désarmé avant sa livraison. Stationné à Anacostia, à deux pas de l’école navale des États-Unis, l’avion fut employé pour des missions de liaisons et de soutien aux essais en vol. Il valida notamment plusieurs concepts aérodynamiques relatifs aux capotages de moteurs. Une carrière qui ne fut pas sans incident puisqu’il connut deux atterrissages chaotiques, l’un en janvier 1937 et le second en octobre 1938. À chaque fois l’avion fut réparé. Considéré comme agréable en vol le XSBF était un avion délicat à poser sur la piste en herbe du NACA d’Anacostia.
Le 25 mai 1939 le biplan rata de nouveau son atterrissage. Malgré des dégâts moindres qu’auparavant le pilote n’y survécut pas. L’avion fut réformé quelques semaines plus tard et envoyé à la ferraille.

Prototype retombé aujourd’hui dans un relatif oubli le Grumman XSBF est symbolique d’une époque où tout était à inventer dans l’aviation de combat embarquée. Petite anecdote intéressante, la désignation SBF fut reprise en 1943 quand Fairchild Canada assembla sous licence trois cents Curtiss SB2C Helldiver.