Souvent considéré comme le conflit ayant engagé la flotte d’aéronefs la plus hétéroclite possible la guerre du Vietnam permit aux États-Unis de développer des concepts parfois très novateurs. Si les plus connus furent les avions furtifs conçus à cette époque ou encore les hélicoptères de combat ayant réellement connus le feu à cette période il ne faut pas non plus oublier les avions de guerre électronique. Leur mission naquit bien durant la guerre de Corée mais c’est véritablement au Vietnam qu’ils s’illustrèrent, au point de devenir essentiels à l’action militaire américaine. Parmi les machines les plus marquantes dans ce domaine durant ce conflit on retrouve le Grumman EA-6 Electric Intruder.
En fait les origines de cet appareil remontent à avant le début de la guerre du Vietnam. C’est en novembre 1961 que l’US Navy demanda à Grumman de développer une version de guerre électronique active de son avion d’attaque embarqué A2F Intruder. Deux exemplaires de présérie furent immédiatement lancés en production sous la désignation YA2F-1H. Les experts de l’aéronavale américaine avaient alors analysés que cette future machine était l’avion idéal pour leurs missions depuis les porte-avions.
Une fois en service le Grumman A2F-1H aurait pour mission première de remplacer les Douglas AD-5Q Skyraider et F3D-2Q White Whale alors en dotation. Pourtant il ne porta jamais cette désignation.
En effet quand en septembre 1962 l’US Navy réaligna ses désignations sur celles de l‘US Air Force le Grumman A2F-1H devint Grumman EA-6A. Ses deux prototypes n’en étaient encore qu’à la phase d’assemblage. Celle-ci fut terminée en février 1963, juste à temps pour que l’appareil puisse réaliser ses essais de roulage.
Extérieurement l’EA-6A ne pouvait nier sa parenté avec l’A-6A Intruder. Cependant il possédait une protubérance de grande taille au sommet de l’empennage, renfermant sa raison d’être : la suite de guerre électronique AN/ALQ-86. C’est elle qui devait permettre à l’avion de brouiller les communications ennemies mais également de leurrer ses radars.
Son propre radar cartographique AN/APN-153 était couplé à un radar de conduite de tir AN/APQ-129 qui permettait l’emport de deux à quatre missiles AGM-45 Shrike. Ce dernier était alors l’arme antiradar la plus évoluée au sein des forces de l’OTAN.
Le poste de pilotage biplace côte à côte avait été peu modifié, permettant juste d’échanger la place du copilote-officier système d’arme pour celle du spécialiste en guerre électronique.
C’est dans cette configuration que le premier des deux Grumman YEA-6 réalisa son vol inaugural le 26 avril 1963.
Devant l’urgence pour l’US Navy de disposer de telles machines cinq A-6A furent prélevés sur les chaînes d’assemblage et transformés en EA-6A. Tandis que les prototypes servaient désormais à la formation des pilotes et spécialistes en guerre électronique ceux-ci entrèrent en service en mars 1965. C’est à la même époque qu’il fut décidé qu’ils allaient commencer à remplacer les Douglas EA-1F Skyraider et à reléguer à terre les EF-10B White Whale.
Dans la foulée vingt-et-un EA-6A de série furent commandés à Grumman.
Suite à un imbroglio propre à l’US Department of Navy ce ne fut pas l’US Navy qui fut choisi pour mettre en œuvre en premier ces avions de guerre électronique. Ils furent versés à l’escadrille VMCJ-1 de l’US Marines Corps, déployée très rapidement au Vietnam. Par la suite les exemplaires suivants rejoignirent la VMCJ-2. Devant en faire son deuil l’US Navy se tourna de fait vers le Douglas EA-3B Skywarrior.
Officiellement l’avion que le corps des Marines avait perçu ne possédait pas de nom. Ses équipages lui attribuèrent donc le sobriquet d’Electric Intruder… qui fut officialisé en 1969 devenant donc son patronyme.
L’emploi en opérations au Vietnam du Grumman EA-6A Electric Intruder démontra que l’aéronavale américaine avait eu raison de vouloir abandonner progressivement la guerre électronique passive pour la guerre électronique active. Accompagnant les vagues d’attaques et de bombardements ces avions faisaient un véritable carton contre les batteries de la DCA ennemie, leurs missiles AGM-45 Shrike étant d’une redoutable efficacité.
La fin de la guerre menée par l’Amérique dans cette partie du monde allait grandement modifié l’usage de l’EA-6A.
Le 2 septembre 1975 l’escadrille VMCJ-1 fut désactivée par l’US Marines Corps et ses avions transférés dans deux unités distinctes. Ceux de guerre électronique comme les EA-6A Electric Intruder furent versés au sein de la VMCJ-2 tandis que ceux dédiés à la reconnaissance photo, tel le RF-8A Crusader rejoignirent la VMFP-3. Pourtant l’avenir des EA-6A au sein du corps des Marines demeurait sombre. Et cela se confirma le 31 décembre 1976 quand l’US Department of Navy annonça le transfert de l’intégralité des avions à l’US Navy. Ainsi en 1977 ces avions firent leur apparition dans les rangs de l’escadrille VAQ-33 Firebirds.
L’unité servit à la transformation opérationnelle des pilotes jusque-là habitués à voler sur Douglas EA-3B Skywarrior.
Outre donc les quatre exemplaires en dotation au sein de cette unité d’entraînement avancé l’intégralité de la flotte des Grumman EA-6A Electric Intruder fut répartie en deux formations de l’US Navy. Il s’agissait des VAQ-209 Star Warriors et VAQ-309 Axemen. La première était stationné sur la côte est et la seconde sur la côte ouest.
L’émergence du quadriplace Grumman EA-6B Prowler beaucoup plus adapté aux besoins de l’US Navy fit que les EA-6A quittèrent peu à peu le devant de la scène, perdant rapidement leur rôle d’avions de guerre électronique active. À partir de juin 1984 ils furent relégués à l’entraînement à la guerre électronique au profit des bâtiments de la flotte. Deux ans plus tard ils adoptaient une livrée basse visibilité qui le redonnait un air guerrier.
Pourtant à partir de 1989 ils commencèrent leur phase de retrait du service, qui fut effective à la fin de l’année 1993. L’EA-6B Prowler remplaça alors totalement l’EA-3A Electric Intruder dont la plus part des exemplaires furent envoyés à Davis Monthan AFB pour y être stockés.
Aujourd’hui passablement retombé dans l’oubli le Grumman EA-6A Electric Intruder fut pourtant un excellent avion de transition. Il permit de passer de la guerre électronique passive des années 1950-1960 à la guerre électronique active que l’on connait aujourd’hui encore.
De nos jours un exemplaire est préservé à l’US Naval Aviation Museum de Pensacola en Floride. Le National Air & Space Museum possède également le sien, mais sans que celui-ci ne soit exposé actuellement.
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